1. « Accumulation par dépossession »
« David Harvey définit la globalisation capitaliste comme nouvelle phase “d’accumulation par dépossession”. Il y voit la poursuite des pratiques d’accumulation “primitive” ou “originaire” en vigueur à l’aube du capitalisme : “La suppression des droits communs conquis par de longues années de luttes de classe acharnées (comme la protection sociale, la santé publique, les retraites) et leur retour au domaine privé a constitué une forme politique de dépossession la plus agressive menée au nom de l’orthodoxie néolibérale1.” Cette “accumulation par dépossession” est une condition de survie du capitalisme. » p. 75.
8. Concentration de la propriété
« En dépit des contes et légendes du “capitalisme populaire” et par-delà la dissémination apparente de la propriété au bénéfice de “l’actionnariat salarié” et des “petits porteurs”, la concentration de la propriété atteint des niveaux sans précédent. Fin 2003, la capitalisation boursière mondiale atteignait 31 000 milliards de dollars, soit près de 90 % du produit intérieur brut de la planète. Les actionnaires possèdent ainsi certainement plus des trois-quarts du patrimoine marchand de l’humanité. Si cette richesse paraît disséminée à la marge, elle est concentrée dans un petit nombre de pays développés, de sorte que 5 % de la population mondiale (dont la moitié aux États-Unis) détiennent la quasi-totalité des avoirs boursiers de la planète et 77 000 ménages “ultra-riches” détiennent à eux seuls de l’ordre de 15 % de la richesse mondiale » p. 59.
11. Devenir propriétaire/devenir actionnaire
« Pour étouffer le scandale de cette monstrueuse appropriation privée des richesses naturelles et sociales, le discours dominant promet à tous de devenir propriétaires (de leur logement) ou actionnaires (de leur entreprise). Il n’est pas sûr que les bénéficiaires de l’actionnariat salarié se sentent propriétaires. Il est probable en revanche que leur double représentation dans les conseils d’administration, en tant que salariés et en tant qu’actionnaires, fera d’eux des schizophrènes le jour où l’actionnaire qui sommeille en eux aura à licencier son double salarié pour s’assurer un retour sur investissement supérieur à 15 % au prix de la perte de son emploi et de son salaire », p. 59-60
17. Épreuve de force politique
« Face aux cruautés de la jungle marchande, le manifeste d’Attac recense une série de mesures censées renverser les piliers du néolibéralisme. Mais s’attaquer à ces piliers c’est remettre en cause la souveraineté des propriétaires. Comment, en effet, planifier sur des décennies un ambitieux programme de reconversion énergétique sans contester le pouvoir des grandes compagnies pétrolières ou de l’industrie nucléaire, sans affronter les lobbies privés de l’armement et de la communication, de plus en plus étroitement liés. Il ne s’agit plus alors des avantages comparatifs de solutions économiques rationnelles, mais d’une épreuve de force politique », p. 88.
28. Marché réticulaire et droit d’entrée
« Dès lors que le droit de licence prend le pas sur le droit de vente pour assurer à ses détenteurs une nouvelle forme de rente, elle deviendrait soluble dans l’actionnariat salarié et dans l’économie de l’accès. Jeremy Rifkin, qui s’était naguère imprudemment aventuré à prophétiser “la fin du travail”, soutenait encore en 2000 dans L’Age de l’accès que, dans la “nouvelle économie”, la propriété était condamnée à s’effacer devant l’accès, et le marché à disparaître dans le réseau. Le marché se porte pourtant comme un charme. Il a suffi pour cela qu’il apprivoise le réseau en devenant un marché réticulaire. Mais ne l’a-t-il pas toujours été ? Quant à “l’accès”, il n’a pas remplacé la propriété. Comme tout péage, il n’en est que le droit d’entrée », p. 81
30. Nouveau partage des richesses
« Face au creusement des inégalités et à la montée des exclusions, un nouveau partage des richesses devient une urgence sociale. Il ne s’agit pas simplement de les répartir plus équitablement. La question est indissociablement liée à celle de la propriété. Paradoxalement, alors que la privatisation bat son plein et que sa concentration atteint un degré inégalé, apparaît l’idée étrange selon laquelle la question de la propriété relèverait désormais de la préhistoire du mouvement ouvrier », p. 81.
34. Privatisation généralisée du monde
« A l’heure de la globalisation marchande et de la privatisation généralisée du monde, les articles de Marx sur le vol de bois revêtent une troublante actualité. L’achat de la force de travail d’autrui établit un rapport d’appropriation/expropriation, non seulement de cette force de travail, mais aussi des services publics, de l’épargne populaire, de la consommation, des corps mis en spectacle, de l’espace livré à la spéculation foncière et immobilière. La privatisation touche non seulement des entreprises publiques, mais aussi l’éducation, l’information, le droit (par la généralisation du contrat privé au détriment de la loi commune), la monnaie, les savoirs, la violence, bref, l’espace public dans son ensemble », p. 58.