Jamais n’ont été annoncés autant d’initiatives, de rencontres, de colloques, tout autant à l’échelle internationale qu’en France même, consacrés à l’anniversaire de Mai 68. Universitaires ou militants, hostiles ou complices, de nombreuses personnes s’y retrouveront.
La célébration du 40e anniversaire de Mai 68, du 13 au 24 mai, sera marquée par Sarkozy et sa volonté, bruyamment affichée, d’enterrer définitivement Mai 68, d’éradiquer tout ce dont l’événement se voit, à tort ou à raison, accusé d’être responsable. Revenir sur Mai 68 est ainsi devenu un devoir de résistance.
Les animateurs des éditions Syllepse, qui vont publier un ouvrage important consacré aux « années 1968 », ont pris l’initiative d’un appel soutenu par des maisons d’éditions, des instituts, des revues, dont Critique communiste et Contretemps… Plus de 300 signatures, tant collectives qu’individuelles, françaises et d’un peu partout dans le monde, accompagnent à présent cette annonce que « Mai 68, ce n’était pas qu’un début ». Ou bien que « ce n’est toujours qu’un début » ! Bref, contre ceux qui veulent l’ensevelir, il s’agit, non de commémorer, mais de faire revivre Mai 68, ce que fut Mai 68. D’abord, la plus grande grève ouvrière qu’a connue ce pays. Et la mobilisation extraordinaire de la jeunesse étudiante. Mais aussi une belle série d’événements à travers le monde, ainsi qu’une puissante onde de choc, qui allait durablement bouleverser la société, au plus profond de ses structures sociales et de sa culture. Le faire revivre, non par souci de cultiver la nostalgie, mais pour s’inspirer des changements de cette époque, avec la volonté de les continuer.
Un travail qui va se déployer en de multiples lieux et à différents moments. Le collectif qui s’est constitué sur la base de l’appel a pour ambition de faire connaître ces initiatives, d’aider à ce que jouent entre elles des synergies, en particulier via le site www.mai-68.fr. Dans la période
du 13 au 24 mai, en région parisienne, une série d’initiatives, dans différents lieux, à plusieurs moments, pour débattre, échanger, confronter, vont être organisées : films, lectures, théâtre, expositions de photographies et de peintures…
D’ici mai, les idées vont fleurir. Échangeons-les, multiplions-les… Celles qui ont fait irruption en
Mai 68 méritent d’être rappelées et renouvelées, car il convient, pour cet anniversaire, de les transmettre. Le contexte politique et idéologique nous en fait un devoir.
Un appel international
« Mai 68, ce n’est toujours qu’un début… »
« Un spectre hante les tenants de l’ordre établi : le spectre de Mai 68. Toutes les puissances du vieux monde se sont unies en une Sainte Alliance pour traquer ce spectre : Nicolas Sarkozy, Luc Ferry, Claude Allègre et consorts… Ne manque à l’appel aucun de celles et ceux qui n’ont comme seul horizon indépassable que le monde tel qu’il est, voire la fin de l’histoire.
« Pour la France bien-pensante, Mai 68 est responsable de tout. Nicolas Sarkozy n’a pas hésité à la faire frémir en agitant à nouveau le spectre. Il s’agit, selon lui, « de savoir si l’héritage de Mai 68 doit être perpétué ou s’il doit être liquidé une bonne fois pour toutes ». Dans cette liquidation, seraient visés non seulement les droits syndicaux, le Smic et le salaire socialisé, mais aussi les avancées obtenues, entre autres, par les luttes féministes.
« Tel un ludion, le spectre de Mai 68 sort du placard tous les dix ans. C’est l’occasion des exorcismes et des oraisons funèbres, des enterrements de première classe et des cérémonies d’adieux, des célébrations compassées, des imprécations et des repentances de tous les ralliés.
« Il est grand temps de se réapproprier Mai 68, les réalités derrière les mythes, le Mai des prolétaires (de la grève générale et des occupations), le Mai de la commune étudiante, le Mai des murs qui prennent la parole, le Mai des barricades qui ferment la rue et ouvrent la voie, le Mai qui a pavé le chemin des libérations et des transformations sociales et sociétales arrachées au cours de la décennie suivante, le Mai qui a soufflé sur Berlin, Prague, Mexico ou Turin, soulevant l’espoir tout autant que la critique du monde réellement existant, des normes et des évidences.
« Ce qui est advenu n’était pas le seul possible. Des retours critiques collectifs et discordants permettront de retrouver le sable chaud sous les grèves et les espérances, à la lumière d’une formidable expérience dont les traces marquent encore notre temps.
« Des éditeurs, des revues, des journaux, des sites Internet, des librairies, des instituts, des fondations, des lieux et des espaces culturels tentent d’interpréter le monde pour transformer l’ordre des choses. Ils se sont réunis et proposent d’organiser ensemble, au printemps prochain, un « Mai 68, ce n’est pas qu’un début, c’est une actualité urgente ». C’est à cette fin qu’ils lancent cet appel, ici et au-delà des frontières. »
Paru dans Rouge no 2236 du 24 janvier 2008.