Vpered : Quels sont les aspects de l’héritage marxiste qui appartiennent définitivement au passé, et quels sont ceux qui vous semblent toujours aussi pertinents aujourd’hui ?
Daniel Bensaïd : Je voudrais commencer par nuancer ou différencier l’idée même d’héritage. Il n’y a pas un héritage, mais plusieurs : un marxisme « orthodoxe » (d’État ou de Parti) et des marxismes « hétérodoxes », un marxisme scientiste (ou positiviste) et un marxisme critique (ou dialectique), ou encore ce que le philosophe Ernst Bloch appelait des « courants froids » et des « courants chauds » du marxisme. Il ne s’agit pas de simples différences de lecture et d’interprétation, mais de discours théoriques qui sous-tendent parfois des politiques antagoniques. Comme le répétait souvent Jacques Derrida, l’héritage n’est pas un bien que l’on transmet et que l’on conserve. Il est ce qu’en font les héritiers, et ce qu’ils en feront.
Alors, ce qui est périmé, dans la théorie de Marx ?
Je dirais d’abord un certain optimisme sociologique : l’idée que le développement capitaliste entraîne de manière presque mécanique le développement d’une classe ouvrière toujours plus nombreuse et concentrée, toujours mieux organisée, et toujours plus consciente. Un siècle d’expériences a montré l’importance des divisions et des différenciations dans les rangs du prolétariat. L’unité des classes exploitées n’est pas une donnée naturelle, mais un combat et une construction.
Ensuite, je pense qu’il faudrait reprendre une réflexion de fond sur les notions de dictature du prolétariat et de dépérissement de l’État. C’est une question compliquée, car les mots n’ont pas aujourd’hui le même sens qu’ils pouvaient avoir sous la plume de Marx. À l’époque, la dictature, dans le vocabulaire des Lumières, s’opposait à la tyrannie ; elle évoquait une vénérable institution romaine : un pouvoir d’exception délégué pour un temps limité, et non pas un pouvoir arbitraire illimité. Il est évident qu’après les dictatures militaires et bureaucratiques du XXe siècle, le mot n’a plus cette innocence. Pour Marx il désignait une grande nouveauté : un pouvoir d’exception pour la première fois majoritaire, dont la Commune de Paris représenta, selon ses propres mots, « la forme enfin trouvée ». C’est donc de cette expérience de la Commune (et de toutes les formes de démocratie « d’en-bas ») qu’il faudrait parler aujourd’hui. La notion de dictature du prolétariat ne définissait donc par pour Marx un régime institutionnel défini. Elle avait plutôt un sens stratégique, celui de souligner la rupture de continuité entre un ordre social et juridique ancien et un ordre nouveau : « entre deux droits opposés, c’est la force qui tranche », écrivait-il dans le Capital. De ce point de vue, la dictature du prolétariat serait la forme prolétarienne de l’état d’exception.
Enfin, on entend souvent dire que Marx aurait pu être (ou a été) un bon économiste, ou un bon philosophe, mais un piètre politique. Je crois que c’est faux. Marx est au contraire un penseur de la politique, mais pas comme on l’enseigne dans les « sciences » dites politiques, pas comme une technologie institutionnelle (d’ailleurs, au XIXe siècle, il n’y avait guère de régimes parlementaires en Europe – Grande-Bretagne mise à part – ni de partis politiques sous la forme moderne que nous connaissons). Il pense plutôt la politique comme événement (les guerres et les révolutions) et comme invention de formes. C’est ce que j’appelle « une politique de l’opprimé » : la politique de ceux qui sont exclus de la sphère étatique à laquelle la pensée bourgeoise réduit la politique professionnelle. Si cette autre idée de la politique reste aujourd’hui très importante, il n’en reste pas moins des points aveugles chez Marx, qui peuvent favoriser un court-circuit entre le moment de l’exception (la « dictature du prolétariat ») et la perspective d’un rapide dépérissement de l’État (et du droit !). Ce court-circuit me paraît présent chez Lénine (notamment dans L’État et la Révolution), ce qui n’aide guère à penser la transition sous ses aspects institutionnels et juridiques. Or, toutes les expériences du
XXe siècle nous obligent désormais à penser durablement la distinction entre partis, mouvements sociaux, institutions étatiques.
Quant à l’actualité de l’héritage, elle semble évidente : l’actualité de Marx, c’est celle du Capital et de la critique de l’économie politique, celle de la compréhension de la logique intime et impersonnelle du capital comme social killer. C’est aussi celle de la globalisation marchande. Marx a eu sous les yeux la globalisation victorienne : le développement des transports et des communications (les chemins de fer et le télégraphe), de l’urbanisation et de la spéculation financière, de la guerre moderne et de « l’industrie du massacre ». Nous vivons une époque qui lui ressemble beaucoup, avec une nouvelle révolution technologique (Internet et l’astronautique, la spéculation et les scandales, la guerre globale, etc.). Mais, là où la plupart des journalistes se contentent de décrire la surface des choses, la critique marxienne nous aide à en comprendre la logique, celle de la reproduction élargie et de l’accumulation accélérée du capital. Elle nous aide surtout à aller aux racines de la crise de civilisation : une crise générale de la mesure, une crise de dérèglement du monde, due au fait que la loi de la valeur – qui réduit toute richesse à une accumulation de marchandises et mesure les hommes et les choses au temps de travail abstrait – devient de plus en plus « misérable » (le mot est de Marx dans les Grundrisse). De sorte que la rationalisation partielle du travail et de la technique se traduit par une irrationalité globale croissante. La crise sociale (la productivité génère de l’exclusion et de la pauvreté, et non du temps libre) et la crise écologique (il est impossible de gérer les ressources naturelles à l’échelle de siècles et de millénaires par le biais des « arbitrages » instantanés de la Bourse ou du Nasdaq) en sont l’illustration criante.
Derrière cette crise historique, qui menace l’avenir de la planète et celui de l’humanité en tant qu’espèce, il y a les limites inhérentes aux rapports de propriété capitalistes. Alors que la socialisation du travail est plus importante que jamais, la privatisation du monde (non seulement des industries, mais des services, de l’espace, du vivant, du savoir) devient un frein au développement et à la satisfaction des besoins. Au contraire, la demande de services publics de qualité, le développement de la gratuité de certains biens et services, la revendication d’un « bien commun de l’humanité » (en matière d’énergies, d’accès à la terre, à l’eau, à l’air, au savoir), expriment l’exigence de nouveaux rapports sociaux.
Vpered : Quels sont les principaux problèmes théoriques que les marxises auraient aujourd’hui à résoudre ?
D.B. : Je parlerais de problèmes à travailler, plutôt qu’à résoudre. Car leur solution n’est pas purement théorique, mais pratique. Si elle existe, elle sera le résultat de l’imagination et de l’expérience de millions et de millions de gens. En revanche, il y a des questions à reprendre et à travailler à la lumière d’un siècle d’expériences que ni Marx, ni Engels, ni aucun des pères fondateurs ne pouvaient imaginer.
Et d’abord, la question écologique. Il y a bien chez Marx une critique de la conception abstraite d’un progrès à sens unique (dans les premières pages des Grundrisse), et l’idée que, dans le cadre de rapports sociaux capitalistes, tout progrès a son revers de dégâts et de régressions (à propos de l’agriculture dans le Capital). Mais ni lui, ni Engels, ni Lénine, ni Trotski n’ont réellement intégré les notions de seuil et de limites. La logique de leur polémique contre les courants malthusiens réactionnaires les poussait à parier sur l’abondance pour résoudre les difficultés. Or, le développement des connaissances scientifiques nous a fait prendre conscience des risques d’irréversibilité et des différences d’échelle. Personne ne peut être sûr aujourd’hui que les dégâts infligés à l’écosystème, à la biodiversité, aux équilibres climatiques, seront réparables. Il faut donc corriger un certain orgueil prométhéen et se souvenir que, comme le soulignait Marx dans les Manuscrits parisiens de 1844, si l’homme est « un être naturel humain », c’est d’abord un être naturel, donc dépendant de sa niche écologique. Si la critique marxiste peut aujourd’hui se nourrir de travaux nés dans d’autres champs de recherche (comme ceux de Georgescu-Rötgen), on voit ces dernières années se développer une importante « écologie sociale » inspirée de la critique marxienne (Bellamy-Foster aux États-Unis, Jean-Marie Harribey ou Michel Husson en France, et bien d’autres).
Ensuite, il paraît important de penser les conséquences stratégiques des changements en cours dans les conditions spatiales et temporelles de la politique. Il existe une littérature théorique abondante sur la question du temps, aussi bien à propos des rythmes économiques (cycles, rotation du capital, mesure sociale, etc.), qu’à propos de la discordance des temps sociaux (ou de ce que Marx appelait déjà le « contretemps » et Bloch la « non-contemporanéité »), entre un temps politique, un temps juridique, un temps esthétique (auxquels il faudrait ajouter aujourd’hui un temps long de l’écologie). En revanche, en dépit du travail pionnier d’Henri Lefebvre, la production sociale des espaces sociaux a suscité moins de travaux théoriques. Pourtant, la globalisation produit aujourd’hui une réorganisation des échelles spatiales, une redistribution des lieux de pouvoir, des modes nouveaux de développement inégal et combiné. David Harvey a montré qu’il existait chez Marx des pistes intéressantes en ce sens, et il en a développé la pertinence à propos des formes contemporaines de domination impérialiste qui, loin d’aboutir à un « espace lisse » et homogène de l’Empire (comme le suggère Toni Negri), perpétue et utilise le développement inégal au profit de l’accumulation du capital.
Un troisième thème majeur serait celui du travail et de ses métamorphoses, aussi bien du point de vue des techniques de gestion de la force de travail par les procédures de contrôle machinique, que par la recomposition du rapport entre travail intellectuel et travail manuel. Les expériences du XXe siècle ont en effet montré que la transformation formelle des rapports de propriété ne suffisait pas pour en finir avec l’aliénation dans et par le travail. Certains en concluent que la solution consisterait dans la « fin du travail », ou dans l’exode (la fuite ?) hors de la sphère de la nécessité. Il y a chez Marx une double compréhension du concept de travail : une compréhension anthropologique, au sens large, qui désigne le rapport de transformation (ou le « métabolisme ») entre la nature et l’espèce humaine ; et une compréhension spécifique ou restreinte, qui entend par travail le travail contraint, et notamment la forme du travail salarié dans une formation sociale capitaliste. Par rapport à cette signification restreinte, on peut et on doit se fixer pour but de libérer le travail et de se libérer du travail, de socialiser le revenu pour aboutir au dépérissement de la forme salariale. Mais on ne peut éliminer pour autant le « travail » (même si on l’appelle autrement) au sens général d’activité d’appropriation et de transformation d’un environnement naturel. Il s’agit donc de penser les formes sous lesquelles cette activité pourrait devenir créatrice, car il est fort douteux que puisse exister une vie libérée et épanouie si le travail lui-même demeure aliéné.
Une quatrième question majeure serait celle de la – ou des – stratégie(s) pour changer le monde. En effet, après un bref moment d’euphorie ou d’ébriété, au lendemain de la chute du Mur de Berlin et de l’explosion de l’Union soviétique, la grande promesse libérale a vite perdu sa crédibilité. Les dégâts sociaux et écologiques de la concurrence marchande « non faussée » se révèlent chaque jour dans toute leur ampleur. L’état de guerre et d’exception permanent n’est que le revers logique de cette crise historique. La naissance des mouvements altermondialistes exprime un constat de faillite : le monde n’est pas à vendre, le monde n’est pas une marchandise… Moins de quinze ans après la victoire annoncée définitive du capitalisme (la fameuse « fin de l’histoire » selon Fukuyama), l’idée que ce monde du capitalisme réellement existant est inhumain et inacceptable est largement partagée. En revanche, il existe un doute très fort sur les moyens de le changer sans reproduire les échecs et les caricatures de socialisme du
XXe siècle. Il faut donc, sans renoncer à la centralité de la lutte des classes dans les contradictions du système, penser la pluralité de ces contradictions, de ces mouvements, de ces acteurs, penser leurs alliances, penser la complémentarité du social et du politique sans pour autant les confondre, reprendre la problématique de l’hégémonie et du front unique laissée en chantier par les débats de la IIIe Internationale ou par les Cahiers de prison de Gramsci, approfondir les rapports entre citoyenneté politique et citoyenneté sociale… Vaste programme, qui ne peut avancer qu’avec l’apport de nouvelles expériences de lutte et d’organisation.
Bien sûr – mais cela est déjà implicite dans le point précédent – il faut pour cela mesurer toute l’ampleur du phénomène bureaucratique dans les sociétés modernes, et son enracinement profond dans la division sociale du travail. Une idée superficielle fait croire que le phénomène bureaucratique serait le résultat exclusif de sociétés culturellement arriérées, ou le produit de formes d’organisation (dont l’organisation en « partis » politiques). En réalité, plus les sociétés se développent et plus elles produisent de formes bureaucratiques variées : bureaucraties d’État, bureaucraties administratives, bureaucraties du savoir et de l’expertise. Les organisations sociales (syndicats, organisations non gouvernementales) ne sont pas moins bureaucratisées que les partis. Au contraire, les partis (qu’on les appelle partis, mouvements, associations, peu importe) peuvent être un moyen de résistance collective à la corruption par l’argent et à la cooptation médiatique (car la bureaucratie médiatique est aussi une nouvelle forme de bureaucratisation). Il devient donc décisif de penser les moyens de déprofessionnaliser le pouvoir et la politique, de limiter le cumul des mandats électifs, de supprimer les privilèges matériels et moraux, d’assurer la rotation des responsabilités. Il n’y a pas en la matière d’arme ou d’antidote absolue. Il s’agit de mesures de vigilance et de limitation des tendances bureaucratiques, mais les véritables solutions dépendent à long terme d’une transformation radicale de la division du travail et d’une réduction drastique du temps de travail contraint.
Pour travailler ces questions, il existe d’importantes ressources – souvent méconnues ou oubliées – chez Marx et dans la tradition marxiste. Mais il existe aussi d’importants outils de pensée venant d’autres courants de pensée, de l’économie, de la sociologie, de l’écologie critiques, des études de genre, des études postcoloniales, de la psychanalyse. Nous n’avancerons qu’en dialoguant avec Freud, avec Foucault, avec Bourdieu, et bien d’autres.
Vpered : Quels sont à ton avis les penseurs marxistes les plus marquants des dernières décennies et quelle est l’importance de leur contribution au développement du marxisme ?
D.B. : L’exercice qui consisterait à établir un palmarès, un hit-parade, ou un tableau d’honneur des études marxiennes serait assez stérile. D’une part, parce que la socialisation du travail intellectuel et l’élévation générale du niveau culturel font qu’il n’y a plus guère de « maîtres penseurs » ou de « grands intellectuels » (comme le furent encore des Sartre, des Lukacs…). Et c’est plutôt une bonne chose, un signe de démocratisation de la vie intellectuelle et du débat théorique. Il est donc difficile ou arbitraire de citer aujourd’hui de grandes figures. En revanche, il y a une couche beaucoup plus large de travaux et de recherches inspirées de Marx et des marxismes, dans les domaines et les disciplines les plus variés, de la linguistique à l’économie, en passant par la psychologie, l’histoire, la géographie… Il faudrait donc citer des dizaines de noms, souvent en précisant le domaine de compétence des auteurs, car le rêve de « l’intellectuel total » est probablement devenu une illusion, mais « l’intellectuel collectif » y a gagné.
Une autre raison qui rend plus difficile encore une réponse précise à votre question. Il suffit pour s’en rendre compte de citer quelques grands noms de l’histoire du mouvement socialiste et communiste : Marx, Engels, Kautsky, Pannekoek, Jaurès, Rosa Luxemburg, Lénine, Trotski, Boukharine, Gramsci… Tous ceux-là ont été des « intellectuels organiques » du mouvement social, des militants unissant théorie et pratique. Or, la réaction stalinienne à l’échelle internationale et les défaites du mouvement ouvrier ont eu pour résultat un divorce durable entre la théorie et la pratique. C’est la question qui était au centre du petit livre de Perry Anderson sur « le marxisme occidental », paru dans les années soixante-dix. Pour préserver une liberté de pensée et d’activité théorique, les intellectuels – à quelques exceptions honorables près – se sont pour la plupart tenus à distance prudente de l’engagement militant et, quand ils ont choisi cet engagement, ils ont souvent dû sacrifier leur conscience et leur travail théorique. L’histoire des intellectuels français dans leur rapport au mouvement communiste est l’histoire de cette tragédie : celle de Paul Nizan, d’Henri Lefebvre, des surréalistes, de Pierre Naville, d’Aragon, de nombreux « compagnons de route ». Dans les années soixante, pour libérer la recherche théorique de la tutelle et de l’orthodoxie partisane, Althusser en vint à théoriser une rigoureuse division du travail entre théorie et pratique.
Nous pouvons espérer sortir aujourd’hui de cette période obscure. Le mouvement altermondialiste est l’occasion d’une nouvelle rencontre entre des mouvements sociaux renaissants et une recherche théorique vivante, sans complexes ni censures. C’est sans doute un nouveau rendez-vous à ne pas manquer.
Vpered : Peux-tu évoquer ta position par rapport à la question de la place de la dialectique dans la théorie marxiste ?
D.B. : La question est trop vaste, et elle a déjà fait couler beaucoup trop d’encre, pour être traitée dans une brève réponse à une brève question. Je me contenterai donc de quelques remarques générales. Alors que, au XIXe siècle, les Allemands les Italiens, a fortiori les Russes, avaient besoin pour accomplir leur émancipation nationale ou sociale, de la critique dialectique, l’idéologie conservatrice française, après juin 1848 et la Commune, a tout fait pour s’en débarrasser. Le « matérialisme souterrain de la rencontre », joliment invoqué par Althusser dans ses derniers textes, était battu en France avant même la réception de Marx. Et le « marxisme introuvable » de Guesde et de Lafargue, était d’emblée teinté de positivisme. Il lui était difficile de passer d’une logique classificatoire des définitions, à une logique dynamique (dialectique) des déterminations, telle que Marx la met magistralement en œuvre dans le Capital. Sous ses formes les plus rigides, le structuralisme à la mode des années soixante a pu prolonger ce refoulement, en donnant à penser des structures pétrifiées, sans événements ni subjectivité, et des systèmes d’autant plus privés d’histoire que l’histoire réelle du siècle devenait douloureuse à penser.
Le marxisme orthodoxe, érigé en raison d’État dès les années trente par la bureaucratie stalinienne triomphante, a profité de cet état de choses, pour établir l’emprise de son « diamat », dogmatisé et canonisé. Ce fut une seconde mise à mort de la dialectique, une sorte de Thermidor dans la théorie, dont les prémisses étaient évidentes dès la condamnation de la psychanalyse et du surréalisme lors du sinistre congrès de Kharkov, et dont l’immortelle brochure de Staline Matérialisme historique et matérialisme dialectique, fixe la doctrine. La « dialectique » devint alors une métalogique formelle, une sophistique d’État bonne à tout, et notamment à briser les hommes. La dialectique de la conscience critique (celle de Lukacs, de Korsch) recule alors devant l’impératif de la Raison d’État.
Cette réaction dans la théorie s’est combinée à un autre processus, notamment en France. Sous prétexte de défense – légitime dans une certaine mesure et jusqu’à un certain point – du rationalisme et des Lumières contre les crépuscules mythologiques, une sorte de Front populaire en philosophie a complété le Front populaire en politique, scellant une alliance antifasciste sous hégémonie de la bourgeoisie. Cette apologie de la Raison non dialectique, ce fut aussi la victoire posthume de la sainte Méthode cartésienne sur le dialecticien Pascal. Même Lukacs, qui avait jusqu’à son texte de 1926 (tout récemment redécouvert) en défense d’Histoire et conscience de classe sur la spontanéité et la conscience, résisté au tribunal de ses détracteurs, a alors écrit son livre, qui n’est pas son meilleur, sur la Destruction de la Raison (qui ne paraîtra qu’après la guerre). La victoire de la contre-révolution bureaucratique exigeait en effet une logique binaire (« qui n’est pas avec moi… ») du tiers exclu : pas de lutte possible, même asymétrique, sur deux fronts. Cette logique d’intimidation et de culpabilisation a fait bien des dégâts politiques (au moment des interventions en Hongrie, de la Tchécoslovaquie, de la Pologne, et plus récemment encore en Afghanistan).
Peut-être assistons-nous à une renaissance de la pensée dialectique. Ce serait bon signe. Un signe que les vents tournent et que le travail du négatif reprend vigueur contre la communication publicitaire qui nous somme de « positiver » à tout prix, contre les rhétoriques du consensus et de la réconciliation générale. Il y aurait de bonnes et fortes raisons pour qu’il en soit ainsi : un urgent besoin de pensée critique et dialectique, porté par l’air du temps.
Une raison historique d’abord. Après les tragédies du siècle écoulé, nous ne pouvons plus nous baigner dans le fleuve tranquille du progrès à sens unique et ignorer la redoutable dialectique benjaminienne du progrès et de la catastrophe. A fortiori dans la mutation incertaine du monde qui se dessine depuis une vingtaine d’années. Et ce besoin de dialectique s’exprime aussi dans le besoin d’une écologie critique capable d’intervenir sur deux fronts, face aux béatitudes de la mondialisation marchande, mais aussi face aux tentations crépusculaires de la deep ecology.
Le renouvellement des catégories d’une logique dialectique à la lumière des controverses scientifiques autour du chaos déterministe, de la théorie des systèmes, des causalités holistiques ou complexes, des logiques du vivant et de l’ordre émergent (à condition de circuler avec précaution d’un domaine à l’autre), mettent à l’ordre du jour un dialogue renouvelé entre différents champs de recherche et une mise à l’épreuve renouvelée des logiques dialectiques.
Un besoin pressant de penser la mondialisation et la globalisation du point de vue de la totalité (d’une totalisation ouverte), pour comprendre les nouvelles figures de l’impérialisme tardif et intervenir politiquement dans le développement plus inégal et plus mal combiné que jamais de la planète.
Un besoin pressant de penser le siècle du point de vue d’un espace/temps discontinu, socialement produit, et de conceptualiser une temporalité politique spécifique, de la non-contemporanéité et du contretemps, au lieu de penser paresseusement l’histoire selon les catégories chronologiques linéaires du « post » et de l’« ante » (post-capitalisme, postcommunisme…).
Un besoin pressant de penser le progrès effectif du point de vue du développement (ou de la « transcroissance », dans la terminologie de Trotski), et non de l’accumulation ou de « la croissance sans développement » que critiquait déjà pertinemment Lefebvre.
Enfin, le dégel de la guerre froide et l’interférence complexe de multiples conflits oblige à sortir de la logique binaire des « camps » sous hégémonie étatique d’une mère patrie (fût-elle celle du socialisme réellement inexistant), et de réintroduire le tiers exclu pour s’orienter stratégiquement dans des conflits comme ceux des Balkans ou du Golfe.
Si cette actualité de la pensée dialectique se confirme, il faut s’attendre (et s’en réjouir) à ce qu’apparaisse demain ou après-demain, après le Livre noir du communisme et le Livre noir de la psychanalyse, un « Livre noir de la dialectique ». Cela signifierait que la contradiction antagonique n’a pas été neutralisée, ni dissoute dans une « opposition non de contradiction, mais de corrélation ». Cela signifierait aussi la mise en échec du fétichisme du fait accompli, de l’éviction du possible au profit d’un réel appauvri. Et que la « philosophie du non », le travail du négatif, le point de vue de la totalité, les « sauts » imprévisibles célébrés par Lénine dans ses notes marginales à la Logique de Hegel, n’ont pas été définitivement domptés.
Car à travers la dialectique, c’est bien la Révolution qui est visée. Le Lukacs d’Histoire et Conscience de classe et de La Pensée de Lénine l’avait bien compris. C’était, il est vrai, au cœur de la tourmente, pendant les années de crise qui sont, logiquement, des années d’intensité dialectique.
Vpered : Dans les années quatre-vingt-dix, l’opinion était largement répandue, selon laquelle la contradiction entre travail et capital n’était plus le conflit principal des sociétés contemporaines. Es-tu d’accord avec cette idée ?
D.B. : Il y a plusieurs manières d’aborder cette question. L’opinion répandue tirait souvent argument d’une évolution sociologique et du constat, dans les pays développés, d’un recul relatif de la part du prolétariat industriel dans la population active. Ce recul est réel (en France on est passé de 33 % à 25 %) mais cela fait encore un quart de la population active ; et au niveau international il y aurait plutôt un développement global du prolétariat urbain.
L’impression d’une chute, ou pire d’une disparition du prolétariat, se nourrit souvent d’une définition restrictive, voire ouvriériste, des classes sociales à partir de catégories sociologiques classificatoires. Or, chez Marx, il ne s’agit pas de sociologie positiviste des classes, mais d’un rapport social dynamique, les classes n’existant que dans leur lutte. Si l’on considère le rapport à la propriété des moyens de production, la forme et le niveau de revenu salarial, la place dans la division sociale du travail, la grande majorité des salariés du secteur dit tertiaire (dont de plus en plus de femmes) sont des prolétaires au sens initial que Marx donnait à ce mot : en 1848, le prolétariat parisien dont il est question dans La lutte des classes en France n’était guère industriel, mais plutôt proche de l’artisanat d’atelier. On confond donc souvent un affaiblissement de l’organisation et de la conscience de classe (comme conséquence de défaites politiques et sociales) avec un déclin irréversible de la lutte des classes. Ceci dit, il faut prêter la plus grande attention aux obstacles qui existent désormais à cette organisation et à cette conscience : privatisation et individualisation de la vie sociale, flexibilité du travail, individualisation du temps de travail et des formes de rémunération, pression du chômage et de la précarité, déconcentration industrielle et changements dans l’organisation de la production…
Le rapport capital/travail reste néanmoins central dans les sociétés contemporaines. En revanche, je n’utiliserais par le terme de « conflit principal », car il tend à réduire les autres contradictions à une place « secondaire ». Il y a plutôt une série de contradictions qui ne relèvent pas de la même temporalité (de la même échelle historique), mais qui sont étroitement imbriquées (ou « surdéterminées », pour reprendre le vocabulaire d’Althusser, par la logique dominante du capital) : les rapports de genre (ou de sexe), les rapports entre nature et société humaine, les rapports entre l’individuel et le collectif. Le véritable problème est d’articuler ces contradictions.
Pourquoi les syndicats, les mouvements féministes, les associations écologistes, les mouvements culturels, convergent aussi spontanément dans les forums sociaux ? C’est bien que le grand unificateur de ces diverses contradictions est le Capital lui-même, et la marchandisation généralisée qui imprègne la totalité des rapports sociaux. Mais cette convergence doit se faire dans le respect de la spécificité des différents mouvements.
Par ailleurs, il y a une dimension de lutte idéologique dans cette question. Si l’on accepte l’idée des sociologues comme Bourdieu, selon laquelle les rapports sociaux ne sont pas seulement saisis à l’état naturel, mais construits par des représentations, encore faut-il que ces représentations aient un fondement réel. La représentation du social en termes de classes a de solides arguments, aussi bien théoriques que pratiques. Il est d’ailleurs étonnant que l’on s’interroge souvent sur l’existence ou non du prolétariat, mais jamais sur celle de la bourgeoisie ou du patronat : il suffit en effet d’étudier la distribution des bénéfices et des rentes de situation pour en vérifier l’existence !
Mettre l’accent sur l’actualité de la lutte des classes a un enjeu évident : celui de construire des solidarités par-delà les différences de races, de nations, de religions, etc. Ceux qui ne veulent plus entendre parler de lutte des classes auront en échange la lutte des tribus et des ethnies, les guerres des religions, les conflits communautaires. Et ce serait une extraordinaire régression, qui malheureusement est déjà à l’œuvre dans le monde actuel. L’internationalisation de la lutte des classes est bien le fondement matériel (et non purement moral) de l’internationalisme en tant que réponse des opprimés à la mondialisation marchande.
Vpered : Quels points de rencontre vois-tu aujourd’hui entre la théorie marxiste et les mouvements sociaux de masse ?
D.B. : Je crois qu’en son noyau dur (la « critique de l’économie politique » et de l’accumulation du capital), la théorie marxiste reste l’instrument le plus performant pour aborder la mondialisation libérale et ses conséquences. Son actualité, je l’ai déjà dit, est celle du Capital lui-même. D’ailleurs, la plupart des mouvements sociaux s’en inspirent, même quand ils ne le savent pas. L’historien Fernand Braudel soulignait déjà combien les catégories critiques du marxisme ont imprégné notre connaissance du monde contemporain, même chez ses adversaires. Et le philosophe Jacques Derrida résumait cette actualité en 1993 (pourtant une date peu favorable à la théorie marxiste !) par la formule : « Pas d’avenir sans Marx ». Avec, contre, au-delà… Mais pas « sans » ! Cette théorie n’est pas le dernier mot de la compréhension des sociétés contemporaines, mais elle en reste le passage obligé. Le paradoxe, c’est que les idéologues libéraux qui prétendent traiter Marx comme « un chien crevé », démodé, obsolète, vieilli, n’ont à lui opposer que le retour aux économistes classiques ou à la philosophie politique du
XVIIe siècle, ou à Tocqueville. Marx était certes de son temps. Il en partageait certaines illusions, sur la science et le progrès. Mais, par la nature de l’objet dont il a entrepris la critique – à savoir l’accumulation du capital et sa logique – il débordait son temps et anticipait sur le nôtre. C’est en cela qu’il reste notre contemporain, beaucoup plus jeune et stimulant que bien des pseudo-nouveautés vieillies dès le lendemain de leur apparition.
Vpered : Comment perçois-tu les mouvements socialistes larges contemporains et le fait qu’à la différence des partis politiques ils semblent mieux à même de développer les luttes contre le capitalisme ? Que penses-tu de l’avenir des partis comme tels, et comme éléments pour construire une organisation internationale ?
D.B. : Il faudrait s’entendre sur ce que signifient ces « mouvements socialistes larges ». Nous sommes probablement au tout début d’une reconstruction théorique et pratique des mouvements d’émancipation, après un siècle de terribles tragédies et défaites. Dans une certaine mesure, on a parfois l’impression d’un recommencement au point zéro. Un parti comme le Parti des travailleurs (PT) du Brésil, apparu au début des années quatre-vingt au moment de la chute de la dictature militaire, produit de l’industrialisation rapide des années soixante-dix, pouvait ressembler à la grande social-démocratie allemande d’avant la guerre de 1914 : il avait un même caractère de masse et un pluralisme idéologique comparable. Mais nous sommes au début du XXIe siècle, et le XXe a bien eu lieu, on ne l’effacera pas. Le PT a ainsi connu en moins d’un quart de siècle un processus de bureaucratisation accéléré et il a été pris dans le jeu des contradictions contemporaines, des rapports de puissance, de la place de l’Amérique latine dans la réorganisation de la domination impérialiste, etc.
Dans un premier temps, pour les luttes de résistance et d’opposition, les mouvements sociaux apparaissent plus efficaces et plus concrets que les organisations en partis. Leur apparition marque le début d’un nouveau cycle d’expériences sans quoi rien ne serait possible. Mais, de même que Marx reprocha à ses contemporains une « illusion politique », consistant à croire que la conquête des libertés civiques et démocratiques était le dernier mot de l’émancipation humaine, nous pouvons constater aujourd’hui une « illusion sociale », selon laquelle la résistance sociale au libéralisme serait, en l’absence d’alternative politique, notre horizon indépassable. C’est la version « de gauche » de « la fin de l’histoire ». La crise du capitalisme est pourtant telle, les menaces qu’il fait peser sur l’avenir de l’humanité et de la planète sont telles, qu’une alternative à la hauteur des enjeux est urgente.
Là, il s’agit d’un problème de projet et de stratégie politiques, porté par des forces déterminées. Soit nous nous battons sérieusement pour une telle alternative, soit nous nous contentons de faire pression sur les forces sociales-libérales existantes, de « rééquilibrer » des gauches de moins en moins de gauche, et alors nous ajouterons la démoralisation à la démoralisation. Pour construire une alternative véritable – et ce sera long, car la pente à remonter est rude – il faut avoir de la patience, des convictions, de la fermeté sans sectarisme, sinon nous serons détruits par des aventures sans lendemain, sous prétexte de réalisme, et par l’accumulation des déceptions.
Quant à la reconstruction d’un mouvement international, c’est une question encore plus vaste. Certains comparent aujourd’hui le mouvement altermondialiste, ses forums sociaux mondiaux ou continentaux, aux débuts de la Ire Internationale : une rencontre de syndicats, de mouvements sociaux, de courants politiques, peu délimités. Il y a en effet de cela. Et la mondialisation capitaliste – c’est son côté positif – pousse à une convergence internationale des mouvements (comme les expositions universelles du
XIXe siècle avaient donné l’occasion des réunions dont fut issue la Ire Internationale). Mais il y a une différence. C’est, là encore, que le XXe siècle a eu lieu. Que les clivages et courants politiques qui sont le produit de cette expérience ne s’effaceront pas du jour au lendemain. On ne remettra pas les compteurs à zéro. C’est pourquoi les convergences et rencontres comme celles des forums sont positives et nécessaires. Nul ne peut prédire aujourd’hui ce qui en sortira. Cela dépendra des luttes, des expériences politiques en cours, comme en Amérique latine ou au Moyen-Orient. On est loin d’avoir épuisé cette première étape de reconstruction. Il y a des possibilités d’extension en Asie, en Afrique. Mais la condition et la preuve de la maturité de ce mouvement seront sa capacité à maintenir une unité dans l’action, à l’élargir même, sans limiter ou censurer les débats politiques nécessaires. Il est clair qu’une première phase de résistance, ce que j’appelle un « moment utopique » (par analogie avec le mouvement socialiste naissant des années 1830-1840), s’achève.
La formule de « changer le monde sans prendre le pouvoir » a vite vieilli après avoir rencontré un certain écho (en Amérique latine notamment, mais pas seulement). Il s’agit aujourd’hui de prendre le pouvoir pour changer le monde. En Amérique latine, on imagine mal aujourd’hui la tenue d’un forum social qui éviterait les questions d’orientation politique et refuserait de tirer un bilan comparatif des expériences brésilienne, vénézuélienne, bolivienne… et cubaine ! Et on imagine mal un forum européen qui ne discuterait pas d’une alternative européenne à l’Union européenne libérale et impérialiste.
Dans cette perspective, il est parfaitement compatible et complémentaire de contribuer à ces rassemblements larges et de maintenir une mémoire et un projet portés par un courant politique qui a sa propre histoire et ses propres structures organisationnelles. C’est même une condition de clarté et de respect des mouvements unitaires. Les courants qui n’assument pas publiquement leur propre identité politique sont les plus manipulateurs. S’il est vrai, comme le répétait un philosophe français, qu’en politique il n’y a pas de table rase, et qu’on « recommence toujours par le milieu », alors on doit pouvoir s’ouvrir à la nouveauté sans perdre le fil des expériences acquises.
Vpered : Une philosophie marxiste peut-elle exister dans le cadre de l’Université bourgeoise ? Peux-tu nous dire quelque chose de ton expérience à ce propos ? Comment la bourgeoisie peut-elle tolérer une présence marxiste dans le cadre d’un de ses appareils idéologiques, tel que l’université ?
D.B. : C’est une question de rapports de forces dans la société. Le champ scolaire et universitaire n’est pas un champ clos, étanche aux contradictions sociales. C’est d’ailleurs le danger de la formule sur les « appareils idéologiques d’État » : de donner l’impression qu’il s’agit de simples rouages étatiques de la domination bourgeoise. En réalité l’école (et l’université) remplit une double fonction, de reproduction de l’ordre social dominant, certes, mais aussi de transmission et d’élaboration des savoirs. L’institution est donc traversée de rapports de forces. Avant et après 68 en France, il y a eu une influence significative (il ne faut pas l’exagérer en imaginant un « âge d’or » du marxisme en France) du marxisme dans l’université française. Il y a eu des espaces importants de liberté d’enseignement et d’expérimentation pédagogique. Ces acquis relatifs ne sont pas irréversibles. Il est clair qu’avec la contre-offensive libérale des années quatre-vingt, la normalité académique et l’ordre pédagogique ont été largement rétablis. Cela se vérifie dans les programmes, dans les modalités d’examen ou dans la gestion budgétaire des universités. Mais il reste quelque chose. Par exemple, je suis totalement libre de décider mes programmes d’enseignement chaque année. Cette année, je fais à nouveau (je ne l’avais pas fait depuis une quinzaine d’années) un cours sur les lectures du Capital, un autre sur la guerre globale et l’état d’exception permanent, un autre sur les philosophies de la mondialisation et le droit international… Le problème c’est que « la génération marxiste » des années soixante (c’est une simplification car il s’est toujours agi d’une minorité significative) est en train de quitter la scène, et que les nouvelles générations se forment à la pensée critique à travers Foucault, Bourdieu, ou Deleuze – ce qui est bien – mais que la transmission de l’héritage marxiste se raréfie.
Il est évident que les libertés universitaires relatives dépendent directement des rapports de forces sociaux existant au-delà des murs de l’école ou de l’université. Dès que ces rapports se dégradent, dès que le mouvement social subit des défaites, on en ressent les conséquences dans l’ordre universitaire. Mais c’est un combat à mener, dans et hors l’université, car il y a aussi la possibilité de développer des canaux non officiels d’éducation populaire et associative.
29 décembre 2006
Paru, notamment, dans SolidaritéS n° 100
www.danielbensaid.org