L’État, la démocratie, et la révolution : retour sur Lénine et 1917

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Cet « article-préface » a été écrit pour l’anniversaire de la Révolution russe et de la publication par Lénine de L’État et la révolution.

Rédigé dans la clandestinité et dans l’urgence en août 1917, au lendemain des journées de juillet, L’État et la Révolution est un texte pré-insurrectionnel. Pour en saisir la portée polémique, et pour en comprendre certaines outrances ou formules unilatérales, il faut rappeler qu’il constitue un geste de rupture envers l’orthodoxie de la IIe Internationale. L’intervention d’Anton Pannekoek en 1912 dans la Neue Zeit avait fait scandale. Contrairement à Bernstein et Kautsky pour qui la révolution signifiait seulement un « déplacement de forces » au sein de l’appareil d’État, il avait exhumé les textes de Marx sur Le 18-Brumaire, La Guerre civile en France, La Critique du programme de Gotha, pour rappeler aux maîtres penseurs amnésiques de la social-démocratie allemande qu’il ne suffisait pas de s’emparer d’un pouvoir d’État forgé par la bourgeoisie à son usage, mais qu’il fallait le briser. Telle était la fonction de la dictature du prolétariat, dont Marx faisait, dans sa fameuse lettre de 1852 à Weydemeyer, l’une de ses contributions majeures à la théorie révolutionnaire de son temps. L’article de Pannekoek fut accueilli comme une rechute dans un anarchisme primaire. Grand admirateur des Chemins du pouvoir de Kautsky, Lénine lui-même n’a guère pris position dans la polémique et il a plutôt continué à accepter la lecture sélective de Marx par ses héritiers officiels. Il fallut donc l’épreuve de la guerre et la révélation de « la faillite de la IIe Internationale » pour qu’il reconsidère la question et relise sous la pression de Boukharine l’œuvre de Marx avec des yeux dessillés. L’État et la Révolution est le produit de cette lecture dans la chaleur et l’urgence de l’événement révolutionnaire.

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Documents joints

  1. Rappelons que chez Rousseau et au long du XIXe siècle, le terme de dictature évoque une vénérable institution romaine, celle d’un pouvoir d’exception mandaté et limité dans le temps, opposée aux notions de despotisme ou de tyrannie qui désignent au contraire un pouvoir absolu et arbitraire.
  2. Lénine, L’État et la Révolution, in Œuvres, tome XXV, éditions de Moscou, p. 489.

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