Notes sur la question nationale

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1. La question nationale est un vieux casse-tête du mouvement ouvrier. On reproche souvent aux marxistes leur manque de réflexion ou leur retard à ce sujet. La littérature, pourtant, est abondante. La difficulté est sans doute ailleurs : dans l’écartèlement entre une « théorie » générale introuvable (qui tend au formalisme abstrait) et une politique qui s’émiette dans la pluralité historique des cas spécifiques.

2. Hésitant entre des critères « subjectifs » tautologiques (le « sentiment » national ou le « plébiscite de tous les jours ») et des critères « objectifs » prétendant naturaliser la nation (langue, territoire, ethnie), les tentatives de définitions sont souvent inopérantes.

3. Ainsi, dans sa célèbre conférence, Renan réfute-t-il tour à tour :

– l’argument racial, car « la considération ethnographique n’a été pour rien dans la constitution des nations modernes », et, puisqu’il « n’y a pas de races pures », faire reposer la politique « sur l’analyse ethnographique, c’est la faire porter sur une chimère1 » ;
– l’argument linguistique, car les langues elles-mêmes sont des « formations historiques » et on ne saurait « être parqué dans telle ou telle langue » ;
– l’argument religieux, car la religion, « devenue chose individuelle » ne « saurait plus offrir une base suffisante à l’établissement d’une nationalité moderne » ;
– l’argument économique, car « la communauté des intérêts fait les traités de commerce » mais point une patrie ;
– l’argument géopolitique enfin, car « ce n’est pas la terre plus que la race qui fait une nation ».

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Documents joints

  1. Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation, Agora 1992.
  2. Le texte de Renan est de 1882.
  3. Dans son article dans Procès, n° 19, Labica parle de la nation comme « miroir de l’État ».
  4. La Guerre entre la France et l’Allemagne, 1870, op. cit.
  5. « Lettres à Strauss », 1871, ibid.
  6. Balibar.
  7. Gallissot, La Nationalité comme métaphore ; J. Michel, « La Nation : un enjeu pour les sciences sociales et humaines ».
  8. Voir Balibar, Race Nation Classe, les identités ambiguës, La Découverte 1990, et Les Frontières de la démocratie, La Découverte 1992 ; Sami Naïr, Le Regard des vainqueurs, Grasset 1992.
  9. Renan, « Deuxième lettre à Strauss », op. cit.
  10. Cf. Régis Debray, Nouvel Observateur du 30 novembre 1989 réédité in Contretemps, éloge des idéaux perdus, Gallimard 1992 ; voir aussi Sami Naïr op. cit., et les différentes interventions de J.-P. Chevènement et de Max Gallo.
  11. Renan, Qu’est-ce qu’une nation ?, op. cit.
  12. Notamment dans ses polémiques sur La question nationale et l’autonomie (1908-1909) à propos du programme du POSDR garantissant « le droit à l’autodétermination à toutes les nationalités faisant partie de l’État ».
  13. Cf. Balibar, Race Nation Classe…, op. cit.
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