Légitimité de la propriété

22. Légitimation de la propriété par le « droit d’occupation »

« L’invocation d’un “statut naturel” des objets semble se référer à la tradition du droit naturel et l’invocation du “droit d’occupation1” ou jus nullius, accordant un droit au premier occupant sur un “bien de personne”. C’est cette justification juridique qui avait servi à légaliser l’appropriation coloniale des terres décrétées vierges. Marx exploite la logique paradoxale de l’argument : lorsque la propriété n’est pas légitimée, comme chez Locke, par une action transformatrice de l’objet (par un travail), le droit d’occupation relève d’un coup de force initial (une “prise de terre” dans le cas des conquêtes coloniales). Un tel droit est universalisable. Il doit donc bénéficier aussi à la classe qui, “exclue de toute propriété”, se trouve, à l’instar des objets en question, dans une sorte d’état précivil ou préjuridique », p. 22-23.

23. Légitimation de la propriété par le travail

« C’est pourquoi les juristes ont dû abandonner la théorie du droit d’occupation “pour s’attacher à celle qui fait naître la propriété du travail2”. Cette légitimation de la propriété par le travail est en effet au cœur du traité sur le gouvernement civil de Locke. […] Proudhon réplique en substance que si le travail fonde le droit de propriété, nul ne devrait pouvoir en être dépossédé. Or, fonder le droit à la propriété privative sur le travail ne peut être un principe universalisable. La propriété exclusive des uns a en effet comme corollaire nécessaire la privation de propriété des autres. Pourquoi, demande Proudhon, “le bénéfice de cette prétendue loi restreint au petit nombre est-il dénié à la foule des travailleurs” ? […] Question assassine ! À laquelle il donne lui-même la célèbre réponse : “La propriété, c’est le vol ! Voilà le tocsin de 93 ! Voici le branle-bas des révolutions !” », p. 46-47.

  1. Les citations renvoient aux articles de Marx.
  2. Proudhon.
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