Parti des travailleurs

Brésil : le sens d’une exclusion

Partager cet article

Heloísa Helena vient d’être exclue du Parti des travailleurs du Brésil, pour avoir critiqué la politique sociale du gouvernement Lula.

Le 15 décembre, notre camarade sénatrice, Heloísa Helena, a été exclue du Parti des travailleurs (PT) du Brésil par la direction nationale (55 voix pour, 2 contre) en même temps que trois autres députés – Luciana Genro, Baba et Joao Fontes – accusés d’avoir rompu la discipline du parti lors des débats parlementaires sur la réforme des retraites. Ce verdict est le dénouement d’un interminable procès, commencé il y a plus de huit mois. Du point de vue formel, la procédure est illégitime.

Substantiellement, l’affaire va bien au-delà d’une question disciplinaire. Heloísa fut, sous les gouvernements précédents, la porte-parole du groupe pétiste au Sénat, chargée de combattre les réformes de la protection sociale du président Fernando Henrique Cardoso. Elle pouvait difficilement, sans se renier, approuver une réforme pire encore (c’est aussi le cas de notre camarade député de Bahia, Walter Pinheiros, ancien porte-parole du groupe parlementaire, qui a également voté contre la loi, lors du vote définitif). C’est le gouvernement qui est, sur ce point, comme sur bien d’autres, en rupture « radicale » avec les résolutions et les orientations adoptées en 2001 par le dernier congrès du PT.

Il s’agit donc bien d’un test et d’un avertissement. Au lieu de représenter les aspirations des mouvements sociaux en direction du gouvernement, le parti doit devenir la courroie de transmission du gouvernement dans la société, à tel point que des intellectuels critiques qualifient aujourd’hui son président, José Genoino, d’« interventor » du gouvernement dans les instances du parti. Cette exigence sera de plus en plus incompatible avec les traditions démocratiques et pluralistes de ce parti. D’autant que la composition du parti connaît une mutation sensible : des militants de la première heure en sont exclus ou le quittent, alors qu’arrive une promotion de carriéristes attirés par l’odeur des postes.

Les conditions de l’exclusion illustrent la détermination bureaucratique de la direction et sa faiblesse relative. Pour la première fois en vingt ans, la réunion a été transférée à la dernière minute de São Paulo à Brasília, pour éviter le risque de manifestations de la base. Une association des amis d’Heloísa s’est créée, à l’initiative d’intellectuels. Une pétition internationale signée par quantité de députés européens et de personnalités, telles que Noam Chomsky ou Ken Loach, a été adressée à la direction du PT. Dès le lendemain de l’exclusion, des intellectuels prestigieux, fondateurs du PT, ont rendu publique leur démission. Le ministre de la Ville, Olivio Dutra, a manifesté publiquement son désaccord.

Nos camarades de la tendance Démocratie socialiste comptent faire appel devant le congrès du parti, convoqué pour 2005.

Rouge n° 2073, 17 juillet 2004. Cette date, reprise du site de Rouge, semble douteuse
www.danielbensaid.org

Documents joints


Partager cet article