Inventer l’inconnu

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Dans son introduction, intitulée Politiques de Marx, Daniel Bensaïd déroule la genèse des textes de Marx et Engels autour de la Commune de Paris, depuis le Manifeste écrit plus de vingt ans auparavant. « Dans La Guerre civile en France, les formules esquissées dès Le 18 Brumaire sont développées et renforcées. Les organes militaires et bureaucratiques de l’appareil d’État centralisé “enserrent le corps vivant de la société civile comme un boa constrictor”. À mesure que la lutte de classes moderne a pris forme, “la physionomie et le caractère du pouvoir d’État ont subi un changement frappant”. Sa fonction répressive n’a cessé de se développer. »

Dans son analyse de la Commune, Marx – explique Bensaïd – trouve des accents quasi libertaires : c’est « une révolution contre l’État lui-même, cet avorton surnaturel de la société, la reprise par le peuple et pour le peuple de sa propre vie sociale ».

« Écrits à chaud, dans le feu de l’événement, les textes de Marx et d’Engels sur la Commune permettent de régler son compte au mythe tenace d’un Marx ultra-jacobin, hyperétatiste, et centralisateur à outrance, face à un Proudhon girondin, libertaire et décentralisateur. » Et Bensaïd montre comment La Guerre civile en France dépasse ces contradictions : « Paris, capitale des classes dominantes et de leur gouvernement, ne peut pas être une ville libre et la province ne peut pas être libre, car c’est ce Paris-là qui est la capitale. La province ne peut être libre qu’avec la Commune de Paris. »

Synthèse de la pensée marxiste face à l’événement bouleversant, l’introduction de Daniel Bensaïd à Inventer l’inconnu est un modèle d’érudition distanciée et de finesse critique.


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