Il y a 60 ans, l’assassinat de Trotski

Trotski, un passeur du siècle

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Pourquoi cet assassinat ? Si on laisse de côté la personnalité perverse de Staline, il faut repartir des derniers combats de Trotski, c’est-à-dire de toute la période mexicaine durant laquelle il mène principalement trois grandes luttes dans une phase d’effondrement de l’espérance.

Il veut d’abord empêcher toute confusion possible entre révolution et contre-révolution, entre la phase initiale d’Octobre 1917 et le Thermidor stalinien. Il le fait notamment en organisant dès son arrivée au Mexique (janvier 1937), au moment du deuxième procès de Moscou, la commission d’enquête internationale présidée par le philosophe américain John Dewey. Cinq cents pages de documents démontent le mécanisme de la falsification, des amalgames politiques. Le deuxième combat est la compréhension des enchaînements vers une nouvelle guerre, dans une phase où allaient s’exacerber les chauvinismes et s’obscurcir les enjeux de classe. Enfin, le troisième combat, lié aux précédents, c’est celui de la fondation d’une nouvelle Internationale, – proclamée en 1938, mais projetée au moins cinq ans auparavant, dès la victoire d’Hitler en Allemagne – qu’il ne concevait pas comme le rassemblement des seuls marxistes-révolutionnaires, mais comme un outil tourné vers les tâches du moment. C’est dans ce travail que Trotski a pu, à ce moment, se vivre comme « irremplaçable ».

Temps des défaites

comunisme_piolet_1.jpgLe nécessaire et le possible

Au total, le destin tragique de Trotski illustre la tension entre le nécessaire et le possible. Entre la transformation sociale répondant aux effets d’un capitalisme pourrissant, et les possibilités immédiates. On trouve cela déjà en lisant la correspondance de Marx. Quant à l’apport théorique et stratégique, il est considérable. Notamment dans l’analyse du développement inégal et combiné des sociétés, en commençant par la Russie dès 1905, ou la perception des modalités actuelles de l’impérialisme. Mais là où il est irremplaçable, malgré des lacunes, c’est dans l’analyse du phénomène inédit à l’époque, et difficilement compréhensible, de la contre-révolution stalinienne. De ce point de vue, Trotski est un passeur. Ce qui ne signifie pas une référence pieuse ni exclusive. Nous avons au contraire pour tâche de transmettre une mémoire pluraliste du mouvement ouvrier et des débats stratégiques qui l’ont traversé. Mais dans ce paysage et ce passage périlleux, Trotski fournit un point d’appui indispensable.

20 août 2000

Reproduit dans Hebdo Tean 67 (2 septembre 2010) sous le titre « Mémoire : il y a 70 ans, l’assassinat de Trotski ».

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