La situation internationale

Ce rapport présente ce qui à nos yeux constitue les traits les plus importants de la situation internationale. Il ne reprend pas toutes les questions. Il sera par ailleurs suivi d’un rapport sur les problèmes de construction de l’Internationale et les enjeux du prochain congrès mondial.

La situation internationale est marquée par la crise financière et économique qui frappe l’économie mondiale depuis la fin de l’été 2007. L’éclatement de cette crise constitue un tournant dans le cours de l’économie mondiale. C’est un moment qui recoupe plusieurs processus et qui s’inscrit dans un changement de période historique ouvert à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, marqué par la globalisation capitaliste et ses contradictions.

1. C’est un tournant dans le sens où elle marque la fin d’un cycle économique de l’économie américaine qui a suivi la reprise de 2003, marqué par une explosion de la consommation intérieure, un endettement massif, qui a débouché sur cette « bulle immobilière », sur la base de taux très bas et de l’abaissement des frais financiers. C’est ainsi qu’est mis au point le système des « subprimes », des prêts à risques à taux variables consentis aux ménages les plus fragiles. C’est un des mécanismes du modèle de croissance américain de 2003 à 2008… Mais quand, en 2005, la Fed Bank augmente les taux directeurs de l’argent, elle détraque la machine, provoque l’insolvabilité et l’effondrement de millions de ménages endettés, ce qui entraîne la faillite d’importants établissements de crédit et fait vaciller le système bancaire… Comme l’explique Aglietta : « Pour maintenir un profit haut et régulier, il faut une demande dynamique. Cela ne peut venir des salaires comprimés par les attaques patronales, ni des marchés internes des pays émergents suffisamment développés, ni des revenus distribués aux actionnaires dont la masse est insuffisante pour soutenir la demande. Le capitalisme contemporain trouve, donc, la demande qui permet de réaliser les exigences de la valeur actionnariale dans le crédit aux ménages. Ce processus atteint son paroxysme aux États-Unis. Il alimente des déséquilibres financiers qui s’accumulent selon une dérive qui n’a pas de contre-tendance. En poussant à la hausse les prix des produits financiers, le crédit déconnecte la consommation du revenu disponible »… (M. Aglietta et Laurent Berribi « Désordres dans l’économie mondiale »).

2. Nous sommes confrontés non seulement à une crise financière et bancaire mais aussi à une crise de l’économie réelle. La crise des « subprimes » s’est propagée par les mécanismes propres au système financier globalisé à l’échelle mondiale. Elle a provoqué une crise de solvabilité et de liquidité qui frappe tout le système monétaire international. D’où les injections massives de capitaux dans l’économie américaine – plus de 168 milliards du plan de relance de l’économie adopté par le congrès –, la baisse des taux d’intérêt ou au contraire de nouvelles tensions avec le refus de la BCE de baisser ses taux. Cette politique monétaire faite de taux d’intérêt bas et d’injection de liquidités lors de chaque soubresaut financier est la seule politique qui reste à l’administration américaine : sera-t-elle suffisante pour relancer la machine ?

Car les prévisions de récession de l’économie américaine se confirment peu à peu. Le secteur de l’immobilier s’est effondré aux États-Unis. D’autres pays comme l’Espagne, l’Irlande ou l’Australie ayant utilisé les mêmes mécanismes de prêts immobiliers que les États-Unis sont aussi frappés par la crise.

Aux États-Unis, l’activité diminue. L’investissement baisse.

En janvier 2007, le solde de création d’emplois de l’économie américaine a été négatif. En janvier 2007, l’économie américaine a perdu 17 000 emplois. Dans l’immobilier et l’industrie, il y a eu
27 000 et 28 000 postes détruits. Les marchés tablaient sur la création de 70 000 emplois.

Les prévisions de croissance sont autour de 1,5 à 2 % dans les pays de l’OCDE.

Cette crise du système financier international renforce les faiblesses structurelles du développement capitaliste actuel, en particulier la faiblesse des investissements productifs, en « renchérissant » et en durcissant les taux et les conditions de l’emprunt. La purge exigée aux grandes banques – pour faire le tri entre les « titres pourris » et les « bons placements » – contribue à ralentir l’activité.

Le coût de cette crise financière, c’est, à ce stade, la perte de 400 milliards de dollars. C’est la mise à la rue de plus de 3 millions de ménages. C’est l’annonce de restructurations qui provoqueront des dizaines de milliers de licenciements. L’économie américaine est placée devant un dilemme redoutable : soit on réduit les déséquilibres, mais au risque de la dépression ; soit on relance l’activité, mais en aggravant les déséquilibres. Si le taux d’endettement des ménages baisse, le niveau d’activité est menacé ; s’il poursuit son ascension, il prépare la future crise. Si le taux d’épargne des ménages reste à son niveau d’insignifiance, il ne garantit pas le financement de l’économie américaine ; s’il se redresse, il porte atteinte à la consommation. Si la Fed continue à baisser ses taux, elle risque un krach du dollar ; si elle veut écarter ce risque, elle ne baisse pas ses taux, mais n’apporte pas d’aide à l’économie.

3. À l’origine de cette crise, il y a ce que Chesnais appelle une « très longue phase d’accumulation sans rupture », c’est-à-dire une accumulation de capitaux ininterrompue – sans guerre ni révolution – depuis 1950. C’est la plus longue phase de ce type de l’histoire du capitalisme.

Il y a aussi le tournant de la fin des années soixante-dix avec la contre-réforme libérale ou le consensus de Washington qui a débouché sur ce que l’on appelle « la globalisation capitaliste », c’est-à-dire une société marquée par « la domination du capital bien au-delà de la seule sphère économique », une société de marché par une explosion de la « marchandisation » et de la « financiarisation » de l’économie. Cette globalisation s’est aussi marquée par la réintégration dans le marché capitaliste mondial par un processus de restauration du capitalisme des géants comme la Russie, les anciens pays de l’Est et la Chine. Cela a profondément stimulé la croissance du capitalisme mondial mais d’un capitalisme travaillé par les contradictions liées à cette explosion du capital financier.

L’origine de cette financiarisation est consubstantielle au capitalisme, c’est-à-dire à l’accumulation de profits qui ne sont pas réinvestis dans la production directe de valeur et de plus-value. Des profits qui se valorisent en extériorité aux processus de production et au travers des seules transactions sur les marchés financiers.

Il y a aussi deux autres secteurs en rapport avec les transactions financières qui connaissent un même type de valorisation : les fonds de pension privés et les flux liés à la rente pétrolière.

Car la production de marchandises, en régime capitaliste, est sans cesse limitée par la capacité d’absorption des marchés. La production de biens et de services n’est pas assez rentable alors on investit ailleurs : pour un dollar ou un euro investi dans la production de marchandises combien cherchent à se mettre en valeur sur les places boursières, les fonds spéculatifs, les spéculations immobilières, l’or, les transactions financières et monétaires… C’est la logique de l’accumulation du profit capitaliste et de la propriété privée du capital et des moyens de production.

Cette explosion du capital financier résulte aussi de la baisse depuis plus de vingt ans de la part salariale, de la part de la production de richesses qui revient aux travailleurs. Du coup, cette plus-value qui augmente plus vite que le revenu national est accaparée par une mince couche de possédants qui est à la recherche effrénée de placements de plus en plus rentables. D’où une énorme surabondance de liquidités et de capitaux financiers qui décolle de l’économie réelle et qui ont leur logique propre… Cela fonctionne jusqu’à ce qu’il y ait un trop grand décalage, et là il y a là crise : c’est ce qui se passe aux États-Unis où il y a depuis les années 2000 une contradiction entre la croissance la plus lente de l’économie réelle depuis la Seconde Guerre mondiale et l’expansion la plus forte de l’économie financière.

C’est la limite du modèle de croissance américain qui aujourd’hui s’essouffle, voire s’épuise.

4. Mais c’est aussi un tournant dans le sens où cela fait apparaître de nouveaux rapports de force mondiaux, de nouveaux rapports entre les États-Unis, l’Europe et les nouveaux pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie, l’Indonésie, l’Afrique du Sud, la Malaisie.

Les crises des années quatre-vingt-dix ont touché presque uniquement les PED (pays en développement), crise mexicaine de 1994-1995, crise asiatique de 1997-1998, crise russe de 1998, crise brésilienne de 1999, crise argentine de 2001-2002…

Cette fois-ci la crise explose non à la périphérie mais au centre.

La crise est telle dans le système financier du Nord qu’on assiste à une fuite des capitaux vers des Bourses de valeur de pays comme l’Inde, la Chine, le Brésil. Les pays du Nord sont contraints d’accepter le sauvetage de leurs institutions financières par les « fonds de richesses souverains »
– Sovereign Wealth Funds – des superpuissances du Sud.

Mais ces mouvements de capitaux traduisent aussi, sous une forme financière, des changements dans l’économie réelle. La Chine, « atelier ou usine du monde » n’aurait pas cette croissance si elle n’avait pas profité de tout un mouvement de délocalisation et relocalisation d’une partie de l’appareil productif mondial, en particulier américain et une sous-traitance massive. Mais la Chine a atteint aussi le rang de puissance mondiale par un développement autochtone d’accumulation. Ce n’est pas seulement une économie d’exportation.

Le poids économique en PIB du groupe Chine, Inde, Russie et Brésil est potentiellement équivalent à celui des États-Unis – je dis potentiellement car c’est le poids de quatre économies nationales. Les taux de croissance aux États-Unis et en Europe tournent autour de 1,5 à 2 points. Les taux de croissance de la Chine et de l’Inde tournent autour de 8 à 9 %. Les réserves accumulées par les pays asiatiques et les pays pétroliers sont considérables. La Chine exportatrice de produits manufacturés a accumulé des réserves de change en quantité impressionnante : son stock s’élève, en décembre 2007, à plus de 1 400 milliards de dollars. Fin 2007, les PED détiennent ensemble plus de 4 600 milliards de dollars comme réserve de change tandis que les pays industrialisés détiennent moins du tiers. Les excédents commerciaux et ces réserves de devises des pays asiatiques ont été placés en bons du trésor, en actions, en obligations privées aux États-Unis ; Du coup, ces derniers ont pu ainsi laisser filer les déficits extérieurs, assurer le financement des guerres, et continuer la politique de baisse d’impôts de l’administration Bush.

5. Alors, bien entendu, il ne faut pas sous-estimer la dépendance de ces nouveaux géants de l’économie mondiale à l’économie américaine. L’économie américaine continue à jouer le rôle de locomotive de l’économie mondiale. Le marché américain reste le principal marché de la production chinoise. Plus de 35 à 40 % du PIB chinois dépendent de ces exportations, même si certains experts expliquent que la sensibilité de l’économie chinoise aux exportations diminue. Le marché interne chinois n’a pas de capacités suffisamment fortes pour absorber la production chinoise. Une récession d’ampleur outre-atlantique pénaliserait les débouchés des pays émergents. En Russie, par exemple, une récession américaine pourrait faire dégringoler les prix du pétrole, principale source de revenus du pays.

Ainsi, toute la question de l’issue de la crise actuelle réside dans les rapports Asie/États-Unis/Europe… L’interrogation majeure sur la dynamique de la crise financière et économique actuelle dépend beaucoup de l’Asie.

• Soit la crise financière actuelle révèle un processus de suraccumulation et de surproduction dans toutes les économies asiatiques, Chine, Japon, Corée, Taïwan, qui marque un ralentissement général de la demande mondiale et alors cela peut déboucher sur une crise générale de type 1929. Les limites du marché interne chinois, l’augmentation des inégalités, l’explosion de poches de pauvreté notamment à la campagne, les problèmes de crise alimentaire, la dictature du PCC qui empêche une certaine flexibilité des structures pèsent plutôt vers l’explosion de la crise… mais il y a aussi l’autre hypothèse.

• Soit la contraction de la demande extérieure est compensée par une augmentation de la demande interne et de nouvelles capacités d’absorption de la production chinoise par le marché interne ; et il y a là de nouvelles possibilités de relance de la machine économique. Le seul remède à la surproduction chinoise serait une réorientation de l’activité économique d’une croissance pour les exportations à une croissance plus autocentrée… Est-ce le cas ?

Il faut, dans tous les cas, étudier et encore étudier ce qui se passe en Chine. surtout que nous manquons de connaissances internes, et que les traditions et l’implantation de notre courant international se concentrent surtout dans une série de pays européens et latino-américains. Le travail sur l’Asie doit devenir une priorité.

6. Mais ces processus économiques – même si nous ne connaissons pas l’issue de la crise – traduisent déjà des changements de panorama de la politique mondiale, des changements de rapports de force.

L’économie monde change d’axe. Elle confirme une des tendances du développement du capitalisme à savoir une tendance à la prolétarisation générale de la planète. Des dizaines de millions d’êtres humains sont intégrées dans le salariat… La polarisation de classe est de plus en plus marquée.

Mais, du point de vue historico-politique, cette réorientation du monde se fait dans des pays où le mouvement ouvrier indépendant, sous des formes syndicales ou politiques, est structurellement faible. Les États-Unis connaissent l’existence de syndicats mais ils n’ont jamais connu l’existence de partis ouvriers de masse. Les destructions du stalinisme ont broyé ce qui pouvait subsister ou émerger de formes de mouvement ouvrier indépendant. La dictature du Parti communiste chinois a empêché jusqu’à ce jour le développement d’organisations ouvrières indépendantes, même si les conflits et explosions sociales se multiplient en Chine indiquant des formes embryonnaires associatives ou syndicales. Pour l’Inde, la situation est plus complexe car il y a dans de nombreux États des organisations d’obédience ex-communiste russe ou chinoise…

Mais globalement il y a une grande distance entre les nécessités de lutte contre la globalisation capitaliste et la réalité du mouvement ouvrier dans ces pays.

7. Cette nouvelle phase de la globalisation capitaliste s’inscrit dans le temps long, dans des rapports de force qui se sont globalement détériorés pour le monde du travail. Le rouleau compresseur libéral mis en route à la fin des années soixante-dix combinés à la réintégration de la Russie, des pays de l’Est et de la Chine dans le marché mondial ont donné de nouvelles capacités d’initiative aux classes dominantes. Les contre-réformes libérales, les déréglementations des rapports sociaux combinées à l’introduction des nouvelles technologies vont, par la flexibilité et la précarité, transformer les formes de l’exploitation capitaliste. Cela va aussi se traduire par des phénomènes de double concurrence : concurrence intercapitaliste et interimpérialiste qui engendre de nouvelles tensions protectionnistes, entre les États unis, l’Europe et les puissances asiatiques, mais aussi mise en concurrence directe des travailleurs dans le cadre d’un processus de constitution d’un marché mondial de la force de travail. Cette double concurrence conduit les gouvernements et les classes patronales à redoubler dans les attaques antisociales pour augmenter les taux de profit, allonger le temps de travail et le temps d’exploitation, contenir voire comprimer encore la part des salaires dans la production de richesses. Mais il faut remarquer la contradiction ou du moins la distance entre cette nouvelle configuration du monde et les capacités à maîtriser ou à stabiliser la situation. Les crises des directions bourgeoises combinées à des crises de représentation politique, à droite et à gauche, quand ce ne sont pas des crises institutionnelles apparaissent au grand jour. Le rejet de Bush, l’impuissance de la grande coalition en Allemagne, le carnaval italien ou les frasques de Sarkozy témoignent de ces phénomènes.

8. Ces nouvelles configurations ont des conséquences sur le plan de la politique internationale, où les intérêts d’une bourgeoisie nord-américaine affaiblie et ceux de puissances européennes qui veulent tenir leur rang dans cette nouvelle concurrence mondiale, les font converger dans de nouveaux systèmes d’alliances, notamment face à la Chine et à la Russie. Cela n’écarte pas, loin de là, la recherche agressive de nouvelles parts de marché pour chaque bourgeoisie, mais les liens entre les États-Unis et l’Union européenne tendent à se renforcer. Les nouvelles relations entre la France de Sarkozy et les États-Unis de Bush sont un bon exemple de cette inflexion ou changement. Chirac était contre la guerre en Irak. Sarkozy est pour. Il est même en première ligne dans la confrontation avec l’Iran. Mais, plus généralement, le retour prévu de la France dans l’Otan et l’intégration de la force militaire européenne au sein du même organisme indique bien le type de réorganisation en cours.

Les États-Unis sont à la veille de nouvelles élections (fin 2008), qui peuvent déboucher sur des inflexions ou des modifications de la politique nord-américaine.

La grande question de politique américaine et internationale sera de savoir s’il y a ou pas retrait des troupes américaines en Irak ?

Le plus probable, c’est la continuation de l’occupation, et ce pour des raisons de fond. Sur la dernière longue période, l’impérialisme états-unien a confirmé sa politique de redéploiement stratégique politico-militaire. Comme Ernest Mandel l’indiquait déjà il y a plus d’une vingtaine d’années, il est confronté à une contradiction, à l’asymétrie entre la tendance déclinante de l’économie et de la monnaie américaine et l’hégémonie de son appareil politico-militaire. Ce qui relativise les nuances ou différences entre Clinton, Obama, et même Mac Cain. Il s’agit de compenser un certain affaiblissement économique par une politique militaire agressive, d’occupation en Irak et en Afghanistan, de confrontation face à l’Iran et, à des degrés moindres, face à la Russie et à la Chine.

Cette politique comporte aussi une politique de « recolonisation » de certains pays visant à maintenir voire à étendre le contrôle des ressources naturelles ou des matières premières stratégiques comme le pétrole. Rappelons que nous sommes dans une situation de raréfaction du pétrole. Il y a, selon les experts, des possibilités d’extraction du pétrole au rythme actuel pour encore quarante à soixante années. Les prix du pétrole ne peuvent qu’augmenter. La lutte pour le contrôle des ressources pétrolières va devenir de plus en plus agressive. On ne peut écarter de nouvelles guerres pour le pétrole.

Mais la supériorité militaire ne signifie pas automatiquement victoire militaire. Les mots d’un « Nouveau Vietnam » sont habituellement repris par les médias américains pour parler de la situation de l’armée nord-américaine dans la région. C’est un véritable enlisement politique et militaire que connaît l’administration Bush. Les États-Unis ne gagnent pas la guerre en Irak, ni en Afghanistan. Israël n’a pas gagné la guerre contre les Libanais et le Hezbollah. Ils ne peuvent répéter un « scénario irakien » en Iran. Les tensions entre la Russie qui se réarme et les États-Unis pèsent aussi sur les rapports mondiaux. Du point de vue militaire, même si les États-Unis restent n° 1, après un ordre mondial unipolaire, émergent, des éléments d’un rapport de force multipolaires.

9. C’est aussi dans ce cadre qu’il faut prendre en compte des nouveaux phénomènes sociaux et politiques qui ne prennent pas la forme de contradictions ou de polarisations de classes. Sous la pression des exigences des marchés financiers, de l’impérialisme en particulier nord-américain ou de la réaction des classes ou de secteurs de classes dominantes autochtones, des régions connaissent des processus de fragmentation et d’éclatement.

L’absence ou l’affaiblissement structurel du mouvement ouvrier traditionnel ou du nationalisme bourgeois contribue à ces processus de morcellement et de divisions. Les réactions sociales peuvent prendre, alors, la forme d’organisations, courants, clans ou groupes ethniques ou religieux dont l’orientation est globalement réactionnaire. C’est ce qui se noue autour des situations au Pakistan et en Afghanistan. C’est aussi le sort des tendances à l’éclatement d’une série d’États en Afrique. À noter que la remontée des phénomènes religieux frappe aussi les pays du centre – remise en cause de la laïcité par Sarkozy, montée des évangélistes aux États-Unis ou au Brésil.

10. Autre dimension de la course effrénée au profit, c’est la place centrale de la crise écologique. Ce n’est pas une crise surajoutée à la crise du capitalisme. C’est une des dimensions essentielles de la crise mondiale actuelle.

Les conséquences du réchauffement climatique de la planète commencent et risquent de provoquer, à terme, de nouvelles catastrophes – écologiques, sociales, humaines. Malgré tout l’effort politique et médiatique des pouvoirs en place, pour rendre compatible le fonctionnement du système capitaliste – la recherche toujours plus effrénée du profit – et l’écologie, émerge une nouvelle prise de conscience que « les vies valent plus que les profits capitalistes » et que le coût du fonctionnement du système remet de plus en plus en cause les équilibres vitaux de la planète.

Les révolutionnaires doivent s’emparer de cette question, décisive pour les années à venir, afin de dénoncer les effets destructeurs du capitalisme sur les problèmes écologiques, et souligner l’importance d’une économie maîtrisée et planifiée durablement en fonction des besoins sociaux et non du profit capitaliste.

11. L’enlisement états-unien a des conséquences internationales, et en particulier en Amérique latine. Il ne s’agit pas de sous-estimer la pression qu’exerce toujours « l’empire » sur un continent qu’il continue à considérer comme son arrière-cour. Il faut même indiquer, dans la conjoncture actuelle, la capacité d’initiative de la droite pro-américaine sur le continent, en particulier avec son avant-garde le régime colombien d’Urribe. Le « plan Colombie » est là. La défaite de Chavez au référendum du 2 décembre redonne certaines capacités d’initiative à l’impérialisme américain, que montre la tentative de congélation des avoirs de PVDSA (Petróleos de Venezuela SA). Les bases militaires au Paraguay aussi. L’aide à la droite « golpiste » (putschiste) ou « libéral-autoritaire » est toujours présente. La zone de libre-échange des Amériques (Alca en espagnol) est un échec mais les traités bilatéraux entre les États-Unis et une série de pays d’Amérique du Sud ont été conclus. Malgré ces manœuvres et ces points marqués, il faut souligner l’affaiblissement des capacités d’intervention américaines sur le continent. Sur le plan militaire, il lui est difficile d’intervenir en Irak, en Afghanistan et de préparer des interventions en Amérique latine. Bref, les États-Unis ne se désintéressent pas de l’Amérique du Sud, mais il est incontestable qu’il y a un nouveau rapport de force entre l’impérialisme américain et une série de pays du continent latino-américain et non des moindres, en particulier deux groupes de pays.

Le premier groupe, est constitué par le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay. Profitant d’une phase de développement économique et d’une capacité des gouvernements au pouvoir – Lula au Brésil, Kirchner en Argentine, Tabaré Vázquez en Uruguay – à canaliser, maîtriser, intégrer leurs mouvements de masse ou, plus exactement, des pans entiers des directions de ces mouvements de masse – en particulier les directions du Parti des travailleurs (PT) et de la Centrale unique des travailleurs (Cut) brésilienne, du péronisme politique et syndical en Argentine (même si Lula peut se situer plus à droite que Kirchner) –, les classes dominantes de ces pays ont conquis de nouvelles marges de manœuvre pour négocier et imposer une série d’objectifs économiques à l’impérialisme américain. Elles poursuivent, à leur propre compte, et à leur manière, les politiques néolibérales, en les accompagnant d’un volet « d’assistanat social », et leur insertion dans le marché mondial, notamment par leurs politiques d’agro-exportation et par leurs relations spécifiques au système financier international.

Le deuxième groupe de pays, qui aujourd’hui imposent une nouvelle expérience de rupture partielle avec l’impérialisme américain, est emmené par le Venezuela, suivi de la Bolivie et de l’Équateur, le tout appuyé par Cuba. Ces pays, chacun avec leur spécificité, tentent aujourd’hui de desserrer l’étau de la dette, de reprendre la maîtrise et le contrôle de leurs ressources naturelles, d’assurer des programmes sociaux d’alimentation, de santé et d’éducation, de restaurer leur souveraineté nationale contre les pressions nord-américaine et européenne (tout particulièrement espagnole). Sous ces changements politiques et institutionnels, il y a une dynamique des mouvements sociaux et des mouvements de masse qui continuent à travailler le continent. Bien entendu avec des inégalités – la situation au Brésil traduit un recul du niveau de mobilisation sociale. L’Argentine reste avec un fort niveau de luttes, d’organisations syndicales et associatives mais avec une faiblesse extrême de la traduction politique. Les résultats électoraux des trois blocs électoraux d’extrême gauche trotskiste n’ont pas dépassé les 2 %. C’est dans les processus de mobilisation bolivarienne, équatorienne et bolivienne que les mouvements sociaux gardent un certain degré d’auto-activité.

De ce point de vue, beaucoup de choses se jouent au Venezuela. Chavez est à la croisée des chemins : ou il cède aux pressions de tout un secteur de la bureaucratie d’État et du patronat, y compris au sein du processus bolivarien, pour canaliser, modérer et bloquer ce même processus… et il perdra l’appui de secteurs importants de sa base sociale et politique, ou il avance, renoue avec les secteurs les plus combatifs, satisfait les revendications populaires fondamentales et le processus révolutionnaire bolivarien s’approfondira.

La crise s’accélère aussi en Bolivie, où le vote de la nouvelle constitution défendue par Evo Morales et la grande majorité de la population, ouvrière, paysanne, indienne, n’est pas reconnu par la droite et les « classes riches blanches » concentrées à Santa Cruz et dans les provinces de l’Ouest, dont quatre régions viennent de proclamer leur autonomie. Les révolutionnaires sont aux côtés du MAS d’Evo Morales pour l’application de cette constitution et la satisfaction des besoins vitaux des populations les plus pauvres de Bolivie.

Mais le pays clé, c’est le Venezuela. S’il y avait une défaite du processus bolivarien, cela aurait des répercussions immédiates en Bolivie et en Équateur, sans compter Cuba. Une dégradation globale du rapport de force, favoriserait à Cuba les partisans d’une « voie à la chinoise » – combinaison du maintien au pouvoir du Parti communiste cubain et développement du capitalisme. Mais nous en sommes encore loin, l’étape décisive, c’est la relance du processus bolivarien combinée à l’approfondissement des expériences bolivienne et équatorienne.

12. L’Europe, malgré une place plus réduite dans le monde, un affaiblissement dans la compétition économique, et une paralysie politique, reste le terrain de l’affrontement central pour la défense des droits et des acquis sociaux. Ces politiques ont, en particulier, une série de conséquences dans l’Europe capitaliste, où les principales bourgeoisies européennes, pour assurer leur place dans la concurrence mondiale, attaquent frontalement le « modèle social européen », en fait, les systèmes de Sécurité sociale, les droits sociaux des salariés, les services publics.

Cette politique est concentrée dans le nouveau « traité européen » qui reprend les grandes lignes du projet de Constitution européenne rejeté en 2005 par les peuples de France et des Pays-Bas. Elle s’en trouve renforcée par l’intégration européenne des pays de l’Est de l’Europe. Intégration qui conduit au démantèlement d’une série d’acquis sociaux et qui, par là même, tire vers le bas l’ensemble des conditions de travail et de vie des classes populaires de ces pays. En France, les idéologues du gouvernement Sarkozy l’ont ouvertement déclaré : il faut détruire le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) de 1945 et toutes les conquêtes sociales qui ont été obtenues depuis. Sarkozy déclare « vouloir réformer plus que Margaret Thatcher »…Mais il n’a ni les rapports de force, ni les instruments politiques pour appliquer son programme.

La crise de direction bourgeoise et de représentation politique pèse sur la vie politique de nombre de pays. Les classes dominantes continuent à marquer une série de points, notamment en appliquant la contre-réforme des pensions et des retraites des régimes spéciaux, en comprimant les salaires, en remettant en cause les droits sociaux, mais elles n’ont pas encore battu le mouvement ouvrier. Il y a dans des pays comme la France, l’Italie ou l’Allemagne des résistances sociales. Il n’y a pas eu de défaite majeure du mouvement ouvrier en Europe du type « mineurs anglais » des années 1980, des luttes importantes et des confrontations majeures sont encore devant nous… mais il faut faire trois remarques :

• Les luttes sont défensives. Elles n’arrivent pas à bloquer et encore moins à inverser le cours des contre-réformes. Elles se présentent sous la forme d’explosions ou de luttes partielles. Elles peuvent déstabiliser les régimes en place… mais cela n’arrête pas le processus de contre-réforme.

• Ces luttes sont inégales en Europe, selon les pays. Le niveau de luttes de classes reste assez haut en France – on parle « d’exception française » en Europe – et aussi en Italie où, à la fin des années 1990 et au début années 2000, il y a eu une combinaison de journées de grève générale du mouvement syndical et un fort mouvement altermondialisation et antiguerre. Récemment, il y a eu une grève importante des cheminots en Allemagne, même si c’est une grève qui n’a pas reçu de solidarité des autres syndicats et d’une partie importante de la gauche syndicale. En Espagne ou au Portugal, le niveau des luttes sociales reste très bas. Dans les pays du Nord de l’Europe, malgré des attaques assez fortes, la situation est sous contrôle des gouvernements et des directions du mouvement syndical ; le niveau des luttes est assez bas.

• Dans les pays, où il y a un certain niveau de luttes, il faut souligner une situation contradictoire : il y a un réel décalage entre le niveau de lutte et le niveau de conscience. Il peut y avoir des luttes ou explosions partielles mais il n’y a pas de croissance organique d’une vague de luttes de classes – niveau global des luttes, augmentation des effectifs syndicaux, des partis ouvriers, ou de courants politiques luttes de classes ou révolutionnaires – comme à la fin des années 1960 ou 1970 en Europe, particulièrement en Europe du Sud. Du coup, les luttes ont des difficultés à trouver une traduction politique en termes de luttes de classes.

13. Deux choix à gauche ! Dans la conjoncture internationale actuelle, la gauche, le mouvement ouvrier, les mouvements sociaux sont confrontés à deux grandes orientations face à la globalisation capitaliste : une orientation d’adaptation au capitalisme libéral et une autre – la nôtre – une ligne de résistance, de lutte, de combat anticapitaliste. Nous avons, en France, une formule pour parler de cette situation : « Il y a deux gauches », disons-nous. Bien entendu, il y a dans la réalité plusieurs variétés de « gauche », mais nous sommes vraiment confrontés à deux choix fondamentaux : accepter ou refuser cette mondialisation capitaliste !

La grande majorité des directions traditionnelles du mouvement ouvrier – social-démocratie, ex ou post-stalinisme, Verts – ou, dans certains pays en voie de développement, le nationalisme bourgeois ont choisi l’adaptation. C’est le résultat de tout un processus d’intégration dans les institutions et dans le système capitaliste. Mais ce processus d’intégration dans la globalisation capitaliste actuelle conduit à des changements qualitatifs, à des changements structurels, de toutes ces formations politiques, à des liens de plus en plus forts non seulement avec les institutions mais avec le capital. Le choix de Strauss Kahn au FMI en est la preuve ! Les exigences de la mondialisation capitaliste sont telles que les marges de manœuvres pour construire des compromis sociaux entre classes dominantes et mouvements réformistes se sont considérablement réduites. Les grands groupes économiques, les marchés financiers, les sommets de l’État somment les directions réformistes d’accepter le cadre dicté par la recherche de profits maximums, par une financiarisation accrue de l’économie mondiale.

Du coup, la social-démocratie se transforme en social-libéralisme. D’une social-démocratie qui, face à la lutte de classes, échangea son soutien à l’ordre capitaliste contre des améliorations sociales, on est passé à des partis socialistes qui sont devenus des « partis réformistes sans réformes » jusqu’à devenir les « partis des contre-réformes libérales ». En Europe, l’Union européenne fournit le cadre de collaboration entre la démocratie chrétienne et la social-démocratie, pour déployer les contre-réformes sur les pensions et retraites, la liquidation des systèmes de Sécurité sociale et des services publics. Cela n’écarte pas une savante combinaison de programme d’assistance des plus pauvres – un système de revenus minimum, le programme « de Bourse Famille » au Brésil… – et de contre-réformes qui attaquent le noyau dur des droits et des conquêtes sociales ouvrières.

Mais c’est sur le plan politique que ces choix sont les plus manifestes : dans l’évolution de la social-démocratie européenne vers « une troisième voie » entre la droite et la gauche, dans l’appel – maintenant en Italie ou en France – à transformer les partis socialistes historiques en partis démocrates à l’américaine… C’est aussi ce à quoi nous avons assisté au Brésil, où le Parti des travailleurs (PT) a parcouru en seulement une quinzaine d’années le parcours de près d’un siècle de la social-démocratie historique : d’un parti de classe, le PT s’est transformé en parti social-libéral. Cette évolution n’exclut pas, encore une fois, des politiques d’assistanat qui fournissent une base sociale à ces partis, dans certains secteurs de la population. C’est le cas de Lula, au Brésil, qui reste populaire avec son programme de « Bourse Famille ».

Cette évolution social-libérale relève d’une tendance générale. Dans une série de pays, ce n’est pas un processus achevé. Les classes dominantes ont besoin, d’ailleurs, dans un système politique d’alternance de « pouvoir choisir entre la droite et la gauche ». Ces formations social-libérales ne sont donc pas des partis bourgeois comme les autres. Il reste des différences entre la droite et la gauche, surtout dans le ressenti de secteurs populaires, mais globalement la social-démocratie et ses alliés connaissent, partout, ce processus d’intégration dans la mondialisation capitaliste et un mouvement « vers la droite ».

À l’autre pôle de la gauche, il y a les forces qui refusent la globalisation capitaliste, résistent et défendent une orientation anticapitaliste. Alors, bien sûr, il y a des forces qui refusent l’ultralibéralisme, rejettent ses caractères excessifs ou outranciers en espérant un capitalisme à visage humain. Il y a aussi, en Amérique latine, le retour à des projets « néodéveloppementistes » – des projets bourgeois nationalistes qui prétendent desserrer l’étau de la domination impérialiste. Mais, en général, ce qui manque à ces forces, c’est la capacité et la volonté de rompre vraiment avec toute la logique néolibérale – logique qui se confond avec celle du système capitaliste – et surtout la détermination de s’affronter avec les classes dominantes pour répondre aux aspirations populaires. Ce qui conduit en général des formations politiques – comme le PT ou le péronisme, chacun à sa manière – qui, dans l’opposition, peuvent se réclamer de l’antilibéralisme mais qui, une fois arrivées au pouvoir, s’adaptent au capitalisme libéral. Et c’est là qu’il y a, à ce jour, la différence majeure entre, d’une part, Lula, Kirchner, Tabaré Vázquez et, d’autre part, Chavez, Morales, et Corréa : les premiers se sont moulés dans la logique néolibérale en l’accompagnant de « programmes sociaux » pour les plus pauvres. Ils constituent les partenaires loyaux des marchés financiers. Le groupe des trois derniers, au contraire des premiers, n’a pas hésité à s’affronter aux classes dominantes et à l’impérialisme américain pour appliquer leur programme de réformes, cela même si ces réformes restent partielles, qu’elles ne s’attaquent pas à la structure de la propriété, que ces forces restent dans le cadre du nationalisme radical.

14. Mais notre projet, notre gauche c’est une gauche anticapitaliste et révolutionnaire, c’est une gauche de rupture avec le capitalisme. C’est dans ce cadre que nous pensons que nous pouvons avoir une nouvelle étape dans la construction de nouveaux partis larges anticapitalistes… « Nouvelle époque, nouveau programme, nouveau parti », avons-nous dit au début et au milieu des années quatre-vingt-dix. Nous pensons que la globalisation capitaliste, ses propres contradictions et ses conséquences sur l’évolution du mouvement ouvrier attestent de cette nouvelle époque.

Dans cette nouvelle période historique, il ne s’agit pas seulement de poser le problème de la construction de nos organisations mais il s’agit de retravailler des perspectives de réorganisation et de reconstruction du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux, des associations, des syndicats. Les problèmes de crise de direction se posent dans leur dimension la plus large : conscience, auto-activité expérience, construction, organisation. Il faut reformuler au travers d’une série de luttes de résistance, un nouveau projet, de nouvelles revendications, de nouvelles formes d’organisation prenant ce qu’il y a de meilleur dans le vieux mouvement ouvrier mais rejetant le plus mauvais. L’axe de l’auto-organisation et de l’auto-émancipation sous toutes ses formes est décisif dans ces processus de reconstruction. Dans une situation marquée par les contradictions internes du système, des résistances sociales et des espaces ouverts à gauche par l’évolution à droite de la social-démocratie, le problème de constituer de nouvelles formations politiques se pose comme question centrale. Bien entendu, cela dépend de l’accumulation de forces révolutionnaires ou anticapitalistes, et il n’y a pas de ligne mondiale ou continentale de construction du parti.

Rien n’est mécanique mais sur la base des dernières expériences, notamment du Brésil – et il faut souligner le prix fort que nous avons payé au Brésil mais aussi ce que nous avons appris du Brésil en Italie, et en France – se dégagent de grandes lignes programmatiques et politiques pour ces nouveaux partis.

15. Nous voulons construire des partis anticapitalistes qui opposent et s’opposent à la crise actuelle du capitalisme pas pour réformer le capitalisme ou défendre un capitalisme à visage humain, ou s’attaquer aux excès du libéralisme pour revenir au capitalisme de l’après-guerre, mais pour s’attaquer à la logique du profit capitaliste. Nouveau programme contre la globalisation capitaliste. Un programme d’action ou de transition anticapitaliste qui défende les revendications immédiates (salaires, emploi, services publics, distribution de la terre, contrôle des ressources naturelles, féminisme, dimension fondamentale de l’écologie…), démocratiques (problèmes de la souveraineté populaire et nationale dans les pays dominés) et transitoires, qui débouchent sur la nécessité d’une autre distribution des richesses et d’une remise en cause de la propriété capitaliste de l’économie.

La mise en œuvre de ces programmes exige des gouvernements au service des travailleurs appuyés sur la mobilisation et l’auto-activité des classes populaires.

Cette bataille – et c’est aujourd’hui une bataille centrale – implique le rejet de toute participation ou soutien à des gouvernements sociaux-libéraux de gestion des affaires de l’État et de l’économie capitaliste. C’est ce qui nous sépare des projets de Die Linke, de Refondation communiste, des PCS de la gauche européenne ou de la politique de nos anciens camarades de la Démocratie socialiste, qui eux n’ont plus de rive à droite…

Ainsi, la question de la participation ou non à ce type de gouvernement est, de nouveau, devenue une question cardinale de la stratégie de pouvoir en Europe comme dans les principaux pays d’Amérique latine.

Mais ces partis que nous voulons construire ont pour référence, ce que Trotski appelait « une compréhension commune des événements et des tâches, pas tout le programme, pas toute l’histoire ». Ce ne sont pas des critères idéologiques ou historiques qui doivent délimiter ces partis mais des références clés liés à la lutte de classes, et au meilleur des traditions révolutionnaires. Un programme de transition.

Nous voulons que ces partis soient pluralistes, soient des lieux de convergence et de rassemblements de tous les courants, militants anticapitalistes. Les marxistes-révolutionnaires constituant un courant dans ces partis. Mais nous devons aller plus loin, tout en laissant ouvertes une série de questions stratégiques et programmatiques, il faut retravailler le projet socialiste et communiste, prendre de plain-pied notre place dans le débat sur le socialisme du XXIe siècle. Voilà de nouvelles formules qui essaient de répondre à la nouvelle période historique.

Ce sont ces références qui constituent la base des partis anticapitalistes qui se construisent – comme le NPA en France, Sinistra Critica, en Italie, le Bloco de Esquerda (Bloc de gauche) au Portugal, le Psol au Brésil ou d’autres expériences qui ne vont pas manquer de surgir dans les années qui viennent.

Archives personnelles, février 2008
Rapport sur la situation internationale fait au CE de la IVe Internationale en février 2008

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