Il s’agit ici d’une simple prise de notes, dont nous avons décidé la publication comme pour d’autres auteurs et/ou sujets. Nous n’avons pas réussi à éclairer tous les passages ainsi que la date arbitrairement attribuée.
Hal Draper, « Karl Marx’s Theory of Revolution IV, Critique of others socialisms », Monthly Review Press, New York, 1990. Paul Thomas, Karl Marx and the Anarchists, Routlerdge and Kegan Paul, Londres 1980. Aileen Kelly, Mikhaïl Bakounine, A Study in the Psychology and Politics of Utopianism, Clarendon Press, Oxford, 1982.
Anarchisme
Selon Hal Draper ne s’affirme véritablement comme courant politique qu’avec Bakounine, dans les années soixante. Auparavant, un courant de pensée, des précurseurs, mais pas l’idée d’un mouvement politique distinct. Ni Gowin, ni Stirner, ni même Proudhon (qui se présente comme mutualiste) ne sont réellement anticapitalistes, mais plutôt des réformateurs sociaux. Combine une critique socialiste du capitalisme avec une critique libérale du socialisme (cf. Paul Thomas), d’où les libéraux-libertaires.
« La passion de la destruction est aussi une passion créatrice. »
Une organisation sans autorité est-elle possible ? Le fond de la querelle n’est pas sur le projet anti-étatiste mais sur la conception du mouvement lui-même, fraction secrète et avant-gardisme auquel conduit le refus de l’autorité ; quelques centaines déterminées suffiraient. Les différences basiques selon Hal Draper :
– l’abolition de l’État comme résultat d’un processus et non comme un décret, dépérissement, extinction dont il faut précisément créer les conditions ;
– le but de Marx est la démocratisation de l’autorité politique et de toute autorité, mais le mal ne vient pas de l’État qui n’est lui-même qu’une forme politique du rapport social (division du travail, fétichisme à attaquer à la racine) ;
– des interprétations différentes de la liberté (la liberté immédiate abstraite selon Hegel). La conception anarchiste est individuelle-solipsiste (inviolabilité de la souveraineté individuelle), forme extrême du libéralisme politique et théorie du contrat. Pour Marx, la liberté en société passe par la démocratie ou ses formes supérieures. Une conception sociale de la liberté à égale distance de l’individualisme égoïste et de l’organicisme étatiste.
Parenté avec la critique utopique et romantique
Face à l’abstraction réelle des rapports sociaux, le sentimentalisme florissant en Allemagne et en Russie comme expression d’un anticapitalisme précapitaliste, ambivalent comme le premier romantisme, entre critique et nostalgie. Le pathos de l’Amour comme idéologie sociale inspirée du christianisme. Kriege : « Nous voulons unir l’humanité par le biais de l’amour » = sectes politico religieuses.
Apparenté à l’utopie qui a un « point fort », l’élément critique, la critique des conditions existantes, mais une solution imaginaire (le sens non pratique du possible). À la différence des fondateurs, les héritiers et disciples doctrinaires, faiseurs de systèmes. Comme l’écrira Engels, « nous nous régalions pour notre part des grandes idées et des germes d’idées qui perçaient partout sous leur enveloppe de prodiges ». Fourier (qui comprend le passé et le présent même si sa représentation du futur est spéculative) différent de l’utopie rigidifiée, sans le tranchant critique d’un Cabet, le type du système ready made. C’est l’élément utopique qui se sclérose dans les sectes au détriment de la part critique. Dans la mesure où le socialisme utopique se veut porteur d’une vérité absolue indépendante du temps, de l’espace, du développement historique, il apparaît comme une découverte accidentelle et non nécessaire. Alors que les utopies d’un Fourier ou d’un Owen étaient « le pressentiment et l’expression fantaisiste-poétique d’un monde nouveau », l’utopie tardive devient réactionnaire. Conséquence, le moralisme : la moraline comme substitut d’abstractions à l’analyse concrète. Fuit l’histoire dans la morale. Le joker humaniste, un mot qui peut remplacer n’importe quoi et effacer l’antagonisme de classe.
Contre le socialisme d’État
Le terme apparaît dans les années quatre-vingt contre Bismarck, le socialisme de chaire ou le socialisme monarchique. Mais la formule est déjà chez Stein (contre Louis Blanc et ses ateliers nationaux) : le gouvernement comme protecteur équitable du capital et du travail. Lassalle et l’État comme panacée universelle. Nationalisation des chemins de fer en 1880. Notes sur Wagner : là où l’État lui-même est un producteur capitaliste qui possède les mines, les forêts, etc., ses produits « sont des marchandises qui ont le même caractère spécifique que toute autre marchandise » (cf. Engels p. 86). Et les employés restent des travailleurs salariés. Et Lafargue contre Brousse inventeur des « services publics » (et Verstaatlichung).
Mais l’abolition de l’État, c’est la formule que nous utilisions au temps de notre jeunesse. Proclamer sa disparition ne l’empêche pas de réapparaître sous des travestissements. Les textes de 1843-1844 sacrifient la question : ce n’est pas l’État qui génère l’ordre social, mais le rapport social qui engendre l’État. Ergo, la révolution communiste doit en finir avec la division du travail pour en finir en dernier lieu avec les institutions politiques. L’abolition de l’État n’est plus le premier, mais le dernier mot.
Le prolétariat « utilisera sa suprématie politique » ?, mais le pouvoir public perdra son caractère politique (Manifeste communiste) = association où le libre développement de chacun sera la condition du libre développement de tous. L’abolition du pouvoir politique n’est plus un slogan simple, mais un but final. Engels constate, dans les années cinquante, que « l’abolition de l’État est devenue en Allemagne un mot passe-partout » (Hal Draper, p. 125). Le premier décret du gouvernement proclamé à Lyon par Bakounine en septembre 1870 : « La machine administrative et gouvernementale de l’État, étant devenue impuissante, est abolie. » Décret signé par une vingtaine de ses proches, mais le décret promettait aussi la peine capitale pour quiconque tenterait d’interférer avec l’activité des communes révolutionnaires. Pour Bernstein ou pour Kelsen, Marx et Engels sont des individualistes anarchistes, tout comme le Lénine de l’État et la Révolution pour nombre de ses proches.
Et contre le fétichisme de l’État. Marx avec Hegel contre les tendances dissolvantes de la société civile moderne. Et contre les idolâtries symétriques de l’État entre l’étatisme d’Hegel/ Lassalle (ou Bauer qui croit pouvoir combattre la religion grâce à l’appui de l’État – cf. l’éducateur éduqué, position sur l’école, etc.) et l’anarchisme pour qui tout le mal vient de là. Dans une certaine mesure « étatisme et anarchisme sont les deux faces d’un même fétiche » (Paul Thomas, p. 56) : surestimer le rôle de l’état, c’est surestimer les effets de son abolition proclamée. Pour Marx, l’État n’est pas doté d’une puissance autonome (et mystérieuse). Et la sécularisation de l’État n’est pas une réponse (suffisante) : « l’émancipation de l’État de la religion n’est pas l’émancipation de l’homme réel envers la religion » (religiosité des modernes, Marx en a une vision autrement profonde qui conduit à la thématique du fétichisme). La citoyenneté est un phénomène religieux, un fantasme d’universalité ou une universalité fantasmatique (Paul Thomas, p. 71).
Critique de la bureaucratie (l’État hégélien) et de « la république prêtre » (non au fétichisme républicain). La bureaucratisation marche avec le capitalisme.
Mais raisonner en termes de « nature de classe » de l’État, conduit tout droit à la dictature du prolétariat en tant qu’alternative.
Le Politique et le social
Marx après avoir critiqué l’illusion politique et l’État hégélien, parvient à lier, contre les puristes de la question sociale, le politique et le social (y parvient-il vraiment, ou est-ce au prix d’un pari sociologique et d’un stratagème historiciste ?). L’État comme nécessité transitoire.
Paradoxe, champion du fédéralisme, Proudhon refuse de reconnaître les questions nationales comme questions politiques. Vieux chauvinisme français. Idem, les Bakouninistes ne s’opposent pas seulement à la participation électorale, mais s’abstiennent de toute politique (pur et impur) pour s’en tenir à la propagande.
Pour le Marx de 1844, la période classique de la pensée politique, c’est la République française, et « le principe de la politique, c’est la volonté ». La Commune désinstitutionnalise le pouvoir politique et politise la société. C’est « une forme politiquement expansive », la « réabsorption du pouvoir d’État par la société ».
Société civile. L’affirmation de soi se retourne en négation de la personnalité, laquelle dépend des possibilités de transformation sociale, ce que l’affirmation de soi prise comme fin doit empêcher. En tant qu’espace de l’affirmation de soi, la société civile reste le royaume du contingent, du fortuit, de l’accidentel, de l’arbitraire ajouté à un système de dépendance universelle (Paul Thomas, p. 40).
Propriété. Avec la scission société civile/État la propriété devient indépendante de toute notion de bien commun et sert exclusivement l’intérêt privé. L’homme devient l’attribut ou prédicat de la propriété. L’esprit général de la société civile, c’est la propriété privée. La critique proudhonienne de la propriété fait écho à la tradition de l’économie morale communautaire. C’est pourquoi il ne peut tirer les conclusions qui s’imposent de la relation pourtant saisie entre propriété et prolétariat.
Stirner, l’individualisme
Les Freien 1 : « l’homme moderne défie toute autorité et ne respecte rien davantage que lui-même » (Bruno Bauer). Exaltation du moi et de l’ego, l’égoïsme comme jouissance de soi, associé à l’utilitarisme de Bentham, mais poussé au bout de sa logique. Désintégration libérale de la société civile en atomes. L’absolue souveraineté de l’ego.
Stirner pas clair sur l’abolition de l’État. Dans IE 2, deux passages sur le thème mais dans une perspective communiste. Saint Max est le plat de résistance de IE. Première réaction d’Engels positivement critique : « Stirner croyait que tous les programmes, idéaux, théories comme les systèmes politiques, économiques, sociaux sont autant de prisons artificiellement conçues pour l’esprit, des moyens de broyer la volonté. Pas conséquents, ces systèmes doivent être détruits, non parce qu’ils sont mauvais, mais parce que ce sont des systèmes, envers lesquels la soumission est une forme nouvelle d’idolâtrie ; c’est seulement lorsqu’il en aura fini avec eux que l’homme deviendra maître de lui-même et atteindra sa véritable stature d’être humain » (cité par Paul Thomas, p. 128).
Pour Stirner l’apogée du procès historique c’est la suprématie de l’ego affirmé (revendiqué). Connecte donc, c’est sa force, critique de la religion et critique de la politique. Il pousse Marx à critiquer l’humanisme de Feuerbach sans s’aligner sur l’extrême individualisme. Or la révolution est pour Stirner une école de fanatisme et la trace résiduelle du millénarisme chrétien. Oppose donc révolution à rébellion comme soulèvement des passions individuelles : la rébellion comme un moyen sans fins : « La différence entre la révolution et la rébellion n’est pas comme le croit Stirner que l’une est politique et sociale alors que l’autre serait un acte égoïste, mais que la première est un acte, alors que la seconde n’en est pas un le moins du monde. » (Marx, cité par Paul Thomas, p. 173). Si la loi est une contrainte (manifestation d’autorité), le crime peut être légitime = Netchaïev.
Autorité et liberté
Opposition non dialectique autorité liberté (voir la liberté selon Hegel) ; Confusion autour du terme même d’autorité. De 1851 à 1871 ni Marx ni Engels ne mentionnent l’abolition de l’État. Engels ne connaît rien de plus autoritaire que la révolution (Hal Draper, p. 142). Les bakounistes maîtres d’Alcoy en 1873 établissent des laissez-passer interdisant de quitter la ville sans autorisation (Hal Draper, p. 163).
C’est pour Hal Draper, la question clef. Le principe d’autorité. L’anarchisme conséquent tient la démocratie (majoritaire) pour une forme d’autorité symétrique au despotisme. Henri Perret au moment de la scission jurassienne en janvier 1870 : « Ces démocrates sont en fait des autoritaires qui ne veulent aucune opposition » (Hal Draper, p. 135). Rejetant toute autorité, y compris consentie, conduit au droit pour la minorité d’imposer ses conceptions à la majorité, si nécessaire par la violence. Plus avant-gardiste que l’avant-garde. L’abolition de toute autorité abolit aussi celle de la majorité sur la minorité (Engels 1872 in Hal Draper, p. 137) Pour Engels, autonomie et autorité ne constituent pas une antinomie absolue, mais des notions relatives dont les sphères varient.
Conception abstraite négative de la liberté comme absence de contrainte, libre d’entrave, nourrie d’une anthropologie optimiste quant à une bonne nature originelle dévoyée. Oscille entre la nostalgie d’une bonne nature perdue et la perspective d’une perfectibilité infinie.
Liberté des anciens et des modernes.
Individualité et individualisme
Distinction chez Marx entre individualité et individualisme. L’auto-affirmation devient une fin en soi. Le choc des subjectivités. Si les rapports sociaux se réduisent à des relations interindividuelles, chacun devient pour l’autre un concurrent et un rival. Pour Hegel, la société civile qui rompt avec l’ancien régime = une institution de l’échange. D’où la distinction entre le bourgeois et le citoyen (scission schize intime). « L’individualisme peut satisfaire les exigences d’une économie de marché », mais « l’individualité réclame plus que ce que la société civile peut donner » (Paul Thomas, p. 37). Marx soucieux d’une individualité effective (cf. Manifeste et libération personnelle ou individuelle). Mais auto réalisation par l’activité pratique (le travail), autoproduction de l’être humain par l’être social qui permet la connaissance de soi : le moi n’est pas un donné mais un procès (un développement). L’individu comme être social.
Le travail comme réappropriation de l’individualité dépouillée/dépossédée, mais pas sous domination du capital. Marx défend donc l’individualité autrement. L’individualité de l’unique réduite en fait à une essence, une abstraction sociale. D’ailleurs Stirner, quoi qu’il en dise, reste sous l’emprise de telles abstractions. L’individualité est seulement une capacité en puissance, sinon se réduit à une essence morte, comme l’ego unique de Stirner.
Contre l’organisation
L’Alliance = une organisation hautement centralisée. Bakounine décrit son organisation comme « un nouvel État révolutionnaire ». Un cercle clandestin d’une poignée d’élus conspiratifs, « une véritable société de Jésus ». Fraction secrète au sein de l’Internationale à laquelle ils appartiennent de plein droit : en quelque sorte pionniers de l’entrisme. L’Alliance sépare les initiés des profanes (héritage du carbonarisme et des sociétés secrètes ?), les profanes sont « menés par le bout du nez » par une organisation secrète dont ils ignorent même l’existence. Netchaïev pour « la concentration de tous les moyens d’existence sociale dans les mains de notre comité et la proclamation de l’obligation du travail physique pour tous » : (Hal Draper, p. 167).
Anarcho réformisme
Derrière la radicalité et le refus de la politique, le réformisme.
Lettre de Proudhon contre Marx. Parce que nous sommes à la tête d’un mouvement, il y a risque de devenir des « apôtres d’une nouvelle religion » et des « dirigeants d’une nouvelle intolérance », même s’il s’agit d’une religion de la logique et de la raison. Il faut se débarrasser de « tout mysticisme et de tout exclusivisme ». « Nous ne devons pas proposer une action révolutionnaire comme moyen de la réforme sociale, car ce qui n’apparaît que comme moyen signifierait un appel à la force et à l’arbitraire. Je préfère cuire la propriété à petit feu que de lui donner une nouvelle force en faisant une saint Barthélemy des propriétaires » (cité par Paul Thomas, p. 207).
Marx : Proudhon prend les produits sociaux de la société bourgeoise comme des êtres éternels spontanés. Il veut la concurrence sans les effets de la concurrence (Jospin !), il « veut les avantages de la vie bourgeoise sans ses conséquences ». C’est pourquoi il est « nécessairement doctrinaire ». Il ne cherche pas la solution des problèmes dans l’action véritable, mais « dans la rotation de sa propre tête ». Tout pour lui a deux côtés, un bon un mauvais, ou bien ou bien, ni/ni… Sa réforme d’en bas fait pendant à la réforme d’en haut de Lassalle.
Personnalités
Bakounine – Un Gengis Kahn avec le téléphone : ce crétin ne peut même pas comprendre que tout mouvement de classe est nécessairement un mouvement politique.
« Bakounine est devenu un monstre, une masse énorme de chair et de graisse qui ne peut plus guère se déplacer » (Karl Marx à Friedrich Engels, 12 septembre 1863).
« Bakounine te donne bien le bonjour. Il est parti aujourd’hui pour l’Italie […]. Je dois dire qu’il m’a beaucoup plu, plus qu’avant […]. Au total il est l’une des rares personnes que je rencontre au bout de 16 ans et qui n’ait pas évolué à reculons, mais vers l’avant » (Karl Marx à Friedrich Engels, 4 novembre 1864).
« Ce Russe veut, selon toute apparence, devenir dictateur du mouvement ouvrier européen. Qu’il prenne garde, sinon il sera officiellement excommunié » (Karl Marx à Friedrich Engels, 27 juillet 1869). « Si ce maudit russe songe effectivement à se hisser à la tête du mouvement ouvrier, il est temps de lui river vraiment son clou et de poser la question de savoir si un panslaviste peut être membre d’une association internationale de travailleurs » (Friedrich Engels à Marx, 30 juillet 1869). « Ce maudit Moscovite a réussi à provoquer dans nos rangs un grand scandale public, à faire de sa personne un emblème, à inoculer dans notre association le poison de l’esprit de secte » (Karl Marx à Paul et Laura Lafargue, 19 avril 1870).
Cabet – « Cabet dont le plus grand défaut est une forme d’esprit superficielle et le mépris des exigences de l’analyse scientifique… Le point essentiel qui fait que Weitling l’emporte sur Cabet : la suppression de tout pouvoir fondé sur les rapports de force et la hiérarchie, et son remplacement par la pure administration qui organiserait les diverses branches d’activité et distribuerait les produits du travail… » (Friedrich Engels, janvier 1844).
Feuerbach – « … l’affection que j’ai pour vous. Votre Philosophie de l’avenir et La Nature de la foi ont à coup sûr, malgré leur volume réduit, plus de poids que toute la littérature allemande actuelle réunie. Vous avez – j’ignore si c’est délibérément – donné dans ces écrits un fondement philosophique au socialisme » (Karl Marx, 11 août 1844).
Fourier – « Nous projetons de traduire Fourier et plus généralement de créer, si possible, une Bibliothèque des meilleurs écrivains socialistes étrangers. Fourier serait celui qui conviendrait le mieux pour commencer » (Friedrich Engels, 7 mars 1845).
« […] dans les utopies d’un Fourier, d’un Owen, se lit le pressentiment et l’expression fantastique d’un monde nouveau » (Karl Marx, 9 octobre 1866).
Hegel – La société civile comme incarnation du système des besoins. Mais incapable de résoudre la contradiction de la modernité, postule l’État comme incarnation de l’universalité menacée. Ses médiations institutionnelles ne sont pour Marx que des mystifications. Seule l’abolition de l’État en tant qu’institution séparée (lourd héritage de ce geste de rupture initial). Mais Marx et Hegel ont en commun le souci de la séparation produite par la modernité, l’opposition à « l’individualisme possessif » et au choc des subjectivités incapable de fonder une société de droit : le contrat social généralise la problématique de la propriété privée dans une sphère supérieure d’une autre nature » (Hegel).
Guerre/force/droit. Pour Hegel, la guerre est un moment éthique, elle est politiquement intégrative dans la mesure où elle contribue à surmonter la fragmentation. La force est un moment du droit (cf. dialectique du maître/ esclave). Défend donc la fonction de la guerre contre la paix perpétuelle kantienne, qui conduirait de la moralité à la corruption.
Heine – « Heine est en train de mourir. Je suis allé le voir il y a quinze jours, il était couché et venait d’avoir une crise de nerfs. Hier, il était levé mais mal en point. Il ne peut plus faire un pas, il se traîne en s’appuyant sur les murs… » (Friedrich Engels, 14 janvier 1848).
Proudhon – Fédéralisme édifié sur le mutualisme (fonds d’aide, sociétés de crédit, contrats mutuels hors gouvernement). De la capacité politique des classes ouvrières = Proudhon contre Blanqui, mais aussi contre Babeuf, sa communauté des biens et l’exaltation de l’État. Un moralisme qui tourne autour d’une idée abstraite de justice. La Justice comme une sorte de démiurge.
Finalement l’opposition à l’État devient opposition à toute politique, mais rattrapé au tournant (diatribes machistes, dérapages racistes, indulgence envers Bonaparte, anglophobie et antisémitisme, défense de l’esclavage) (soutient le Sud dans la sécession) (cf. Lichteim cité par Paul Thomas, p. 186), dénonciation des grèves et nationalisme français.
« Il ne raille pas en critique les sentimentalités socialistes. Il excommunie en saint, en pape, les pauvres pécheurs et chante les gloires de la petite bourgeoisie et des misérables illusions amoureuses, patriarcales, du foyer domestique. Et ce n’est rien d’accidentel. Il est de la tête aux pieds philosophe et économiste de la petite bourgeoisie. Il est en même temps bourgeois et peuple. Il se vante d’être impartial, d’avoir trouvé le juste équilibre. Il n’est que la contradiction sociale mise en action » (Karl Marx à Annenkov).
« La révolution de février survint fort mal à propos pour Proudhon qui, quelques semaines auparavant, venait de proclamer de façon péremptoire que l’“ère des révolutions” était à jamais révolue. Cependant, son attitude à l’Assemblée nationale ne mérite que des éloges, bien qu’elle prouve son peu d’intelligence de la situation. Après l’insurrection de juin cette attitude était un acte de grand courage » (Karl Marx à Johann Baptist von Schweitzer, 24 janvier 1865).
« Son point de vue petit bourgeois… Le petit-bourgeois se compose d’un côté et d’un autre côté… Il est la contradiction faite homme… »
Schelling – « Il a fait de la philosophie une science diplomatique universelle […]. La philosophie de Schelling, c’est la politique prussienne sub spécie philosophiae… » (Karl Marx, octobre 1843).
Archives personnelles, pas de date
www.danielbensaid.org
Documents joints
- Les Freien sont un groupe d’intellectuels appartenant aux Jeunes hégéliens qui se réunissait à Berlin.
- Nous n’avons pas retrouvé à quel titre il est fait référence.