Pour un socialisme du XXIe siècle : prenons parti !

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À la veille du congrès de dissolution de la LCR et du congrès de fondation du NPA, Olivier Besancenot et Daniel Bensaïd publient Prenons parti, pour un socialisme du XXIe siècle. On y lira des analyses de la crise du système, des propositions pour révolutionner la société dans tous les domaines, des lettres ouvertes à Christine Lagarde, Laurence Parisot, Xavier Darcos, Dominique Strauss-Kahn, Daniel Vaillant et bien d’autres, ainsi qu’une profession de foi anticapitaliste, etc. En un mot, « une contribution sur ce que pourrait être le socialisme du XXIe siècle que nous souhaitons construire demain à la lumière de la situation actuelle ». Rouge en reproduit ici quelques « bonnes feuilles », avec l’aimable autorisation de l’éditeur, les éditions Mille et Une Nuits.

Introduction

Nous voulons changer de logiciel : anticiper les besoins sociaux et environnementaux en les planifiant démocratiquement et fixer la production à la hauteur du strict nécessaire. Dès aujourd’hui, nous prétendons qu’en donnant à la majorité du peuple un emploi stable, correctement rémunéré, avec une protection sociale généreuse et plus de services publics, non seulement les pouvoirs publics prendraient des mesures de justice sociale et de solidarité, mais ils emprunteraient la seule voie de rationalité économique possible qui permettrait la sortie de la crise. Les plans qui veulent relancer la demande sociale, en créant massivement des emplois et en augmentant les revenus populaires, n’ont de sens que s’ils suppriment en même temps la mainmise d’une infime minorité sur la marche de l’économie. Autrement dit, il faut choisir entre « un plan de sauvetage pour les banques » et un plan de sauvetage pour le peuple. Soit la fuite en avant, soit un changement radical de politique.

liberalisme.gifNous reviendrons…

Dans cette bataille, la droite, elle, se proclame décomplexée pour défendre fidèlement les intérêts du patronat et des privilégiés. Nous avons besoin d’une gauche tout aussi fidèle à son propre camp, celui des exploités et des opprimés. Le problème, c’est que la gauche qui a gouverné, en France, quinze des vingt-cinq dernières années n’est plus vraiment à gauche. Dans la plupart des pays européens, la social-démocratie a contribué à démanteler les conquêtes sociales (les services publics, la protection sociale) des luttes passées. Elle a privatisé autant, et parfois plus, que les gouvernements de droite. Elle a soutenu avec constance la construction d’une Europe libérale et bureaucratique. Elle a participé à la plupart des expéditions militaires coloniales, comme en Irak en 1991, en Afghanistan ou en Côte d’Ivoire. En France, elle parachève sa conversion au libéralisme en s’alignant sur la « troisième voie » centriste des Blair en Grande-Bretagne, Schröder en Allemagne ou Veltroni en Italie : la récente « Déclaration de principes » du Parti socialiste, rendue publique en avril 2008, est un adieu en bonne et due forme à la lutte des classes. Ce n’est là que la conclusion logique d’un ralliement consommé au culte de la concurrence « libre et non faussée ».

Les mobilisations, les grèves, les résistances à la contre-réforme libérale n’ont pourtant pas manqué : des grèves de l’hiver 1995 à celles du printemps 2008, en passant par les grands mouvements sociaux de 2003, les luttes de la jeunesse contre le CPE ou la loi Pécresse sur l’autonomie des universités, la révolte des banlieues, le « non » au traité constitutionnel européen en 2005. Lointaine héritière du Front populaire, de la Résistance et de mai 1968, cette combativité n’a pas suffi à empêcher défaites et reculs.

Ces dernières années, la politique avait mauvaise presse. Elle apparaissait comme une scène livrée aux ambitions ou aux intérêts personnels, comme un monde où les scandales financiers se multiplient. Une nouvelle génération militante lui opposait la sincérité et la fraîcheur des mouvements sociaux. Ce rejet de la politique visait surtout la politique professionnelle et institutionnelle, réduite à la gestion et à la « bonne gouvernance », coupée de la vie quotidienne, qui se déclarait (et se déclare) impuissante devant les fermetures d’entreprises, les délocalisations, la contrainte extérieure, la baisse du pouvoir d’achat. À force de tourner en rond, de défaites sociales en déceptions électorales, à force d’alternance entre le pire et le moins pire, à force de se contenter d’un « tout, sauf… » (Sarkozy ou Berlusconi), et d’un moindre mal qui va de mal en pis, un déclic s’est pourtant produit. L’idée qu’il manque un outil politique à la mesure des défis de l’époque, qu’il ne faut plus laisser la politique à ceux qui en font profession (et souvent profit), qu’il faut une nouvelle gauche révolutionnaire, a fait son chemin. C’est cette gauche anticapitaliste, cette gauche de combat pour le socialisme du XXIe siècle, que nous voulons contribuer à construire.

Tu as envie de la rejoindre. Mais tu hésites encore. Tu peux au moins essayer. Plus nous serons nombreux à vouloir la transformation sociale, plus nous aurons de chances d’arriver à nos fins. Lorsque les légions de l’Empire romain ont écrasé la première grande révolte d’esclaves, Spartacus aurait promis : « Un jour je reviendrai, et nous serons des millions. » Nous ne sommes pas des millions, mais quelques milliers. Un ou une de plus, si tu nous rejoins. Des centaines ou des milliers de plus, si d’autres suivent ton exemple. Nous finirons bien, alors, par être des millions et par déplacer les montagnes.

Prenons parti

Aujourd’hui, nous voulons construire une gauche nouvelle et clairement déterminée à changer de système économique et social. Pour cela, nous contestons l’hégémonie du Parti socialiste. Nous voulons aussi peser et changer d’échelle. Nous ne sommes pas génétiquement destinés à rester minoritaires. Nos propositions trouvent un écho de plus en plus large auprès de millions de personnes. Nos idées – solutions stratégiques globales, transformation révolutionnaire de la société – restent à ce jour minoritaires. Et nous savons bien que nombreux sont encore ceux qui, malgré leur sympathie, doutent de leur réalisme. Pour autant, nombreux aussi sont ceux qui nous jugent utiles et efficaces, pas seulement dans les combats sociaux, mais aussi dans les combats politiques, voire électoraux, pour faire avancer tels ou tels projets.

Nous pouvons conquérir et renforcer des positions politiques nouvelles dans des secteurs qui résistent, les entreprises, les quartiers populaires, ou auprès de la jeunesse notamment. Nous pouvons y gagner des majorités d’idées sur la base de nos analyses et de nos propositions. Changer d’échelle implique de faire notre petite révolution pour fonder une nouvelle force politique, où pourront se reconnaître enfin le monde du travail, les habitants des quartiers populaires et la jeunesse.

Une nouvelle génération politique a vu le jour. On l’a vue dans la rue contre le Front national, contre le racisme, contre la guerre en Irak, et aussi contre les projets du gouvernement dans l’éducation. Elle a fait deux irruptions majeures, deux secousses où, par plusieurs dizaines de milliers, elle a crié haut et fort son ras-le-bol et sa révolte, deux dates : la révolte des quartiers à l’automne 2005 et le mouvement anti-CPE en 2006. Ces deux révoltes ne se sont pas rencontrées, elles ont pourtant une racine commune : la résistance à une société à deux vitesses. Cette génération politique nouvelle, qui ne porte pas le poids des désillusions passées, pousse les portes du monde du travail, et l’on peut espérer qu’elle ne s’y laissera pas faire. Aujourd’hui dispersée, et par bien des aspects divisée, elle porte néanmoins un espoir : face à un système en crise profonde, l’indignation peut encore l’emporter chez elle sur la résignation. Nous sommes nombreux à relever la tête et à ne pas courber l’échine. Rassemblons-nous et prenons parti. Prenons parti pour changer le monde.

15 janvier 2009
www.danielbensaid.org

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