Fabien Ollier : Quand on essaie de saisir l’utopie, celle-ci s’échappe dans tous les sens et se fragmente en morceaux très disparates. L’étymologie du mot ne renvoie pas à une univocité rassurante, bien au contraire (lieu où tout est bien ; non-lieu ?). Quant à l’histoire de son utilisation, elle nous laisse face à des champs sémantiques inextricables et en lutte autour de notions aussi floues qu’utopies négatives (qui, chez certains, renvoient au nazisme réellement existant, chez d’autres au communisme inexistant et bilderlos), utopie positive (qui serait « bonne » pour l’humanité alors que la négative serait mauvaise), utopie concrète (qui dans les dossiers de Roland Castro ne veut pas dire la même chose que dans la New Babylon de Constant), utopie irréelle ou surréelle (qui n’aurait pas vocation à se réaliser), utopiques (qui, chez les marxistes orthodoxes désignaient les doux rêveurs ou les aventuriers), utopiens (qui dégageraient les possibles d’une époque), utopistes (qui formuleraient des impossibles), et nous venons en rajouter en parlant d’« utopies de marché » que nous opposons aux utopies de libération ! La première tâche concernant l’utopie serait donc de se situer par rapport à son ouvrage et ses ouvertures. Vous est-il possible de le faire, vous dont le parcours militant croise sans cesse le parcours de l’utopie communiste révolutionnaire ? Quelle serait la cartographie utopique qui a ou aurait orienté vos pratiques théoriques et vos pratiques de militant ?
Documents joints
- Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, 1932.
- Dominique Méda, Le Travail, une valeur en voie de disparition, Flammarion, 2010. Jérémy Rifkin, La Fin du travail, La Découverte, 1997.