Crise de l’Union de la gauche

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Les documents présentés dans ce dossier sur la France s’efforcent d’analyser la situation créée par l’éclatement de la crise récente au sein de l’Union de la gauche. Dans l’article central, Daniel Bensaïd, membre du bureau politique de la Ligue communiste révolutionnaire (section française de la IVe Internationale), analyse la situation générale sur le plan économique, politique et social, dans laquelle ont éclaté ces événements ; les raisons réelles des dissensions entre le PC et le PS ; les perspectives probables d’ici mars 1978, date prévue pour les élections ; et les axes d’intervention définis par la LCR. Cet article est suivi d’extraits des déclarations faites par différentes organisations d’extrême gauche face à cette situation nouvelle.

La nouvelle situation est marquée avant tout par un an d’application de la politique d’austérité définie en septembre 1976 par le gouvernement Barre.

D’un côté, ce plan d’austérité est un échec. Malgré les prétentions initiales de ramener l’inflation à 6 % par an, il est probable que, cette année encore, l’augmentation des prix dépassera les 10 %. Malgré les campagnes tapageuses et les mesures publicitaires sur l’emploi des jeunes, le nombre de chômeurs aura encore augmenté de plusieurs dizaines de milliers cette année d’après les chiffres officiels, pour atteindre un total réel supérieur à un million et demi. Enfin, le déficit du commerce extérieur n’a pu être significativement réduit. Il n’y a donc qu’un point du plan qui ait été scrupuleusement appliqué : c’est le blocage des salaires. Le pouvoir d’achat des travailleurs a globalement reculé de 2,5 à 3 %. Mais derrière ce chiffre général, si l’on tient compte des disparités par branches, par régions, par catégories, on constate que des couches entières de la classe ouvrière sont touchées par la pauvreté, voire la misère. Parallèlement, les capitalistes ont vu se rétablir leurs marges de profits, sans pour autant que cela débouche sur une relance des investissements industriels. Leurs inquiétudes politiques y sont vraisemblablement pour quelque chose. Mais plus fondamentalement, il y a la crise structurelle de l’accumulation du capital. Et déjà, la perspective d’une nouvelle récession internationale est envisagée !

On peut se demander dans quelle mesure cette application du plan d’austérité a entamé la combativité de la classe ouvrière. Car l’année écoulée n’a guère vu de victoires importantes, ni sur le front des salaires, ni sur celui de l’emploi. Il y a des régions entières (comme la Lorraine) et des dizaines d’entreprises occupées auxquelles les directions syndicales ont offert pour seule perspective de tenir… jusqu’au « changement démocratique » de 1978 (les élections sont prévues en mars 1978). En fait, depuis les élections municipales de mars 1977, où la victoire des listes de l’Union de la gauche annonçait leur victoire quasi certaine pour les législatives, les directions réformistes ont tout suspendu aux échéances électorales. Loin d’utiliser le rapport de forces favorable ainsi créé pour une offensive contre l’austérité, qui aurait pu en finir avec le gouvernement Giscard-Barre, elles ont lâché la vapeur de la combativité ouvrière dans des journées d’action dispersées, par régions ou par catégories, avec pour point culminant une grève générale tardive (le 24 mai) et sans lendemain, conçue davantage comme une démonstration préélectorale que comme une mobilisation effective sur une plate-forme unitaire de lutte, avec des objectifs concrets.

Si la classe ouvrière n’a pas donné dans l’ensemble de signes de démoralisation, c’est donc qu’elle était tenue en haleine par la perspective d’un changement politique qu’on lui présentait comme presque assuré.

Après les élections municipales, le Parti communiste a demandé une actualisation du Programme commun qui avait été conclu en 1972 par le PS, le PC et les radicaux de gauche. D’abord réticent, le Parti socialiste a ensuite accepté avec l’intention d’en faire une rapide mise à jour, rondement menée et conclue si possible avant les vacances.

La polémique a rebondi au début du mois d’août, après que Mitterrand ait annoncé, en cas de victoire de la gauche, la possibilité d’un référendum sur la « force de frappe ». Le Parti communiste a aussitôt dénoncé cette proposition comme un reniement des travaux effectués par la commission tripartite d’actualisation. En effet, le Parti communiste a récemment tourné sur la question militaire en reprenant à son compte la politique gaulliste sur la force de frappe nucléaire. Dans l’actualisation du Programme commun, il a obtenu de ses partenaires que le passage annonçant le maintien « en l’état » de l’armement nucléaire soit transformé en « maintien en état » ! (Ce qui implique non seulement le maintien, mais le développement de l’armement nucléaire.) Il a donc profité de la proposition de référendum sur cette question faite par le Parti socialiste pour l’accuser de « brader l’indépendance nationale » en renonçant au système de défense.

Dans un deuxième temps, début septembre, au moment où se préparait le sommet de la gauche pour la signature du Programme commun actualisé, le dossier de la polémique s’est alourdi. Outre le problème de l’armement et celui des nationalisations, le différend portait aussi sur la question du salaire minimum et sur la hiérarchie des salaires.

Sur le premier point, le PCF faisait sienne la position des deux centrales syndicales fixant à 2 200 francs la revendication du smic pour avril 1977, ce qui impliquerait un smic à environ 2 400 francs au printemps 1978. Le Parti socialiste s’en tenait, quant à lui, à 2 200 francs au moment des élections législatives de 1978. Certains de ses dirigeants se montraient encore plus modérés, puisque Michel Rocard aurait trouvé plus raisonnable de promettre le smic à… 2 000 francs.

Enfin, sur la hiérarchie des salaires, le PCF mettait en avant la réduction de 1 à 5 de l’éventail des rémunérations. Toutefois, cette proposition, qui constitue un spectaculaire tournant du PCF sur le problème de la hiérarchie, restait largement imprécise et assez éloignée (« à la fin de la législature ») pour rester négociable.

En somme, le PCF avait lancé une offensive sur des problèmes (a part la bombe) touchant de près les travailleurs, populaires et en même temps propices à trouver des compromis. Ainsi, au moment de la rupture, la discussion sur le smic allait aboutir à un accord sur 2 200 francs minimum au moment de la formation éventuelle d’un gouvernement d’Union de la gauche, et sur une grande négociation salariale entre gouvernement et syndicats dès les semaines suivantes. En revanche, aucun des partis signataires du Programme commun n’avait (et n’a encore) pris la responsabilité de porter le débat sur des sujets plus épineux et explosifs, comme celui de l’emploi ou celui des institutions (rôle du président, maintien de la Constitution de 1958, etc.). Ainsi le PCF pouvait-il, au moindre coût, restaurer dans la classe ouvrière son image de parti des travailleurs et même prendre à contre-pied la direction de la CFDT, obligée pour la première fois de prendre ses distances publiquement envers un Parti socialiste accusé par Edmond Maire (secrétaire confédéral de la CFDT, membre du PS), d’être plutôt présidentialiste qu’autogestionnaire.

Dans un troisième temps, enfin, au cours du sommet de la gauche, la polémique s’est cristallisée presque exclusivement sur les nationalisations, alors que les autres litiges semblaient résolus. Ce fut une rupture en deux épisodes. D’abord, la sortie des radicaux de gauche. Leur président, Robert Fabre, lui donna un caractère spectaculaire sous un prétexte hautement symbolique. Il s’agissait de la petite phrase du Programme commun envisageant que les travailleurs puissent réclamer au Parlement la nationalisation de leur entreprise. À plusieurs reprises, les dirigeants socialistes avaient souligné le caractère « inoffensif » de la phrase en faisant remarquer que le Parlement trancherait, que de nouvelles nationalisations appelleraient de nouvelles indemnisations, donc de nouveaux impôts et que les députés se refuseraient à une telle dynamique. Pourtant, les radicaux ont fait de la petite phrase leur cheval de bataille. Elle leur permet de jouer à bon compte dans l’Union de la gauche leur rôle de défenseurs de la propriété privée, de garants des intérêts de la bourgeoisie.

C’est ce rôle qu’ils ont voulu illustrer par cette rupture-chantage, d’une façon qui est éclairante aussi bien pour la bourgeoisie que pour les travailleurs. À leur retour, un compromis était trouvé : la petite phrase serait précédée de la clause « conformément à la Constitution ». Aucun des signataires du Programme commun n’avait mis en question la Constitution. Mais quand il s’agit des intérêts de la bourgeoisie, deux précautions valent mieux qu’une. Lors du second sommet, le 2 septembre, s’est produite, entre communistes et socialistes cette fois, la rupture qui dure encore. La cause officielle en fut la question des filiales des groupes capitalistes nationalisés. Le Programme commun prévoit la nationalisation de neuf groupes industriels. Pour le PCF, cette nationalisation englobe le holding financier et les filiales, la poignée et la valise. Pour le PS, il s’agit de nationaliser le holding et les filiales à 98 % et de transformer les actions détenues par le holding en prise de participation de l’État. Chacun se réclame du Programme commun signé en 1972 et de son orthodoxie.

Il est amusant de noter que chacun ne manque pas d’arguments. Le PC remarque à juste titre que le PS a parlé dans plusieurs projets de lois de nationalisations de groupes incluant les filiales, qu’un de ses dirigeants a parlé de « coquilles vides » à propos de nationalisations qui épargneraient les filiales ; enfin, que, sous prétexte de la complexité juridique, l’hypothèse de nationaliser les seuls holdings est apparue tardivement (après les municipales) et prudemment dans la presse socialiste.

Le Parti socialiste, pour sa part, souligne que le calcul du coût de l’indemnisation publié en mai dernier par le PCF ne porte pas sur l’ensemble des filiales. En outre, chacun des deux partis, tout en présentant sa position comme une position de principe a su trouver des accommodements. Le PCF a ramené de 1450 à 1008, puis à 729 le nombre d’entreprises dont il exige la nationalisation. Le PS est passé d’une soixantaine à 250 suivant des critères assez fantaisistes. Au bout du compte, le différend porte sur environ 400 entreprises qui représentent 0,07 % des entreprises françaises occupant moins de 150 000 travailleurs ; alors que la PCF a renoncé du jour au lendemain à la nationalisation de Peugeot-Citroën (180 000 travailleurs) et que les 19 premiers trusts qui ne sont pas sur la liste des nationalisables (dont Michelin, Hachette, les cimenteries, etc.) représentent à eux seuls près de 700 000 travailleurs. Ces chiffres suffisent à démontrer que la divergence entre le PC et le PS ne porte pas sur deux versions qualitativement différentes du Programme commun, l’une anticapitaliste et l’autre réformiste. La question des nationalisations est à la fois un prétexte et un révélateur qui cache d’autres enjeux. Pour les saisir, il faut revenir aux raisons profondes de cette polémique.

Les raisons de la crise

Certains ont dit que le Parti socialiste voulait se débarrasser du PCF pour aller seul au gouvernement. Que tel soit à terme le projet d’une partie au moins de la direction socialiste ne fait guère de doute. Mais pas tout de suite. C’est à travers l’alliance avec le PCF que Mitterrand a réhabilité une social-démocratie par trop compromise. C’est en élargissant ses gammes idéologiques, des professions de foi autogestionnaires aux engagements de gestion loyale de l’austérité, qu’il en a fait électoralement le « premier parti de France ». À rompre dans ces conditions, il risquerait de perdre, y compris auprès d’un électorat très composite et peu stabilisé.

Mais surtout, dans l’hypothèse d’une victoire électorale l’appelant à gérer l’austérité, le PS a besoin d’impliquer le PCF dans les responsabilités gouvernementales. Mitterrand sait bien que la situation serait pire pour lui dans le cas d’un gouvernement socialiste homogène, au moins dans un premier temps. Il l’avait déjà compris en 1968 lorsqu’il combattait l’anticommunisme borné de certains socialistes en leur expliquant que la présence au gouvernement des communistes (à condition que ce fût à des postes modestes) serait une garantie supplémentaire pour la bourgeoisie, et que Séguy était, pour l’heure, le meilleur garant de l’ordre.

Si Mitterrand s’apprête donc à prendre la responsabilité d’une politique d’austérité, comme Soares, Schmidt ou Callaghan, il sait que ses chances de réussite dépendent aux yeux de la bourgeoisie de sa capacité à en faire endosser la coresponsabilité par le PCF, sans lui faire de concessions. Trop de flexibilité face au PCF compromettrait ses espérances électorales.

C’est pourquoi la marge de négociation est étroite et le jeu si serré. Quant au PCF, on a vu refleurir toutes les hypothèses, sans omettre la célèbre main de Moscou. Tout le monde sait ici, notamment depuis la visite de l’ambassadeur soviétique à Giscard en pleine campagne présidentielle de 1974, que la bureaucratie soviétique ne voit pas d’un mauvais œil le régime Giscard. L’accueil chaleureux qu’elle vient de réserver à Raymond Barre qui a visité Moscou au début d’octobre 1977 l’a encore confirmé.

Mais un mois de polémique entre les partis socialiste et communiste n’efface pas une évolution de plusieurs années, une prise de distance de plus en plus explicite du PCF envers l’URSS. Et cette prise de distance n’est ni une péripétie, ni la toquade d’une équipe directionnelle. Elle correspond à la crise de décomposition du bloc stalinien et elle n’est pas réversible au niveau international. Sans aller jusqu’à reprendre la thèse guère vraisemblable (c’est la position de l’OCI1 par exemple) d’un téléguidage du Kremlin, certains camarades ont tendance à donner une explication stalinophobe qui n’en est pas une : les staliniens étaient et restent des diviseurs et en brisant l’Union de la gauche (UG), ils cherchent à préserver le statu quo.

Faudrait-il en conclure que l’Union de la gauche et sa victoire électorale menaceraient le statu quo ? Ou bien qu’il y a au moins deux façons de préserver le statu quo : un gouvernement de l’UG et la division de l’UG ? Et que l’appareil du PCF pourrait être divisé sur le fait de savoir quelle est la manière la plus efficace ? La contradiction fondamentale passe pour le PCF entre les liens étroits qu’il conserve avec la classe ouvrière et l’intégration plus profonde dans l’appareil d’État que signifierait sa participation gouvernementale. En cas de victoire de l’UG dans un contexte de crise du capitalisme qui impliquerait une politique d’austérité, cette contradiction peut devenir particulièrement aiguë. L’appareil du PCF sait fort bien qu’il aura alors la responsabilité de la basse besogne d’encadrement de la classe ouvrière et qu’il risque pour la première fois depuis le Front populaire de voir son contrôle bureaucratique contesté par des secteurs entiers de la classe ouvrière. De plus, chaque fois qu’il a lâché un peu plus de lest, qu’il a gommé davantage son identité et sa doctrine (par exemple, la dictature du prolétariat) pour mieux ressembler à un « parti de gouvernement » respectable, la dynamique électorale unitaire a bénéficié principalement à la social-démocratie.

Les municipales ont bien illustré ce double danger ; pour le PCF : d’un côté la social-démocratie devient le premier parti, de l’autre apparaît un courant de défiance polarisé autour de l’extrême gauche. Une fraction de l’appareil qui semble se regrouper autour de Leroy a donc un réflexe de défense. Il faut d’abord à ses yeux, réaffirmer l’originalité du parti, comme le parti de la classe ouvrière. Et peut-être vaut-il mieux rester dans l’opposition que de se risquer au gouvernement dans d’aussi mauvaises conditions. Pour vaincre ces réticences à l’intérieur de son propre appareil, Marchais devrait se prévaloir de solides garanties : il faut que l’enjeu vaille le risque, il ne faut pas que les ministres communistes puissent être congédiés comme en 1947 ; il faut que le parti conquière des positions durables dans l’appareil d’État. D’où la valeur de test de la polémique sur les nationalisations. Ce qui est en jeu derrière le nombre des filiales nationalisables, c’est le problème de la gestion. La CGT est majoritaire dans la plupart des entreprises concernées. Le PCF demande que le PDG de l’entreprise soit élu par les salariés en leur sein. Le PCF contrôlerait ainsi la direction de nombre d’entreprises clés. D’autre part, il ne faut pas oublier que le PCF a avancé assez grossièrement à l’occasion de l’actualisation du Programme commun la délicate question du partage des portefeuilles ministériels.

La bureaucratie du PCF se trouve donc à un tournant de son histoire. Ce tournant ne peut s’opérer sans une violente bataille d’appareil dont le XXIe congrès avait donné des signes avant-coureurs.

Cela dit, ni le PC ni le PS n’ont, dans l’immédiat, de politique de rechange. Le premier a recruté et éduqué la majorité de ses militants, renouvelé ses cadres dans la perspective de l’UG. Le second s’est reconstruit à travers cette alliance après avoir touché le fond en 1969, lors de la candidature Defferre aux élections présidentielles. Mais le PCF a encore moins de solution de rechange à court terme. Le repli sur son appareil constituerait une politique à courte vue n’offrant aucune perspective à ses militants.

Les conséquences immédiates

Au-delà des réactions polémiques de la bourgeoisie qui dénonce l’irresponsabilité de l’UG et donne à imaginer le chaos au cas où la division se produirait après une victoire électorale et non maintenant, ses partis ne plastronnent pas outre mesure. Pour la première fois, les giscardiens, qui ont toujours misé sur l’éclatement de l’UG et la recomposition d’une « véritable démocratie » dont les membres seraient pour l’heure dispersés dans la majorité et l’opposition, arrivent dans les sondages avant le RPR. Celui-ci, de son côté, par la bouche de Chirac, explique qu’il ne faut pas céder à la diversion, que PC et PS finiront par se réconcilier, et que le PS reste l’ennemi principal. En fait, si la bourgeoisie n’est pas plus optimiste, c’est que les premiers sondages après la rupture ne traduisent pas de recul électoral de l’UG et qu’en dernière analyse ce sont les chiffres de l’inflation et du chômage qui pèseront le plus lourd dans ces élections. Même divisés, même en se présentant chacun sur sa propre version du Programme commun, avec des accords de désistement au second tour, il n’est pas invraisemblable que le PC et le PS se retrouvent majoritaires. Dans cette hypothèse, mieux vaudrait, du point de vue de la bourgeoisie, pour éviter tout débordement, qu’ils aient un programme de gouvernement. C’est pourquoi et malgré tout, nous pensons qu’un « compromis » demeure probable.

Dans la classe ouvrière, l’effet de la polémique est contradictoire. D’une part, elle suscite un scepticisme inquiet chez la plupart des travailleurs. Avec, à la clé, un réflexe unitaire élémentaire et électoraliste : cette histoire de filiales ne vaut pas une rupture, c’est secondaire, gagnons les élections et nous verrons après… D’autre part, dans un secteur plus conscient de la classe ouvrière, elle renforce l’image du PCF comme parti le plus dur et le plus vigilant. Enfin, elle favorise une politisation critique envers les deux directions réformistes. Ceux qui pensaient que le Programme commun avait réponse à tout constatent qu’il n’y a pas un mais des programmes communs, que « ça se discute »…

Donc, rien n’est joué. Le problème, c’est ce qui peut se passer après les élections en cas de victoire ou en cas d’échec de l’Union de la gauche.

En cas d’échec, ce sera un relatif succès pour la bourgeoisie qui aura réussi à appliquer le plan Barre et à garder la majorité. Les coups reçus par la classe ouvrière tout au long de cette année peuvent alors provoquer une réelle démoralisation dans certains secteurs. Mais le plus probable, c’est qu’il y aura des explosions sociales importantes, dont la portée et l’efficacité peuvent être limitées par les différenciations mêmes dans la classe ouvrière. Ce sera là le problème principal.

En cas de victoire de la gauche, la polémique actuelle trouvera ses prolongements contradictoires. D’un côté, elle a mis en discussion énormément de problèmes, elle a engagé une politisation. De l’autre, elle a fait sentir la fragilité de l’accord et renforcé le contrôle du PCF sur sa propre base. Elle peut donc contribuer à différer les ruptures et fractures qui ne manqueront pas de se produire, mais elle contribue aussi a en mûrir le contenu politique.

Les positions et initiatives de la LCR

La division entre le PC et le PS met à la fois en relief les espoirs et les illusions placés dans leurs grands partis par la grande majorité des travailleurs, et l’importance de ne pas subordonner leurs intérêts (la nécessité de la lutte contre l’austérité) à des échéances électorales aléatoires. C’est pourquoi, face à la division, nous mettons l’accent sur l’unité nécessaire des travailleurs.

En effet, l’aspiration unitaire répond à la fois à un réflexe opportuniste et électoraliste (à son dévoiement dans la collaboration de classe par l’UG) et à un besoin profond de front unique de classe. C’est sur ce deuxième élément que nous prenons appui pour donner à la volonté unitaire un contenu de classe. Cet axe restera d’actualité même en cas de compromis final entre PC et PS. Mais, ce compromis restant le plus probable, il importe de bien ancrer la bataille de l’unité sur les tâches durables, de ne pas se faire les chantres de l’unité pour l’unité (ce qui reviendrait en pratique à jouer les marieuses entre PC et PS), mais de mettre l’accent sur les exigences qui donnent à cette unité son contenu de classe. Nous intervenons donc sur l’axe suivant : pour en finir avec l’austérité et le gouvernement Giscard-Barre, il faut l’unité des travailleurs et de leurs organisations, il faut que les travailleurs tranchent souverainement, il faut la rupture avec la bourgeoisie (radicaux, Constitution, Giscard).

Face au contenu lui-même de la polémique PC-PS, nous insistons d’abord sur le fait qu’il n’y a pas deux versions du Programme commun, dont l’une serait de collaboration et l’autre anticapitaliste, séparées par 500 nationalisations de plus ou de moins. Le Programme commun en tant que tel est un programme de collaboration de classe, il importe de maintenir fermement cette caractérisation, contre toute tentation dans l’extrême gauche de soutien critique au PC. Cela dit, nous ne sommes pas indifférents au chiffrage du smic, à la hiérarchie, au nombre de nationalisations, aux possibilités de contrôle. C’est ce que nous avons exprimé dans un supplément à Rouge et dans la lettre ouverte aux militants du PC et du PS sur les nationalisations :

– le smic à 2 400 francs ? Bien sûr, mais il faudra l’échelle mobile, le contrôle de l’indice, etc. ;

– la hiérarchie de 1 à 5 ? Oui, s’il s’agit d’une offensive contre la fortune et le capital (ouverture des livres de comptes, nationalisations, banque unique, monopole du commerce extérieur, etc.) ;

– le nombre de nationalisations est important ? Oui, mais alors nationalisez sans indemnités les 19 groupes qui représentent à eux seuls 4 fois plus de travailleurs que les 500 filiales en litige, etc.

Il faut ajouter les questions non abordées dans la polémique PS-PC, principalement la question de l’emploi avec nos revendications traditionnelles. Enfin, nous prenons au mot les propositions avancées dans la discussion notamment par le PC :

– le PC reprend une proposition de la CFDT pour la création de délégués d’ateliers et de services dans les entreprises nationalisées. Voilà une structure unitaire, enracinée à la base, fort bien. Mais pourquoi les limiter aux entreprises nationalisées ? Et surtout, pourquoi, puisque l’idée est bonne, attendre pour la mettre en pratique une victoire électorale ?

– la CGT annonce que les comités d’entreprise devront avoir des attributions élargies, non seulement un droit de regard sur la comptabilité, mais un droit d’information sur l’ensemble des salaires, sur les projets d’embauches, de licenciements et de départ à la retraite sur cinq ans. Fort bien, mais pour qu’il s’agisse d’un véritable contrôle ouvrier, pour que les travailleurs puissent se prononcer, il faut que soit levée la clause du secret, et surtout il faut que les informations fournies au comité d’entreprise puissent être vérifiées et contredites par l’ensemble des travailleurs dans les ateliers et les services. Il faut que les délégués des travailleurs au comité d’entreprise aient un réel droit de veto.

Alors que la division s’instaure par-dessus leur tête sur des questions qui les concernent au premier chef, qui conditionnent leur vie quotidienne et leur capacité de résistance à l’austérité, c’est aux travailleurs de dire leur mot et de trancher. Il faut qu’un grand débat s’instaure. L’unité sera d’autant plus solide que le sort des travailleurs ne sera pas suspendu aux marchandages d’appareil et qu’ils auront défini eux-mêmes leurs exigences, chiffré leurs besoins. Marchais et Mitterrand en appellent chacun aux travailleurs, mais c’est pour leur demander leur confiance, les inviter à rejoindre leur parti respectif, sans leur donner les moyens de se prononcer et de trancher.

C’est en assemblée générale, sur les lieux de travail, que les travailleurs doivent se réunir pour établir une plate-forme avec des exigences précises et chiffrées, qui ne soient ni de simples amendements au Programme commun, ni des objectifs négociables que l’on puisse réviser en baisse, mais des revendications vitales que les travailleurs seront prêts à défendre et à imposer face à n’importe quel gouvernement.

Les directions syndicales confédérales CGT et CFDT se sont réunies sans rien décider, en se contentant de faire bonne figure et de maintenir une image unitaire qui leur permette quoiqu’il advienne, de faire face dans les meilleures conditions. Mais en même temps, la pression est forte pour que les syndiqués à la base servent de force d’appoint aux deux partis dans leur polémique.

Enfin, le plan Barre qui a déjà coûté lourd en chômage et en recul du pouvoir d’achat, continue à s’appliquer sans qu’un bilan soit tiré de la tactique syndicale des journées d’action dispersées qui a permis qu’il s’applique.

Il faut que les travailleurs réunis en assemblées intersyndicales tirent ce bilan et avancent des perspectives de lutte contre l’austérité, qu’ils rappellent en commun face à la polémique PC-PS leurs propres revendications, qu’ils définissent leur plate-forme et les moyens de l’imposer sans renvoyer leurs exigences à une hypothétique négociation générale avec un gouvernement de gauche, qu’ils forgent sur cette base l’unité syndicale à la base et posent le problème de l’unification syndicale avec droit de tendance. Le PC a souvent tiré un bilan critique du Front populaire en expliquant qu’il avait eu tort de ne pas lancer des comités de base. En 1973, le Ceres2 avançait l’idée de tels comités, sans trop insister il est vrai. Aujourd’hui que la polémique bat son plein, que la question est ouverte de savoir pour quel programme sont les travailleurs et sur quelles bases ils veulent voir gouverner leurs partis, plus personne ne parle de tels comités unitaires ouverts à tous pour discuter et agir pour imposer un gouvernement qui satisfasse leurs revendications.

Déjà, lors des élections municipales, les travailleurs ont donné la majorité aux partis dans lesquels ils se reconnaissent, au PC et au PS. Ils ont indiqué par là leur volonté de voir ces partis former un gouvernement. Mais pas un gouvernement pour pactiser avec Giscard et subir le chantage d’un Fabre ! Pas un gouvernement pour poursuivre une politique d’austérité et respecter la Constitution réactionnaire de 1958. Avec eux, nous luttons pour un gouvernement du PC et du PS qui rompe avec la bourgeoisie et satisfasse les revendications.

En ce qui concerne les initiatives, nous avons lancé une campagne d’explications publiques avec la diffusion massive à 200 000 exemplaires d’un appel du bureau politique, la diffusion d’une lettre ouverte aux militants du PC et du PS sur les nationalisations, l’organisation de meetings et cercles publics dans les villes et les secteurs où nous intervenons.

Il nous a paru également important que cet événement politique soit l’occasion d’une confrontation et si possible d’une réponse publique commune entre les organisations révolutionnaires. Nous y voyons un test quant à la possibilité d’une campagne législative unitaire reposant sur un accord solide. Inprecor reproduit dans ce même numéro un résumé des positions des différentes organisations. Jusqu’à présent nous sommes parvenus à un accord sur un appel commun avec l’OCT3 et les CCA 4, « qui devrait déboucher sur des réunions publiques (c’est déjà le cas dans certaines villes) permettant de débattre largement de ce qui nous est commun aussi bien que des divergences. Nous aurions souhaité que d’autres organisations, et notamment Lutte ouvrière se joignent à cet appel. Mais, pour l’instant, cette organisation a même refusé de participer aux réunions unitaires et semble avoir engagé seule sa campagne préélectorale.

La crise de l’Union de la gauche a servi de révélateur politique de l’évolution des organisations d’extrême gauche, amenées à préciser leur analyse de l’Union de la gauche, de la nature des partis qui la composent ; le débat sur la réactualisation du Programme commun a été aussi l’occasion de définir les axes d’un programme d’action pour la période à venir. Nous publions ci-après des extraits significatifs des prises de position de Lutte ouvrière (LO), de l’Organisation communiste internationaliste (OCI), de l’Organisation communiste des travailleurs (OCT) et des Comités communistes pour l’autogestion (CCA).

La position des organisations d’extrême gauche

Lutte ouvrière développe son intervention presque exclusivement en direction des entreprises. Ses militants interviennent dans la CGT et parfois dans Force ouvrière (le syndicat le plus à droite des trois principales confédérations syndicales). Ils ont également des forces dans la CFDT. Lutte ouvrière publie un hebdomadaire du même nom et une revue mensuelle Lutte de classe, qui porte le sous-titre : « Pour la reconstruction de la IVe Internationale ». LO est l’héritière d’un courant qui n’a jamais intégré la IVe Internationale. Depuis quelques mois, LO a engagé des discussions avec le secrétariat unifié de la IVe Internationale et la LCR.

L’Organisation communiste internationaliste (OCI) milite essentiellement dans la CGT et dans Force ouvrière (FO). Elle caractérise la CFDT comme n’ayant point rompu avec son passé de syndicat lié à la hiérarchie catholique. Elle développe aussi une intervention parmi les enseignants (notamment ceux du primaire). Au sein de la Fédération de l’Éducation nationale (FEN), les militants de l’OCI animent la tendance « Front unique ouvrier ». Son organisation de jeunesse, l’Alliance des jeunes pour le socialisme (AJS) est essentiellement active dans un syndicat étudiant très minoritaire, l’Unef-unité. L’OCI publie un hebdomadaire Informations ouvrières et une revue mensuelle La Vérité. L’OCI est membre du Comité d’organisation pour la reconstruction de la IVe Internationale (Corqi) dont Pierre Lambert est un des principaux dirigeants. Ce courant a refusé de participer à la réunification de 1963. Des discussions se sont engagées dernièrement entre le Corqi et le secrétariat unifié de la IVe Internationale afin d’organiser un débat public dont les premiers échanges sur le stalinisme seront bientôt publiés.

L’Organisation communiste des travailleurs (OCT) est issue d’une scission de la Ligue communiste en 1971. Le groupe prit alors le nom de Révolution, et évolua vers des positions maoïstes. En 1976, Révolution fusionna avec la Gauche ouvrière et populaire, courant maoïste issu du Parti socialiste unifié (PSU) 5. L’OCT intervient aujourd’hui dans la CGT et surtout dans la CFDT. Une partie substantielle de ses forces est active en milieu étudiant. Sur le plan international, l’OCT entretient des contacts avec Avanguardia Operaia en Italie et le MES au Portugal. L’OCT publie un hebdomadaire L’Étincelle et une revue Premier mai. Avec LO et la LCR, l’OCT participa à la formation des listes unitaires « Pour le socialisme, le pouvoir aux travailleurs », lors des élections municipales de 1976.

Les Comités communistes pour l’autogestion (CCA) sont issus d’une scission récente d’un courant du PSU animé par les anciens militants de l’Alliance marxiste révolutionnaire (AMR). Ces derniers se rattachent à la Tendance marxiste révolutionnaire internationale (TMRI) dont Michel Pablo est l’un des dirigeants les plus connus. Les CCA représentent une force politique restreinte qui est en plein débat de préparation de son prochain congrès de constitution. Quelques dizaines de militants de la LCR et de l’OCT ont rejoint cette organisation. Elle ne dispose, pour l’instant, d’aucun organe de presse régulier.

Lutte ouvrière « C’est avec le mot « unité » à la bouche que Marchais et Mitterrand s’en sont pris, une fois de plus, l’un à l’autre. Marchais en accusant le Parti socialiste de remettre en cause l’essentiel du Programme commun. Mitterrand en envisageant ouvertement de gouverner, comme l’a fait le Parti socialiste en 1936, c’est-à-dire en s’appuyant sur le PCF, mais sans le prendre au gouvernement […]. Le PC sait de longue date que sa seule chance de parvenir au gouvernement et d’y rester, c’est d’avoir le maximum de députés, suffisamment en tout cas pour que Mitterrand ne puisse pas se passer de lui pour avoir une majorité au Parlement. Mais ni le Parti communiste, ni le Parti socialiste n’ont intérêt à la rupture. Renouvellement du Programme commun ou pas, le PC comme le PS ont besoin au moins d’un accord de désistement mutuel au deuxième tour.

L’un comme l’autre sauront d’ici les élections reconstituer l’Union de la gauche au moins sous forme d’un accord électoral équivalant à ce qui existait jusqu’à présent. Le fait que les uns ou les autres haussent le ton ne change pas grand-chose non plus du point de vue de la défense des intérêts des travailleurs. La polémique se concentre de plus en plus sur la question des seules nationalisations. Mais à qui voudrait-on faire croire que la confuse, l’obscure et dérisoire querelle sur le fait de nationaliser ou pas les filiales des grands groupes concerne tellement les travailleurs […].

Non, toute cette discussion autour du nombre des entreprises à nationaliser n’est, de part et d’autre, que grossier prétexte à démagogie électorale. Le PS et les radicaux de gauche en réclament un peu moins car une partie de leur clientèle électorale frémit au seul mot de collectivisme. Le PCF en réclame un peu plus, pour tenter de faire croire que les travailleurs peuvent lui faire confiance, qu’il est plus exigeant et qu’il est partisan de transformations plus profondes que ses alliés et néanmoins rivaux.

Quand bien même le PCF obtiendrait gain de cause dans ce marchandage, cela n’apporterait aucun avantage, aucune garantie supplémentaire pour les travailleurs, aucune réponse à leur inquiétude face au chômage, aucune prise sur une économie qu’il serait vital, indispensable de planifier pour éviter une catastrophe. Mais le PCF n’obtiendra même pas gain de cause, car il n’a aucun moyen de contraindre le PS et les radicaux de gauche à s’aligner sur ses positions ; par contre, ces derniers en ont bien plus de le contraindre, lui, à s’aligner. Alors travailleurs, nous n’avons pas à faire confiance à tous ces gens. Nous pouvons faire en sorte qu’ils soient demain, au gouvernement. Mais nous ne pouvons pas espérer qu’une fois au gouvernement ils veuillent changer notre vie. Avec eux ou sans eux au gouvernement, nous devrons lutter pour obtenir ce dont nous avons besoin. »

Extraits de l’éditorial de l’hebdomadaire Lutte ouvrière en date du 1er octobre 1977

Organisation communiste internationaliste « “Nous accuser de vouloir le collectivisme est une calomnie” a rétorqué le secrétaire général du PCF à Robert Fabre, dirigeant du parti bourgeois des radicaux de gauche. Une calomnie : ni plus ni moins. Et pour être plus précis, le PCF répète chaque jour que le Programme commun, ce n’est ni le socialisme ni le communisme. Bien.

Ni le socialisme ni le collectivisme en effet : le Programme commun est un programme de défense du système capitaliste, plus précisément de la Ve République […]. Staliniens et sociaux-démocrates, “frères jumeaux de la contre-révolution” comme l’écrivait Trotski, doivent édifier un barrage contre-révolutionnaire pour tenter de préserver le système de la propriété privée, la Ve République. Sur ce point, il n’y a aucune divergence entre les dirigeants du PCF et du PS […]. L’Union de la gauche est un front populaire, ni plus, ni moins. Il en découle que le PCF et le PS éprouvent aujourd’hui les plus grandes craintes et difficultés à rompre l’Union de la gauche alors que la crise révolutionnaire n’a pas encore éclaté, sous peine de ne pas être en mesure de faire face à cette mobilisation révolutionnaire des masses. C’est à la lumière de cette analyse que nous pouvons apprécier l’ampleur et la portée de la crise qui secoue l’Union de la gauche-front populaire.

Les dirigeants staliniens ont un objectif précis : protéger la Ve République, c’est-à-dire prolonger le plus longtemps qui soit le règne de Giscard-Barre. L’agence française de l’appareil international du Kremlin n’est pas, comme le PS, déterminée par une « victoire électorale ». Est-ce là une calomnie ? Non. La politique du PCF est fondamentalement définie en rapport avec la défense de la bureaucratie stalinienne de Moscou qui lutte de toutes ses forces contre la révolution mondiale. Cela ne signifie évidemment pas que les liens entre Moscou et le PCF soient comparables à ce qu’ils étaient au zénith du stalinisme. Mais ceci est une autre affaire.

La “réactualisation” du Programme commun, exigée par le PCF, comme l’entrée de la quatrième composante gaulliste, sont autant d’efforts que le PCF fait pour mettre en œuvre cette politique de division dont l’objectif est le soutien au gouvernement Barre, à la Ve République à l’agonie. En clair, les dirigeants du PCF multiplient les initiatives pour essayer de démoraliser militants et travailleurs, concrètement, c’est le soutien direct à Giscard-Barre […].

Lutter pour la constitution d’un gouvernement du PCF et du PS sans gaullistes ni radicaux de gauche, pour que Giscard d’Estaing soit démissionné, comme le propose l’appel du comité central de l’OCI (pour la reconstruction de la IVe Internationale), c’est concrètement opposer à l’Union de la gauche le front unique ouvrier. Il n’y a pas, il n’y aura jamais de “bon programme commun” pour la classe ouvrière.

Voilà pourquoi l’OCI combat sans conditions pour l’unité du PCF et du PS, pour la victoire des candidats du PCF et du PS aux élections, pour que Giscard soit démissionné. C’est aujourd’hui concrètement ouvrir la voie qui permettra aux masses de réaliser leurs aspirations, de balayer la Ve République et la Constitution, d’ouvrir la voie au gouvernement ouvrier et paysan : c’est la politique de la IVe Internationale.

Extraits d’une tribune libre de l’OCI parue dans Rouge du 28 septembre 1977

Organisation communiste des travailleurs La surprise a été grande. Voici que ce que nous prenions pour une simple péripétie dans les relations des partis de la gauche est devenu une véritable crise. Une crise que personne ne prévoyait, à commencer par l’OCT (cf. Étincelle n° 30) : sous-estimant l’ampleur de l’épreuve de force engagée entre le PS et le PC, nous en déduisions qu’ils ne mettraient pas en péril leur alliance avant les élections. Mais aujourd’hui, à gauche, rien ne va plus. Ceux qui, à toutes les manifestations couvraient les mots d’ordre de lutte de leur puissante sono : “Union-Action-Programme commun”, ceux-là étalent aujourd’hui leur division. PC et PS rivalisent d’ardeur pour convaincre les travailleurs de s’engager à leurs côtés contre le partenaire de la veille […].

Alors les travailleurs doivent intervenir bien sûr, dans ce débat, mais pour leur propre compte. Ni le Programme commun de 1972, ni la version du PC, ni la version du PS ne peuvent répondre aux exigences des travailleurs aujourd’hui telles qu’elles s’expriment dans les luttes. Il faut l’unité. Mais qu’est-ce aujourd’hui qu’une véritable unité des travailleurs ? L’unité c’est la lutte déterminée contre le chômage (qui divise si profondément actifs et non actifs) contre la situation discriminatoire des travailleurs immigrés, contre la surexploitation et l’oppression des travailleuses. Bien faibles sont les réponses du Programme commun, de sa version PS, de sa version PC sur ces points.

Programme commun, programme PS ou programme PC, qu’adviendra-t-il de l’écrasante majorité des travailleurs qui, en tout état de cause ne relèvent pas d’entreprises nationalisées et sur lesquels Marchais affirmait que “les patrons garderont le pouvoir” ? Et dans les entreprises nationalisées qu’est-ce qui permettra aux travailleurs d’être autre chose que des machines à produire, de contrôler les cadences, de savoir pourquoi, comment, pour qui ils produisent ?

Ces questions-là sont celles des travailleurs tous les jours. Aujourd’hui plus que jamais, il faut prendre les moyens dans les ateliers, les bureaux… d’en parler, d’organiser avec les syndicats des débats, des assemblées générales pour savoir ce que pensent, ce que veulent les travailleurs.

Alors que le débat sur le projet de société ne passe pas entre le PC et le PS, il passe entre les divers projets de collaboration de classe et le projet révolutionnaire, pour le socialisme et le pouvoir des travailleurs.

Extraits de l’éditorial de L’Étincelle, hebdomadaire de l’OCT, en date du 29 septembre 1977

Comités communistes pour l’autogestion […] De tout cela, il faut tirer une leçon. La recherche d’accords avec des forces bourgeoises ne peut mener les partis ouvriers (même réformistes) qu’à reculer, y compris sur leurs propres positions, fussent-ils majoritaires dans la coalition. Les travailleurs doivent compter sur leurs propres forces et leur force, c’est leur unité autour de leurs besoins et de leurs revendications. Pour les faire aboutir, et dès maintenant, il faut la construire et la renforcer, autour des 35 heures, de l’échelle mobile des salaires et des heures de travail, de la nationalisation massive des grandes entreprises qui ferment ou licencient, sans indemnité ni rachat et sous gestion ouvrière. Leur force, c’est leur unité avec leurs organisations : il faut que ce gouvernement chasse Giscard. Il faut qu’il satisfasse les revendications, il faut que les travailleurs communistes, socialistes, révolutionnaires, s’unissent pour appuyer de telles mesures, pour que les partis ouvriers rompent avec la bourgeoisie, rompent avec la logique du profit, avec le système capitaliste et s’engagent dans la voie du socialisme. […] C’est l’enjeu pour cette campagne électorale qui vient, que puisse s’exprimer un courant uni des révolutionnaires qui se batte autour de claires positions, capables de réaliser l’unité des travailleurs contre la bourgeoisie et sans compromis. […] Alors, il ne faut pas tarder :

– faisons des comités de discussion là où les forces révolutionnaires sont présentes ;

– dans les entreprises nationalisées ou nationalisables, agissons ensemble pour que la question centrale de qui décide et de qui décidera soit posée dans les mois qui viennent ;

– engageons le débat et la pratique commune chaque fois que cela sera possible de la base au sommet, entre les forces et les militants qui se réclament des perspectives révolutionnaires.

Extraits d’une tribune libre parue dans Rouge du 21 septembre 1977

Inprecor n° 14 du 13 octobre 1977
www.danielbensaid.org

Documents joints

  1. Ancêtre du Parti des travailleurs. Voir pages 6 et 7.
  2. Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste créé par Jean-Pierre Chevènement.
  3. Voir pages 7 et 8.
  4. Voir pages 7 et 9.
  5. Parti socialiste unifié créé en 1960, un temps dirigé par Michel Rocard.

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