Un entretien avec Daniel Bensaïd. Le philosophe, qui publie Éloge de la politique profane, analyse l’activisme présidentiel au temps du despotisme économique et de la crise du politique.
Interview par François Armanet
Le Nouvel Observateur : Dans votre livre Éloge de la politique profane, vous faites un éloge de la lenteur face à « la fièvre du zapping et « l’inconstance kaléidoscopique des appartenances ». Avec Sarkozy, cet effet de saturation et de sidération médiatiques atteint-il un point de non-retour ?
Daniel Bensaïd : Cette hystérisation de l’époque, dont participe la frénésie présidentielle, pose un sérieux problème de démocratie. Le temps de l’information, de la délibération contradictoire, de la décision mûrie est lent. Or, la politique, soumise à une exigence de réponse réflexe, en appelle de plus en plus à l’émotion instantanée au détriment de la raison et de la réflexion. Après que la nouvelle doctrine du Pentagone ait officialisé la « guerre préventive », on discute ainsi officiellement aux États-Unis de légitimer la torture préventive, et en France d’instaurer, avec le projet de loi Daty, une détention préventive illimitée. Cet emballement de surface est déterminé en sous-main par la ronde endiablée des marchandises et par la rotation accélérée du capital lui-même. Dans la lutte asymétrique contre son despotisme économique, une certaine lenteur est nécessaire à la démocratie politique.
N.O. : En quoi les conditions de l’action politique changent-elles sous l’effet de la mondialisation libérale ?