« Quel type d’organisation répond-il à ce qu’attendent d’un tel parti ces hommes et ces femmes d’aujourd’hui ? Ne tournons pas autour du pot : je ne pense pas que la réponse à cette question puisse être le centralisme démocratique… Je ne confonds pas cette notion avec sa dénaturation stalinienne, qui nous a atteints durant toute une période et que nous avons extirpée de notre fonctionnement. Je la prends pour ce qu’elle est : un principe qui me semble correspondre à une conception du combat révolutionnaire que nous avons dépassée. » C’est en ces termes que Georges Marchais a personnellement (puisque son rapport était présenté à titre personnel) pris congé du centralisme démocratique lors du dernier comité central du Parti communiste. La grande presse y a vu aussitôt la nouveauté majeure de son discours et les interventions au sein même du comité central ont souvent porté sur la question. À lire le rapport, le compte rendu de la discussion, et les commentaires journalistiques, il est pourtant difficile de savoir de quoi il s’agit au juste.
Admettons que les mots de « centralisme démocratique » comme ceux de « dictature du prolétariat » soient devenus imprononçables en raison du sens que leur a donné l’entreprise stalinienne. Remarquons cependant que ce ne sont pas les seuls mots malades du vocabulaire. Qu’en est-il du « socialisme » après Noske, Mitterrand, et le socialisme réellement existant ? Et du « communisme » après Béria, Pol Pot, Li Peng ? Et de « l’internationalisme » après les interventions blindées au nom de « l’internationalisme socialiste » ? On peut donc mettre les mots entre parenthèses s’ils font obstacles au sens. On ne pourra cependant éviter de penser avec des mots, sachant qu’ils ne sont jamais sûrs.
Qu’est-ce qui gêne donc Georges Marchais dans le « centralisme démocratique ». Il le dit tout net. C’est le centralisme : « Aussi démocratique soit-il, tout centralisme fait jouer un rôle essentiel au centre et dans un parti où la direction se nomme comité central, on voit bien où le centre se situe. » Pour être cohérent, il ne suffirait donc pas de supprimer le mot. Il faudrait aussi dissoudre la chose. Exit donc le comité central.
Que reste-t-il ? Le « secrétaire général » ?
Pour raisonner comme Georges, dans secrétaire général, il y a général : on voit bien où la hiérarchie se situe ! À moins de supprimer aussi le secrétaire général et de créer un comité directeur, ou un comité national, ou un conseil suprême ? Mais il y a « directeur » ou « national », et l’on pourrait craindre que la direction et la nation ne soient un pseudonyme de la centralisation si prestement liquidée.
Il est décidément difficile d’échapper à ce fait plus que têtu – borné : dans un pouvoir organisé en État, tout est centralisé. Les journalistes qui font des gorges chaudes de feu le centralisme démocratique devraient s’interroger sur le centralisme plébiscitaire de la Ve République, sur le centralisme hiérarchique de nos armées, sur le centralisme bureaucratique de nos médias, sur le centralisme patronal de nos multinationales. Vous connaissez un parti plus centralisé que TF1, Libération, Peugeot, ou EDF ? Et notre Assemblée nationale n’est-elle pas le « comité central » de l’État quand elle vote des lois scélérates applicables à tous et à toutes sans recours, quand ses modalités d’élection éliminent les minorités, quand le mécanisme du scrutin majoritaire donne 80 % de députés pour 25 % de suffrages ?
Rien à faire. On ne se débarrasse pas du centralisme en biffant le terme. La démonstration fonctionne d’ailleurs dans l’autre sens. Soit le « centralisme démocratique ». Je retranche le centralisme. Qu’est-ce qui reste ? La démocratie, la démocratie tout court, la démocratie sans adjectifs. C’est ce que dit Georges Marchais. La presse cultivée salue cette rigueur mathématique de la soustraction en rappelant les prophéties de Léon Blum au congrès de Tours. Le Parti socialiste en effet n’est pas officiellement centraliste (bien que dans premier secrétaire il y ait premier et directeur dans comité directeur). Est-il pour autant démocratique ? La réponse se trouve dans le congrès de Rennes, dans la guerre des chefs, dans le putsch rocardien. Et la scission de la FEN organisée par des dirigeants socialistes n’a rien à envier aux opérations staliniennes de la belle époque. Les Verts ne sont pas officiellement centralistes. Sont-ils pour autant démocratiques ? Il faut le demander aux candidats qui se sont vus refuser plusieurs fois l’entrée à ce parti par une commission d’examen au vu de leur « bio », ou aux militants suspendus ou exclus selon des procédures administratives.
La centralisation n’est pas toujours bureaucratique.
La décentralisation peut l’être tout autant.
Le cœur du problème n’est donc pas dans le centralisme mais dans la bureaucratisation. Or si des modes d’organisation peuvent favoriser ou contenir la bureaucratie, la bureaucratisation n’est pas d’abord le résultat d’une forme (la forme parti, la forme syndicat, mais aussi la forme entreprise, la forme administration, la forme association…). Elle provient avant tout d’un rapport social, notamment de la division du travail propice au monopole et à la confiscation du pouvoir, et du dédoublement généralisé (entre l’économique et le politique, l’homme et le citoyen, le privé et le public) propice à l’autonomisation des dirigeants envers les dirigés. Une fois d’accord sur le diagnostic, il n’est pas inutile de réfléchir aux formes d’organisation les mieux à même, non d’abolir les « dangers professionnels du pouvoir1 », mais de les limiter.
Marchais propose donc de supprimer le centralisme démocratique. Soit. Pour le remplacer par quoi ? La démocratie ? Mais encore ? Le droit d’ouvrir sa bouche peut constituer un progrès dans un parti où il fut longtemps d’usage de la fermer. Il n’en représente pas moins une conception fort minimale de la démocratie n’allant pas au-delà du droit (plébiscitaire plutôt que démocratique) d’être sondé ! Le droit de se faire entendre serait déjà mieux. Il implique des moyens d’expression collectifs et non seulement individuels. Des courants, des tendances ? Marchais, assez peu précis sur l’avenir du secrétariat général ou d’une éventuelle présidence du parti, est au moins catégorique sur ce point : « Peut-être certains s’interrogeront-ils : mais que propose-t-on alors ? Les courants et les tendances organisés ? Je répondrai pour ma part : Non, puisqu’il a été abondamment démontré qu’un tel fonctionnement n’est pas démocratique. » Le droit de tendance n’est certainement pas une panacée. Il est une garantie nécessaire mais non suffisante d’un fonctionnement démocratique. En tout cas, pour paraphraser Georges Marchais, « il a été abondamment » démontré que sa suppression fut toujours un remède pire que le mal, à commencer par sa suppression en 1921 dans le Parti bolchevik qui n’a pas engendré mais facilité l’ascension de la bureaucratie stalinienne. Puisque l’heure est à l’audace, le Parti communiste pourrait au moins essayer.
Les mots ont une histoire
Le centralisme démocratique aussi, tel qu’il fut codifié en 1920 par le IIe congrès de l’Internationale communiste dans la douzième condition d’adhésion : « Les partis appartenant à l’Internationale communiste doivent être construits sur les bases du centralisme démocratique. À notre époque de guerre civile aiguë, le Parti communiste ne pourra être à même de satisfaire à ses obligations que s’il est organisé le plus possible sur des bases centralistes, que si une discipline de fer règne, que si la direction centrale, soutenue par la confiance des sections du parti, est dotée d’un pouvoir complet d’autorité et des plus larges compétences. » Deux types de considérations se mêlent dans cette définition d’un régime de parti qui se veut alors novatrice.
Il s’agit, d’une part, de tirer les leçons de la dégénérescence de la IIe Internationale et du basculement presque généralisé de ses partis dans l’Union sacrée de 1914. Dans ces formations, dont la social-démocratie allemande analysée par Roberto Michels fut le modèle, le pouvoir réel échappait aux militants et aux instances élues. Il se situait de plus en plus dans les fractions parlementaires ou dans les directions syndicales. Le « centralisme démocratique » n’entendait pas seulement discipliner la « base », il entendait aussi discipliner les « élites » de la presse, du barreau, du Parlement à la souveraineté du parti en résistant aux privilèges de fonction.
Il s’agit, d’autre part, de forger un instrument adapté à la situation définie non par l’actualité historique mais par l’actualité immédiate de la révolution dans le monde. En 1920, ce n’est pas de la rhétorique. La « guerre civile » hante effectivement plusieurs pays d’Europe. Il n’en demeure pas moins que les conditions d’adhésion à l’Internationale définissent un modèle de parti pour lequel la référence militaire est omniprésente et dans lequel le rôle de la direction est celui d’un État-major. L’histoire a depuis donné de nombreux exemples de ce rapport du politique au militaire (avec la guerre prolongée en Chine, les mouvements armés de libération dans le tiers-monde, la Résistance en France ou en Grèce, la guerre civile espagnole, les guérillas latino-américaines). À moins de se convertir aux « voies pacifiques au socialisme » dont le siècle n’offre aucun exemple, il faut admettre qu’il y a là une question stratégique de première importance. Il n’en demeure pas moins que le modèle de centralisme démocratique défini par l’IC mêle (comme ce fut souvent le cas dans ces années, à commencer par le Terrorisme et communisme de Trotski) l’exception et la règle et tend à une militarisation de la notion de parti.
Que cette représentation du parti et sa mystique militante aient facilité la bureaucratisation ne fait aucun doute. Encore faut-il étudier les processus historiques, comprendre les conflits sociaux, périodiser et ne pas faire découler tous les maux d’une logique du concept. Ainsi, en 1920, le centralisme démocratique ne s’opposait pas (encore) au droit de tendance qui sera supprimé (à tort) en Russie l’année suivante pour des raisons de guerre civile définies comme exceptionnelles. L’interprétation du centralisme démocratique dans le sens du monolithisme et du parti de fer apparaîtra en 1924 seulement avec le rapport de Zinoviev au Ve congrès de l’Internationale, initiant au nom du « léninisme » fraîchement inventé, la campagne de « bolchevisation » des partis membres. Notre camarade Jederman avait dès 1970 consacré un petit livre fort intéressant aux modalités et aux conséquences de cette bolchevisation dans le Parti communiste français.
Ce n’est pourtant pas sans raison que Georges Marchais rapproche la liquidation verbale du centralisme démocratique en 1993 de celle de la dictature du prolétariat en 1976. Dans les deux cas, les mots sont certes devenus exécrables. Mais l’aggiornamento linguistique va bien au-delà du symbolique. L’abandon de la dictature du prolétariat ne signifiait pas tant une déclaration de guerre aux dictatures bureaucratiques réellement existantes (on a continué à s’accommoder de Brejnev, de Husak, de Jaruselski et autres Ceaucescu) qu’un adieu officialisé à la lutte révolutionnaire contre l’ordre existant au profit de la réforme respectueuse de l’État bourgeois sous le signe du Programme commun. On sait ce qu’il en est résulté. De même, l’abolition toute symbolique du « centralisme démocratique » ne vise pas à ouvrir la lutte contre le régime bureaucratique du parti, mais à officialiser le renoncement à un parti militant de combat pour se couler davantage dans les institutions médiatiques et parlementaires. Si pipées soient-elles, ces querelles de mots masquent toujours un arrière-fond stratégique.
Depuis 1920, de l’eau sale a coulé sous les ponts. En outre, la représentation même de la démocratie et les conditions de son exercice ont évolué, notamment avec l’individuation accentuée de nos sociétés et avec le rôle croissant des médias. Il est donc nécessaire de rouvrir une discussion qui peut être féconde si elle va au-delà des jeux de mots. Derrière le centralisme démocratique, il est d’abord question de l’organisation d’avant-garde souvent qualifiée de « léniniste ». Le sujet se prête aux polémiques superficielles. Le terme même d’avant-garde se prête au soupçon d’élitisme touchant toute minorité qui se prétend éclairée. Pratiquement, l’affaire est cependant plus prosaïque. Qu’elle se proclame ou non d’avant-garde, toute association volontaire (parti, mouvement, club) considère qu’elle a quelque chose de spécifique à dire ou à faire, « à apporter ». Sans quoi, elle se dissout ou disparaît purement et simplement. En revanche, le parti « de masse » couramment opposé au parti d’avant-garde a généralement pour conséquence pratique un régime interne clientélaire, calqué sur les institutions parlementaires, et une propension marquée à la délégation de pouvoir.
Originellement, l’idée d’un parti d’avant-garde signifiait avant tout un parti délimité de l’ensemble de la classe et dont les militants soient sélectionnés. Chacune de ces deux idées peut choquer. Elles ne manquent pourtant pas de sagesse. La délimitation du parti, le clair partage des membres et des non-membres est en effet une condition élémentaire de démocratie visant à réunir des membres égaux en devoirs et en droits, alors que les grandes machines électorales sont des partis à plusieurs vitesses, partagés entre une majorité de votants (parfois même représentés par des porteurs de mandats et procuration) et une minorité de décideurs peu contrôlés. Quant à la « sélection » des militants, elle découle pratiquement de la délimitation : il ne s’agit bien évidemment pas d’un examen de connaissance, mais d’un engagement personnel de chaque membre tel que ceux qui décident (lors d’un congrès) soient aussi ceux qui appliquent, tel qu’une pratique commune permette le cas échéant de corriger, modifier, annuler une décision.
La démocratie interne d’une organisation s’inscrit dans la logique de ces préoccupations. On a souvent résumé le centralisme démocratique par la liberté dans la discussion et de la discipline dans l’action. La formule est trop approximative pour ne pas être fausse. Elle suggère la plus grande liberté avant une décision et le silence obéissant après. Avant l’époque stalinienne on a vu au contraire, y compris dans le parti de Lénine, des discussions continuer, y compris publiquement dans les organes de presse du parti, après décision. De même, la dite discipline dans l’action n’implique pas de se comporter comme une cohorte de fer (et de fait un corps étranger) dans les milieux ou syndicats où interviennent des militants révolutionnaires. Sur la plupart des questions tactiques, ils peuvent avoir entre eux les mêmes doutes ou divergences que ceux qui divisent leurs camarades de travail. Ils n’ont pas, dans un syndicat combatif, dans une association de quartier, dans une tendance syndicale, à débarquer comme une confrérie conspirative avec une position préétablie sur toutes les questions et une discipline de vote rigoureuse. Sur bien des questions ils peuvent au contraire participer librement à la discussion d’où naîtra une décision et les membres d’un même parti peuvent exprimer des avis [différents].
De même des instances locales souveraines d’un même parti peuvent expérimenter localement ou dans leur secteur des positions différentes sur des problèmes les concernant directement. Le « centralisme », dans ce cas, n’est pas incompatible avec un certain fédéralisme : il réside davantage dans le dialogue que dans la décision disciplinaire. Une majorité peut en effet être en désaccord avec la pratique d’une section locale, le dire sans faire obstacle à l’expérience, pour tirer ensuite ensemble les leçons (dans un sens ou dans l’autre) pour tout le parti.
La discipline ne vaut donc que par rapport à de grandes initiatives et orientations dans lesquelles un parti doit jeter tout son poids. Non seulement par souci d’efficacité, mais encore par souci de démocratie.
Tout d’abord parce que la démocratie (fût-ce au sein d’une organisation) n’est démocratie (et non simple consultation d’opinion) que si elle a un enjeu. La démocratie ne se limite pas au droit à la parole. Une organisation révolutionnaire est plus « juridique » que ne l’imaginent généralement les détracteurs pressés du « léninisme ». Les statuts sont une sorte de constitution définissant des règles de débat pour parvenir à une décision et des moyens de participation à ces débats (circulation de texte, d’orateurs, mode de délégation), car il n’est de démocratie qu’organisée. En outre, une commission de contrôle (sorte de conseil constitutionnel) veille à ce que les statuts soient respectés et à ce que leur interprétation ne fluctue pas au gré des majorités de circonstance. La démocratie a donc toujours un coût, aussi bien en temps (qui semble toujours autant de soustrait à l’action) qu’en moyens matériels. Lorsqu’une question importante est tranchée par décision majoritaire, il importe donc que cette décision devienne celle de toute l’organisation. Si chaque interlocuteur (ou courant) applique sa propre orientation à l’issue du débat, la discussion devient gratuite, simple échange d’opinions n’engageant personne à rien. Dans ce cas la démocratie qui ne remplit plus sa fonction est appelée à dépérir.
Cette règle élémentaire de la démocratie majoritaire n’a rien, direz-vous, de spécifiquement centraliste. Et vous n’aurez pas tort. En théorie au moins, elle régit les statuts de la plupart des partis politiques, même si, pour les partis parlementaires, elle ne s’applique guère que sur des questions d’investitures électorales. Mais la discipline dans l’action, entendue au sens large, implique quelque chose de plus : que les décisions prises puissent être collectivement mises à l’épreuve de la pratique. Si chaque position expérimente sa propre orientation, il n’y a plus d’effort d’ensemble pour en tester une à fond. Le va-et-vient entre la discussion et la pratique est rompu : chacun peut continuer à agir selon ses convictions propres en pensant que si tout le monde avait fait pareil, cela « aurait marché ». En dehors d’une pratique collective, rien n’est plus en effet démontrable ni réfutable.
Car la politique n’est pas un jeu spéculatif, mais une lutte. En dernière analyse, une lutte contre (et pour) le pouvoir. Cela peut être déplaisant. Mais c’est ainsi. Le pouvoir existe. Le pouvoir patronal. Le pouvoir d’État, judiciaire, militaire, médiatique… L’ignorer c’est rester sous sa coupe. Refuser de le prendre, c’est se laisser prendre. Lutter contre, c’est créer, organiser, centraliser des contre-pouvoirs. Il y a divers modes de centralisation, sans doute. Une coordination nationale d’infirmières ou de postiers, un comité central de grève, c’est aussi une forme de centralisation. Mieux vaut être conscient du problème et de ses dangers pour se doter des meilleures garanties contre le danger de bureaucratisation et d’autonomisation des dirigeants, sachant que ces garanties ne sont jamais absolues, que de croire leur échapper.
En effet, ou bien un parti se dote de ses règles propres, qui visent à soustraire sa démocratie interne aux mécanismes dominants de la société, ou bien il se prétend au contraire proche de la société telle qu’elle est, en fusion avec elle, normal en quelque sorte. Mais cette fusion n’est pas avec la société en général et cette normalité est celle de la société marchande. Une certaine forme de centralisme tend à garantir la souveraineté des membres dans leur organisation, alors qu’une ouverture déclarée peut aussi laisser pénétrer dans ses rangs la loi du marché : le parti ne vit plus de cotisations volontaires (gage de son indépendance) mais de recettes publicitaires ; les dirigeants ne sont plus tellement élus et contrôlés que cooptés par les médias, etc.
Revenons donc à Georges Marchais : « C’est de démocratie, de progrès démocratique réel, effectif, vérifiable de notre fonctionnement qu’il doit s’agir ». En la matière, l’épreuve de vérité ne tient pas dans le sacrifice symbolique de telle ou telle formule rituelle, mais bien dans la pratique. À commencer par deux défis :
1. Le pluralisme d’opinion est désormais reconnu dans le Parti communiste. Pour que ces opinions puissent se regrouper autour de propositions, chercher à convaincre, les militants doivent jouir, fût-ce comme un recours, du droit de tendances. Le pluralisme individuel, c’est encore le règne du sondage, du despotisme éclairé, et du plébiscite. Il n’est de pluralisme démocratique qu’organisé.
2. La question principale n’est pas celle du centralisme. Il est toujours nécessaire de centraliser l’expérience pour en tirer des leçons partagées. Une mauvaise décentralisation peut aboutir au contraire du résultat annoncé : échanger un droit d’expérimentation local contre une autonomie accrue d’une direction centrale qui (avec ou sans le mot) ne disparaîtra pas. En revanche, le test pratique du comportement démocratique d’un parti réside d’abord dans le respect qu’il manifeste des organisations de masse (syndicats, associations, mouvement des femmes), de leur pluralisme, de leur souveraineté. En la matière, concernant le Parti communiste, tout reste à faire.
25 décembre 1996
Documents joints
- Allusion au titre d’une brochure de Christian Rakovsky de 1928 dont on trouve la traduction anglaise sur le site d’ESSF : The « Professional Dangers » of Power.