Générations altermondialistes

Partager cet article

« En juin 2003, lors du contre-sommet du G8 à Évian, le village intergalactique a surgi dans les champs autour d’Annemasse, tel ces villes champignons qui naissaient en une nuit ». 5 000 jeunes dans ce village, autant dans le village voisin, et l’étonnement des médias devant cette génération « qui n’en finit pas de naître ». Peut-être, en effet, ce village éphémère apparaîtra-t-il, dans le rétroviseur, comme son acte de naissance, de même que le campement des jeunes dans le cadre du forum social mondial de Porto Alegre apparaîtra comme le creuset d’une nouvelle génération internationaliste.

« Générations altermondialistes » ? Les premières grandies dans la crise qui dure depuis plus de vingt ans, les premières « à ne pas pouvoir espérer vivre mieux que leurs parents », écrivent les auteurs de ce livre ironique et combatif. Ce n’est plus la « génération Mitterrand », annoncée par les affiches de la campagne électorale en 1988, mais la génération des guerres des Balkans et d’Irak, des massacres du Rwanda et du Liberia, la génération Carlo Giulani (du nom du jeune de vingt ans tombé à Gênes sous les balles de l’État berlusconien). Une génération à laquelle Georges Bush et ses semblables promettent une guerre illimitée, dans le temps et dans l’espace.

De nouvelles révoltes germent et de nouvelles têtes poussent sur l’humus des résistances au militarisme impérial et à la mondialisation marchande. Ce mouvement est divers, multiforme, bariolé, liant en gerbe les nouveaux zapatistes, les nouveaux indiens, les éco-warriors, les pirates informatiques, les guérilleros du No logo. Il expérimente ses propres formes de radicalité.

Alors que les luttes sociales ont montré leur vigueur, de l’hiver 1995 au printemps 2003, en passant par la levée en masse du 1er mai 2002 contre le Front national, les mobilisations de la jeunesse, contre la guerre (à l’exception du 15 février dernier) ou contre les réformes Ferry, sont restées relativement modestes en France, si on les compare aux manifestations monstres en Italie, en Espagne, ou en Angleterre. Ce n’est sans doute que partie remise.

Quelque chose mûrit en profondeur. Ce ­livre collectif, composé par une vingtaine de jeunes militants et militantes altermondialistes (issus principalement du « Collectif lyonnais après Gênes » et du collectif Vamos – Vive l’action pour une mondialisation des solidarités) en témoigne. Il s’agit d’abord d’un compte rendu d’expériences, d’un manuel militant, ponctué de témoignages, de récits, de documents : comment utiliser Internet, comment préparer une initiative, comment organiser un « service d’ogres ». Un chapitre introductif dense inscrit ce bouillonnement de pratiques contre-culturelles dans une perspective plus large, historique et internationale.

Ce livre foisonnant est à lire, non seulement par les jeunes auxquels il est destiné en priorité, mais par les vétérans à l’écoute de l’herbe qui pousse et désireux d’apprendre (il n’est jamais trop tard !) ce qui s’invente dans les pratiques de ce que les auteur(e)s appellent joliment « la polifestique » ! De même que les luttes de 1968 ont renouvelé et enrichi les formes de lutte héritées des générations précédentes, Générations altermondialistes affirme que, pour qu’un autre monde devienne possible, un autre militantisme doit aussi être possible : action collective, expériences autogestionnaires, expérimentation de l’éco-gestion (dans l’usage des matériaux). Comment devenir à soi-même ses propres médias ? Comment organiser une « manifestive » ou « festiver » une manif ?

Le tout au rythme des batucadas inspirées des carnavals brésiliens : « Pratique ton rythme, et rythme tes pratiques ! ». Bonne lecture à toutes et à tous.

Générations altermondialistes, éditions Syllepse, 168 pages
Archives personnelles, 2007
www.danielbensaid.org

Documents joints


Partager cet article