Chili, quatre questions, quatre réponses

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« Conformément à la Constitution, l’armée ne fait pas de politique. »
Luis Corvalan, secrétaire général du Parti communiste chilien.

En 1971, on lisait dans La Vie ouvrière (hebdomadaire de la CGT), à propos du Chili : « Certes, à bien des égards, ce pays est très différent du nôtre. Mais comment ne pas voir dans les événements qui s’y déroulent une illustration des idées de la CGT sur la possibilité pour la gauche unie, avec le soutien de la classe ouvrière et du peuple, de remporter la victoire dans les conditions de la France ? »

Aujourd’hui, on insiste plutôt sur le fait que le Chili, ce n’est pas la France…

C’est vrai. Le poids et le rôle de la paysannerie y sont différents. La domination et la présence de l’impérialisme aussi.

Hier, on mettait donc l’accent sur les analogies, aujourd’hui, on le met sur la spécificité chilienne. Il reste pourtant, par-delà les particularités, un point commun, fondamental : au Chili, pas plus qu’en France, pas plus qu’en Indonésie ou en Grèce, on ne prend le pouvoir par des voies électorales. Des partis ouvriers peuvent arriver au gouvernement et faire provisoirement fonctionner la machine d’État. Mais l’État ne change pas pour autant de nature. Il reste le moyen de domination de la bourgeoisie sur le prolétariat, il reste une bande d’hommes armés.

Et à ce titre il doit être brisé, non emprunté. Sinon, ce sont les travailleurs qui sont écrasés dans le sang. Il n’y a pas de troisième voie, de ruses possibles. Tous ceux qui ont cru pouvoir utiliser le gouvernement comme un cheval de Troie, pour envahir et conquérir de l’intérieur la citadelle bourgeoise, sont restés prisonniers de la bourgeoisie ou ont été brisés.

Dès le lendemain du coup d’État militaire à Santiago, L’Humanité titrait en gros : « On se bat à Santiago. » Les jours suivants, elle a glorifié la résistance des travailleurs.

Mais on ne peut se contenter d’approuver maintenant cette résistance sans répondre à d’autres questions : fallait-il la prévoir et en conséquence la préparer ? ou bien doit-on se battre héroïquement à mains nues ?

N’ont-ils pas honte, ne sont-ils pas même gênés ceux qui, pendant trois ans, ont inculqué aux travailleurs le respect de l’armée légale, qui, contrairement aux enseignements de Lénine, ont tout fait pour leur enlever le désir de s’armer ? N’ont-ils pas honte, ne sont-ils pas gênés de prôner maintenant une résistance qu’ils n’ont rien fait pour préparer ?

Et qu’on ne nous dise pas que des armes il y en avait… dans les locaux des partis. Ce sont les masses qui font la révolution, c’est leur mobilisation qui peut venir à bout de la bourgeoisie et non celle des seuls partis. Encore faut-il leur montrer hardiment le but au lieu de le leur dissimuler dans l’espoir que, pour une fois, la bourgeoisie se laissera dépouiller sans combattre.

Aujourd’hui, l’heure est d’abord à la solidarité sans exclusive avec les travailleurs chiliens en butte à une répression militaire sauvage. Mais cette solidarité de classe, internationaliste, primordiale, ne doit pas nous dispenser de tirer dès à présent les premières leçons du Chili.

Sans perdre une minute.

Il ne faut pas permettre aux réformistes, sociaux-démocrates ou staliniens, de fourvoyer encore les travailleurs, de les conduire au suicide.

Qui sont les aventuristes ? Qui sont les irresponsables ?

Qui, si ce n’est les directions réformistes du mouvement ouvrier qui retombent les yeux fermés dans le même coupe-gorge, conduisant les masses au massacre ? Ils ont été jusqu’à cirer la botte qui les écrase aujourd’hui.

Et que trouveront à dire, aujourd’hui, ceux qui, il y a quelques mois, prenaient la voie chilienne comme exemple de passage pacifique au socialisme. Quelle leçon tire Mitterrand, qui bredouille quelques phrases embarrassées sur la malveillance des trusts ? Et Marchais, qui poursuit à cette occasion la querelle stérile sur l’alternance ? Et Fajon, qui fixait comme tâche principale, il y a une semaine, dans une conférence de presse sur le Chili, la lutte contre la « phraséologie » de l’extrême gauche ? Et Andrieu, qui constate avec surprise dans L’Humanité que les militaires factieux l’ont, « dans cette sanglante affaire », emporté sur les loyalistes ?

L’impuissance, la veulerie, la bêtise obstinée des réformistes devant une aussi tragique leçon écœurent et révoltent.

Mais la bourgeoisie a tort de se réjouir. Ce que les travailleurs retiendront de par le monde, c’est que les révolutions russe, chinoise, cubaine, vietnamienne, ont coûté beaucoup moins cher à leur classe que les louvoiements et les demi-mesures réformistes du Chili, de l’Indonésie, de l’Espagne.

Ils retiendront qu’il n’y a d’autre solution que d’abattre par la levée en masse, par la force, l’appareil d’État de la bourgeoisie, que d’écraser sa meute de chiens sanglants. En un mot qu’il n’y a d’autre solution que la révolution.

16 septembre 1973

I

À longueur d’articles, de déclarations, de communiqués, les dirigeants de l’Unité populaire (UP) ont présenté l’armée chilienne comme une armée démocratique, apolitique, respectueuse de la légalité. Aujourd’hui, cette armée prend le pouvoir par la force, torture, assassine les travailleurs.

Comment une « erreur » aussi énorme, aussi tragique, aussi lourde de conséquences est-elle possible ?

Ils ont fermé les yeux sur la nature de l’État

D’abord, parce que les dirigeants réformistes de l’UP, au lieu de faire une analyse concrète de la société chilienne, des forces en présence, se sont évertués à donner une interprétation des faits justifiant leur perspective de conquête électorale du pouvoir et de passage pacifique graduel au socialisme.

À cette fin, ils ont révisé sur le fond les enseignements fondamentaux tirés de l’histoire du mouvement ouvrier. Ils ont refusé de reconnaître que l’armée et la police sont des bandes armées créées et conçues par la bourgeoisie pour défendre son système d’exploitation des travailleurs. Ils ont été jusqu’à propager les mêmes illusions, les mêmes mensonges que les bourgeois, en accréditant auprès des travailleurs l’idée d’une armée (neutre, au-dessus des classes) au service de la Loi (neutre, au-dessus des classes). Ils ont mis en valeur le prétendu « patriotisme » des forces armées, oubliant que « la patrie » des militaires n’est pas celle de « tous les Chiliens » mais celle de la bourgeoisie, de ses intérêts de classe.

L’ex-ministre socialiste de la Défense, Toha, prenait ainsi des aises avec la vérité historique, pour donner des leçons aux révolutionnaires, 45 jours avant le coup d’État : « Il ne faut pas tomber dans le schématisme des jugements et des préjugés tout faits, sur ce que doit être la conduite d’un parti ou d’un militant révolutionnaire. C’est ainsi que nous ne pouvons oublier que les institutions de la Défense nationale sont confondues dans leur histoire avec l’histoire même de notre patrie, et que ces institutions de la Défense nationale se sont caractérisées par une attitude essentiellement professionnelle respectueuse de la légalité. Le mouvement progressiste chilien est également enraciné dans l’histoire de ce pays et c’est pour cela qu’il y aura toujours un terrain commun entre l’un et l’autre, c’est là le sens profondément patriotique et national qui nous anime les uns et les autres. »

Il est des enseignements du marxisme avec lesquels on ne transige pas sans péril. La définition de l’État comme bande d’hommes armés au service du capital en fait partie. Toha essaie de cacher les intérêts antagoniques, irréconciliables, des classes sociales, derrière des mots : légalité, nation, patrie, attitude professionnelle… On voit tristement aujourd’hui ce qu’il en est en vérité.

Ils ont fermé les yeux devant l’histoire

La « glorieuse tradition » des forces armées chiliennes n’est pas autre chose que celle de la défense armée des intérêts de la bourgeoisie et du capital étranger. Les guerres d’indépendance qui marquent leur naissance, au début du siècle dernier, sont celles de la bourgeoisie nationale naissante contre le système colonial de l’empire espagnol. La guerre du Pacifique, contre le Pérou et la Bolivie, dans les années 1830, fut celle de l’expansion territoriale encouragée par les capitalistes anglais du salpêtre, des milliers et des milliers de travailleurs y trouvèrent la mort.

Au cours de ce siècle, « l’histoire glorieuse » des forces armées chiliennes a été celle des massacres d’ouvriers. À Valparaiso en mai 1903 ; à la Plaza Colon de Antofagasta en février 1906 ; à l’école Santa Maria de Iquique le 21 mai 1907 où plus de 2 000 hommes, femmes et enfants périrent. Plus récemment, le massacre de Ranquil en juin 1934 où l’on compta 500 morts, le massacre de la place Bulnes à Santiago en 1946 (8 morts, des centaines de blessés), la répression sanglante dans les rues de Santiago le 2 avril 1957 (18 morts selon les sources officielles), le massacre du bidonville José-Maria Caro en décembre 1967 (8 morts et de nombreux blessés). Enfin, sous le gouvernement démocrate-chrétien d’Eduardo Frei, l’assassinat des mineurs d’El Salvador, le 19 mars 1966 (8 morts, 37 blessés), le massacre de Puerto Mont le 9 mars 1969 (9 morts, 10 blessés), l’assassinat de deux étudiants à Puente Alto en juillet 1970, à la veille des élections présidentielles. Coquet palmarès, pour une armée démocratique.

Ajoutons à cela que l’armement des forces armées chiliennes est celui que l’impérialisme leur a confié pour défendre ses intérêts, que la formation militaire et idéologique des officiers s’est toujours effectuée, y compris sous la présidence d’Allende, sous la tutelle impérialiste. Que les cours de perfectionnement des officiers continuaient à avoir lieu dans les camps antiguérilla de Panama et aux États-Unis mêmes. Que des manœuvres navales communes avec la marine de guerre américaine connues sous le nom d’opération « Unitas ! » se déroulaient tous les ans… Et que l’Unité populaire acceptait tout cela, pour ne pas froisser la conscience évidemment professionnelle des militaires.

Ils ont fermé les yeux devant les faits

Plus lucide que les réformistes, quant au caractère de classe de l’armée, la droite s’est employée, dès l’élection d’Allende, à développer un climat d’insécurité pour forcer l’armée à reprendre en main le pouvoir gouvernemental. Dès le 21 octobre 1971, le général Schneider, chef d’État-major, était assassiné par un commando d’extrême droite inspiré par le général Viaux ; ce dernier a été libéré par le gouvernement de l’UP quelques jours avant le coup d’État ! Pendant la visite de Fidel Castro au Chili, l’officier supérieur Labbé tenta d’exploiter les réflexes anticommunistes de la caste des officiers, dûment éduqués en ce sens. C’est également dans cette « stratégie de tension » que s’inscrivaient les centaines d’attentats commis par l’extrême droite. Au lendemain du Tanketazo du 29 juin 1973, la plupart des officiers supérieurs, symptôme significatif, ont refusé de désavouer les officiers putschistes…

En fait, l’attitude des officiers supérieurs et des généraux a été de ne pas intervenir sur la scène politique jusqu’à la crise d’octobre 1972. Ensuite, et forts de leur prétendue impartialité passée, ils ont apporté un appui au gouvernement menacé d’Allende moyennant une série d’exigences qui visaient à paralyser la classe ouvrière, à la démoraliser, à la démobiliser, afin de créer les conditions propices à une épreuve de force décisive.

Depuis la crise d’octobre 1972, la loi sur le contrôle des armes, la réaffirmation du caractère illégal des milices ouvrières, la prise en main par la caste militaire d’une série de postes dans l’économie et l’administration ont constitué autant de capitulations de l’UP, jalonnant le passage du pays sous le contrôle de l’armée.

Mais pour en finir avec les périls révolutionnaires, il ne suffisait pas à la bourgeoisie d’étendre les filets de la répression sur tout le pays. Il fallait, après s’être assuré les conditions les plus favorables, écraser militairement une classe ouvrière trop forte et trop combative pour accepter la remise en cause graduelle de ses conquêtes.

En un mot, les dirigeants réformistes de l’UP ont marché, les yeux fermés, au massacre. Ils n’ont en rien préparé l’affrontement prévisible, alors qu’ils ont eu trois ans pour le faire, pour épurer l’armée, pour armer les travailleurs. L’armée chilienne a joué son rôle de chien sanglant au service de la bourgeoisie ; elle défend les intérêts de sa classe. Les dirigeants de l’UP, eux, ont laissé le prolétariat les mains nues, ils l’ont bercé de mensonges et de mots creux. Ils portent à ce titre la responsabilité du massacre.

Extrait du programme de l’UP

L’État populaire définira une conception moderne, patriotique et populaire de la souveraineté du pays qui reposera sur les critères suivants :

– Consolidation du caractère national de tous les secteurs des forces armées, c’est-à-dire refus de les utiliser de quelque manière que ce soit pour réprimer le peuple et de les employer dans des actions qui intéressent les puissances étrangères.

– Formation technique et ouverte à tous les apports de la science moderne, en fonction des véritables intérêts du Chili : indépendance nationale, paix et amitié entre les peuples.

– Intégration et apport des forces armées à la vie sociale, dans ses multiples aspects. L’État populaire aura pour préoccupation de rendre possible la contribution des forces armées au développement économique du pays sans nuire à leur tâche essentielle qui est de défendre la souveraineté nationale.

Sur ces bases, il est nécessaire d’assurer aux forces armées les moyens matériels et techniques et un système de rémunérations, promotions et retraites juste et démocratique qui garantissent aux officiers, sous-officiers et hommes de troupe :

– la sécurité matérielle pendant leur temps d’activité et pendant leur retraite ;

– la possibilité effective pour tous de monter en grade en ne tenant compte que des mérites de chacun.

Programme militaire de l’UP

II

Déjà, les réformistes français, à commencer par Marchais et Fajon, cherchent à expliquer le coup d’État militaire chilien sans remettre en cause les voies électorales, pacifiques vers le socialisme. Aussi expliquent-ils que la base sociale de l’UP n’était pas assez large, qu’elle n’a recueilli que 44 % des suffrages aux dernières élections (donc moins que la majorité absolue), que les menées gauchistes ont contribué à lui aliéner les cadres et la petite bourgeoisie. Alors est-il vrai que le coup d’État a réussi parce que la base du régime était trop étroite ?

Un demi-électeur d’ici 1976…

Les réformistes confondent base sociale et base électorale. Après les législatives de mars au Chili, J.-P. Feber écrivait dans les colonnes de France nouvelle, organe du PCF, qu’il ne manquait plus désormais qu’un « demi-électeur » sur dix à gagner d’ici les présidentielles de 1976 au Chili. Pour lui, en dehors de ces échéances, la lutte de classe n’est que péripétie. La logique électorale est implacable : quand la gauche veut augmenter son électorat, elle cherche inévitablement à grignoter à droite. En y mettant le prix. C’est-à-dire en mettant en veilleuse les exigences ouvrières pour amadouer quelques fractions de la bourgeoisie. C’est ce qu’a fait l’Unité populaire en proposant un cabinet de dialogue à la démocratie chrétienne, en offrant des portefeuilles ministériels aux militaires.

Dire que la base de l’UP était trop étroite, c’est reconnaître la faillite de sa politique électoraliste, c’est avouer qu’en trois ans de gouvernement, elle n’a pu aller au-delà des 44 % obtenus en mars. Si l’UP pouvait se renforcer, ce n’est pas en empochant quelques bulletins de vote supplémentaires. C’est en développant la mobilisation, l’organisation, l’armement des masses. Mais pour cela, il aurait fallu que les travailleurs sentent que le combat engagé était le leur, qu’ils prennent en main les usines, qu’ils produisent pour satisfaire leurs besoins et non pour indemniser les propriétaires ou les compagnies impérialistes.

Oui, l’UP pouvait élargir et renforcer sa base sociale en s’appuyant sur les organes de pouvoir populaire. Certains diront qu’elle n’a pas su. Nous disons qu’elle n’a pas voulu, prisonnière qu’elle était de son programme limité de nationalisation, prisonnière de la légalité bourgeoise qu’elle s’est acharnée à respecter jusqu’au suicide. La voie électorale, pacifique, s’est révélée une fois de plus une impasse misérable et sanglante, distincte et incompatible avec une voie révolutionnaire.

Après le succès électoral d’Allende et les premières mesures de l’UP (doublement des bas salaires), le Chili a connu, dès le début de 1971, une importante mobilisation des masses. Ainsi, les travailleurs du textile, dans le Sud, ont occupé leurs entreprises bien avant qu’il soit question de les nationaliser. Ils ont été réprimés pour avoir outrepassé les buts du programme électoral.

De même, à la campagne, l’UP a entrepris la réforme agraire prévue par la démocratie-chrétienne. Cette réforme laissait 80 hectares de terres irriguées aux grands propriétaires (la proposition d’abaisser à 40 hectares l’application de la réforme fut repoussée). La lenteur administrative dans l’exécution de la réforme permit aux grands propriétaires d’évacuer leur cheptel en Argentine ou de l’abattre, de regrouper les machines agricoles sur leurs terres et de mécaniser leur production. Devant ces lenteurs, dès 1971, de nombreux paysans ont pris l’initiative d’expulser les grands propriétaires et d’occuper les terres. L’UP appela au calme, freina le mouvement et laissa les paysans riches organiser leurs commandos, du type de celui qui assassina Moises Huentelaf, paysan mapuche, militant du Mir.

Le PC est le parti qui a prôné le plus ouvertement la collaboration de classes. Dans la revue de l’université technique, Codemartori, membre du bureau politique, proposait de transformer les relations entre bourgeoisie nationale et prolétariat d’une lutte entre exploités et exploiteurs en une « relation de coopération entre capital et travail salarié ».

Le développement de la lutte des classes depuis trois ans a indiqué l’autre voie possible : celle de l’organisation, de la multiplication des comités populaires se dressant, pour la défense et l’élargissement des conquêtes ouvrières, face à la vieille administration et aux forces de répression de l’État bourgeois comme un nouveau pouvoir naissant.

Dans la province de Cautin, au sud du Chili, des comités de paysans sont élus en juillet 1972 sur les terres occupées et ils se fédèrent à l’échelle régionale. À ces comités reviennent les tâches de gestion des propriétés, de direction politique et militaire des paysans.

Dans la ville de Concepcion, à la même époque, les groupes d’extrême gauche et la plupart des secteurs de l’Unité populaire (sauf le PC) participent à la mise en place d’une Assemblée populaire. Cette assemblée n’est pas un soviet dans la mesure où elle est une coordination des forces politiques existantes et non un organe directement élu et révocable par les masses. Pourtant, elle constitue l’ébauche d’un pouvoir populaire opposé à la vieille machine d’État. Le PC l’a bien compris, qui hurlait à l’ultra-gauchisme, à la provocation, à la division !

À Cerillos, cordon ouvrier de Santiago, lorsque les travailleurs apprirent qu’une entreprise allait être rendue à son ancien propriétaire, ils organisèrent la riposte. En quelques heures, toutes les entreprises du quartier étaient occupées. La Commune fut intégralement contrôlée par les travailleurs pendant trois jours. Un conseil communal vit aussi le jour ainsi que des commandos d’autodéfense, regroupant autour des ouvriers les paysans prêts à soutenir leur lutte. El Siglo, organe du PC, les qualifia de « poignée d’excités »…

C’est dans ce contexte qu’en octobre 1972, la bourgeoisie lança sa première offensive générale contre l’Unité populaire, avec comme pièce maîtresse la grève des camionneurs et des petits commerçants visant à paralyser l’économie. La démocratie-chrétienne expliquait d’ailleurs ouvertement sa tactique, en termes militaires, dans sa presse : « […] Pratiquer la retraite stratégique, laisser l’ennemi s’enfoncer au cœur du territoire ami, le paralyser et l’affaiblir par la politique de la terre brûlée et de la guérilla, le couper de ses arrières, puis passer à la contre-offensive, l’encercler et le détruire […]. »

Aussitôt, tantôt spontanément tantôt sous l’impulsion des groupes d’extrême gauche, les travailleurs répondaient par l’occupation de nombreuses usines, par le renforcement des Jap (comités d’approvisionnement). L’UP, elle, se contentait d’appeler à des manifestations de masse, Allende demandait aux travailleurs de « s’abstenir de toute occupation illégale ». Mieux, le
21 octobre, à la fin de la crise, il déclarait : « Nous ne sommes plus au bord de la guerre civile parce que l’immense majorité a compris que l’action séditieuse d’un petit groupe pouvait être écrasée sans violence. Si nous voulions, nous aurions ici cent mille, cent cinquante mille personnes. Il suffirait de la moindre parole pour que 15 000 ou 20 000 travailleurs de la périphérie industrielle de Santiago viennent ouvrir les magasins. Nous leur avons dit non. La force de ce gouvernement réside dans le respect de la Constitution et de la loi. »

L’intensité de l’affrontement des classes s’est encore accrue après le coup d’État manqué du 29 juin dernier, aboutissant à des formes de lutte et d’organisation bien plus élevées. La riposte de masse à l’équipée blindée du colonel Souper a en effet débordé largement les directives des directions réformistes. Dès l’annonce de la tentative de putsch, c’est par centaines et par milliers, que les usines du pays furent occupées, placées sous contrôle ouvrier et dotées dans la mesure du possible de moyens d’autodéfense. Cette initiative de masse dépassait de loin le plan timide des nationalisations prévues, ainsi que les structures et les institutions traditionnelles de représentation des travailleurs.

Ainsi, pour combattre les dangers d’isolement et garantir les acquis de ce mouvement, les travailleurs mirent en place, surtout autour de Santiago, des « cordons industriels » (coordination des entreprises d’une localité, prenant en charge le contrôle et l’autodéfense des entreprises occupées), et des « commandos communaux » qui regroupent autour des cordons sur la base d’une localité ou d’une région, les organisations étudiantes, paysannes et populaires.

C’est contre la volonté et la propagande des dirigeants réformistes de l’UP que les travailleurs chiliens s’engageaient ainsi sur la voie de la révolution, en mettant en place leurs propres organes de pouvoir, distincts du vieil appareil d’État et appelés à l’affronter un jour.

Les réformistes étaient conscients de cette dynamique. Pendant tout le mois d’août, ils expliquèrent inlassablement que « le temps des cordons était révolu », qu’ils devaient à présent céder la place aux organisations traditionnelles de la classe, c’est-à-dire soit se dissoudre, soit passer sous le contrôle de la CUT, syndicat unique.

Pourtant, c’est en développant et centralisant ces organes de pouvoir populaire, en coordonnant les comités d’autodéfense, en mettant sur pied une milice ouvrière qu’il était possible de préparer l’affrontement avec la bourgeoisie, peut-être même de faire hésiter ou de dissuader certains secteurs de l’armée.

Au lieu de cela, les tentatives d’ouvertures, les propositions de compromis à la démocratie-chrétienne, ne faisaient que témoigner de la faiblesse et de l’irrésolution de l’UP. Quant aux mots d’ordre de « cabinet de combat » opposé par certains groupes d’extrême gauche au « cabinet de dialogue » envisagé par Allende, il restait sur le terrain constitutionnel de l’Unité populaire, au lieu de mettre l’accent sur l’essentiel et le plus urgent : l’apparition d’une situation de double pouvoir, le renforcement du pouvoir prolétarien naissant face à la vieille machine d’État bourgeoise qu’il s’agit de détruire et non de faire, fonctionner telle quelle, comme l’expliquait Marx en tirant les enseignements de la Commune de Paris.

Quelques solides leçons

En effet, le gauchiste Marx écrivait en 1848, dans le Manifeste communiste : « Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social passé. » Il persévérait plus de vingt ans plus tard : « La Commune a démontré que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine d’État et la faire fonctionner pour son propre compte. »

À la veille d’octobre 1971, dans L’État et la Révolution, Lénine, autre gauchiste notoire, reprenait les leçons de Marx : « L’idée de Marx est que la classe ouvrière doit briser, démolir la machine d’État toute faite et ne pas se borner à en prendre possession […]. Briser la machine bureaucratique et militaire, en ces quelques mots se trouve clairement exprimée la principale leçon du marxisme à l’égard de l’État au cours de la révolution… L’État bourgeois ne peut céder la place à l’État prolétarien par voie d’extinction, mais seulement, en règle générale, par une révolution violente… La nécessité d’inculquer systématiquement aux masses cette idée – et précisément celle-là – de la révolution violente est à la base de toute la doctrine de Marx et d’Engels. »

Gauchistes, Marx, Engels et Lénine ? Révolutionnaires, tout simplement !

Ils ont administré de solides leçons, depuis solidement étayées par l’histoire : du pronunciamiento militaire de Franco en 1936 au coup d’État bolivien de Banzer en 71, en passant par le massacre des communistes soudanais en 71.

L’affrontement entre l’appareil d’État, militaire et policier de la bourgeoisie, et les masses en lutte pour leur émancipation, est inéluctable. Combien de fois faudra-t-il encore parcourir le chemin sanglant des illusions et des capitulations réformistes pour s’en convaincre ? Et s’y préparer.

III

Armement du prolétariat ? Les réformistes renvoient le vieux mot d’ordre révolutionnaire aux poubelles des provocations gauchistes. D’autres, à demi convaincus, mettent en doute son réalisme : s’armer, comment ?

L’armement du prolétariat est possible…

De la mobilisation ouvrière, des occupations d’usine, naît la nécessité de l’autodéfense ouvrière face aux agressions des bandes fascistes et des jaunes, face aux interventions de la police et de l’armée. Le piquet de grève est la forme la plus élémentaire de cette autodéfense. Mais les piquets, statiques, isolés, peuvent être attaqués et défaits les uns après les autres ; les détachements ouvriers de combat, mobiles, s’épaulant d’une usine à l’autre, se concentrant sur un point chaud constituent une forme déjà supérieure. Assez fréquents en Espagne, on en a vu récemment une expérience embryonnaire à Reims avec un groupe ouvrier de Chausson venant prêter main-forte à ceux de Citroën contre la CFT. La centralisation de ces détachements peut donner naissance à une véritable milice ouvrière, force armée des travailleurs. Une telle milice, organisée notamment par les anarchistes, a pu jouer un rôle déterminant dans la première riposte au coup d’État en Espagne, en juillet 1936. C’est elle qui a attaqué les casernes pour armer les masses ; leur résistance résolue a fait hésiter une partie de l’armée qui s’est finalement ralliée à la République. Sans quoi, le prolétariat espagnol aurait peut-être été écrasé en quelques jours, sans combattre.

Les partis révolutionnaires, plus organisés, plus imperméables à l’infiltration policière, doivent fournir les premiers noyaux de la milice ouvrière. Ils doivent prouver dans l’action que la résistance armée du prolétariat est possible.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’une milice ouvrière puisse vaincre militairement une armée bien entraînée, bien équipée, qui marcherait comme un seul homme contre les travailleurs.

La division de l’armée, le ralliement de groupes de soldats, voire de régiments entiers à la cause du prolétariat, sont décisifs pour modifier le rapport de force. C’est pourquoi le travail préparatoire des révolutionnaires dans l’armée, le développement de cellules de soldats, la construction d’un réseau antimilitariste révolutionnaire sont des tâches déterminantes.

Au Chili, la plupart des partis ouvriers avaient entrepris, bien qu’inégalement et dans des perspectives différentes, un tel travail. Le Mir notamment avait lancé une campagne auprès des soldats, les incitant à « désobéir aux officiers putschistes » et à s’« unir au peuple ». Mais c’est la sinistre « affaire des marins » qui permet d’évaluer l’efficacité relative et les limites de ce travail. Le 4 août dernier, les officiers, notoirement réactionnaires, de la marine faisaient arrêter par des unités d’élite de l’infanterie de Marine plus de cent sous-officiers et marins accusés de s’être soulevés. Il est tragique de voir aujourd’hui qu’il aura fallu trois semaines pour que le scandale de cette répression éclate, alors que le secrétaire du Mapu (Garreton), celui du Mir (Enriquez) étaient menacés des tribunaux militaires par l’Amirauté ! Pendant trois semaines, l’UP, qui ouvrait largement le cabinet aux militaires, et Allende en personne s’efforçaient d’étouffer l’affaire. Pourtant, le 20 août à Valparaiso, le 29 à Santiago, de grands meetings combatifs montraient l’impact que pouvait avoir dans les cordons la solidarité avec les soldats réprimés.

Enfin, si les milices ouvrières peuvent s’armer au début de façon rudimentaire, si elles peuvent récupérer leurs premières armes sur l’armée et la police bourgeoises, l’ouverture d’une crise révolutionnaire, l’instauration d’une situation de double pouvoir, le déclenchement de la grève générale insurrectionnelle, l’occupation et la remise en marche des usines d’armement doit permettre l’armement du prolétariat à un tout autre niveau. Surtout lorsque ce sont des partis ouvriers qui, comme au Chili, sont au gouvernement.

Voyant venir le coup d’État (et il fallait être aveugle pour ne pas l’avoir vu), ils n’ont rien fait pour prendre l’initiative, pour ouvrir les arsenaux et distribuer des armes aux travailleurs.

Mais cette ultime impuissance n’était que le produit et l’aboutissement d’une orientation suicidaire qui a conduit le prolétariat chilien sous la botte de ses bourreaux.

À condition de le préparer

À ce jour, les rares nouvelles que nous recevons du Chili, font état d’une résistance armée des travailleurs chiliens, particulièrement acharnée dans les faubourgs industriels des grandes villes. Mais que l’armée ait pu occuper sans difficultés, dès la première heure, les points stratégiques pour les communications et les télécommunications prouve l’impréparation militaire et politique des travailleurs au coup d’État. Les événements des dernières années montrent que cette situation n’était en rien inévitable et souligne la responsabilité des directions réformistes.

En effet, les masses chiliennes ont largement démontré qu’avec un minimum de directives concrètes, elles étaient à même d’assumer des tâches élémentaires d’autodéfense. Déjà, les paysans pauvres qui occupaient les grandes propriétés, les sans-logis qui occupaient les terrains à bâtir, les pauvres des bidonvilles, s’étaient montrés capables de repousser, avec un armement rudimentaire, les bandes fascistes, ou même la police officielle appelée par la justice à la rescousse des propriétaires. Mais c’est au moment de la crise d’octobre 1972 que l’idée de l’autodéfense s’est propagée à grande échelle parmi les travailleurs. Des comités de vigilance se mettaient en place dans les usines occupées. Cependant le dénouement de la crise se soldait, entre autres, par l’entrée des militaires au gouvernement ; les partis de l’UP vantaient leur loyalisme et demandaient en conséquence aux travailleurs de renoncer à toute organisation paramilitaire qui pourrait être interprétée comme de la défiance envers l’armée.

Après le succès relatif de l’Unité populaire aux élections législatives de mars 1973, l’audace des travailleurs se renforce. À propos des problèmes de ravitaillement, auxquels l’UP n’apporte toujours pas de solution radicale pour ne pas précipiter l’affrontement avec la bourgeoisie, des ministères sont occupés, des quartiers bloqués, les transports paralysés. Parallèlement, les groupes fascistes multiplient leurs actions terroristes. On commence alors à parler beaucoup, dans la presse socialiste de gauche comme dans celle du Mir, de milices populaires. Pourtant, en dehors de quelques manifestations mémorables comme celle du 21 juin où les ouvriers défilèrent par centaines de milliers dans Santiago, casqués, avec le long bambou ou le lourd gourdin à la main, on n’entendit plus guère parler publiquement de ces fameuses milices.

Enfin, lors du coup d’État manqué du 29 juin, la riposte ouvrière fut massive et rapide. Deux heures après le soulèvement, les ouvriers fonçaient en camions, mais pratiquement sans armes, vers la Moneda. Pendant ce temps, dans les usines occupées, on fabriquait fébrilement des cocktails Molotov pour l’autodéfense. Au lieu d’encourager et de développer cet extraordinaire réflexe de classe, l’Unité populaire le noya dans l’amertume des compromis en juillet et en août. Allende brada la mobilisation populaire contre un misérable accord de collaboration de classes, contre l’ouverture hypothétique du « dialogue avec la Démocratie chrétienne », avec comme épilogue le « cabinet des commandants en chef. » mis en place le 9 août. Les militaires de retour au gouvernement, il ne fallait pas que les travailleurs les irritent en conservant leurs propres forces armées. Les ouvriers en étaient ainsi réduits à réclamer du gouvernement « une main ferme » contre les groupes fascistes qui multipliaient les attentats pendant que l’État-Major mettait lui fermement une dernière main à ses préparatifs putschistes. Cette politique aboutit à une telle démobilisation de la vigilance ouvrière, à un tel recul de l’autodéfense, qu’y compris les chauffeurs de bus refusent de rouler pour ne pas exposer plus longtemps en pure perte leurs vies et leurs machines aux attentats fascistes.

À plusieurs reprises, opiniâtrement, le prolétariat s’est levé et mobilisé pour la lutte, prêt à s’armer. Chaque fois, les dirigeants réformistes l’ont renvoyé à ses foyers en lui demandant de faire confiance aux lois et à l’armée de la bourgeoisie !

Ils ont ainsi offert aux militaires les conditions les plus favorables à une épreuve de force.

Et de le vouloir

« La voie pacifique est, nous le répétons, une voie révolutionnaire de masse. Comprise et appliquée de cette façon, elle n’a rien de réformiste (!) et n’écarte pas moins au contraire certaines formes de violence, n’excluant que la guerre civile ou l’insurrection armée. » C’est ce qu’écrivait Luis Corvalan secrétaire du PC chilien en 1963. Égal à lui-même, il déclarait encore en février dernier : « Nous sommes partisans de faire avancer le processus révolutionnaire dans le cadre de l’actuel état de droit sans que cela empêche de l’améliorer peu à peu. »

Corvalan n’illustre pas le crétinisme parlementaire dont parlait Lénine ! Il l’incarne !

Qu’Allende se soit suicidé ou qu’il ait été assassiné, la politique de l’Unité populaire équivalait à un véritable suicide. Face à la montée des périls, ses dirigeants ne sont pas restés passifs seulement, ils ont désarmé idéologiquement et matériellement le prolétariat.

C’est un crime.

Quant aux révolutionnaires les plus implantés, ceux du Mir, loin de présenter une alternative claire à l’Unité populaire, ils ont tergiversé, recourant à des formules creuses (« c’est à ses fruits que l’on reconnaîtra l’arbre »). Ce n’est que dans le numéro daté du 27 août de leur journal El Rebelde qu’était avancée pour la première fois comme perspective centrale la constitution d’une Armée révolutionnaire du peuple. Trop tard.

– IV –

De 1970 à 1973, le gouvernement et les partis de l’Unité populaire ont dû faire face à des pressions de plus en plus fortes sur leur gauche, qui ont pris souvent la dimension de véritables débordements. Ces débordements ont été souvent le fait de larges secteurs de la classe ouvrière prenant conscience, à l’épreuve des faits, des limites de l’Unité populaire. Mais les organisations révolutionnaires d’extrême gauche ont joué également un rôle décisif dans ces débordements, en particulier le Mir qui, s’il n’est pas la seule organisation d’extrême gauche, est de loin la plus importante en raison de son implantation. Les autres sont pour la plupart de petits noyaux qui n’ont pu avoir pendant ces trois années qu’un rôle et des responsabilités limités. Le Mir a donc été pendant cette période la seule force capable d’unifier l’extrême gauche et d’entreprendre la construction, face à l’Unité populaire, d’un pôle politique et organisationnel capable de rallier les courants qui, dans la classe ouvrière et au sein même des partis de l’Unité populaire, se dégageaient de l’emprise réformiste. Pourtant, il n’y a pas réussi ; il n’a pas pu apparaître comme une direction de rechange suffisante, au moment des derniers piétinements de l’Unité populaire. Cela veut-il dire qu’une alternative révolutionnaire était impossible ? Le putsch imparable ?

La lutte de classes est bien une lutte. L’issue des batailles n’est pas acquise d’avance. Les révolutionnaires doivent mettre toutes les chances de leur côté et choisir le moment propice. Or, sans prétendre qu’il existait une solution magique garantissant la victoire de la révolution, il est possible d’affirmer que l’orientation ambiguë, hésitante du Mir ne lui a pas permis de mettre le maximum de chances du côté de la révolution.

Le Mir a impulsé – ou encouragé lorsque son implantation était faible ou inexistante – de nombreuses occupations de terres, notamment celles des paysans mapuches dans le sud du pays. Ces occupations soit débordaient le cadre légal de la réforme agraire (limitée aux propriétés supérieures à 80 hectares), soit visaient à accélérer le processus même de la réforme, ralenti par l’effet conjugué des pressions des grands propriétaires et des lenteurs bureaucratiques de l’appareil administratif bourgeois.

Le Mir a soutenu et parfois organisé – son implantation ouvrière est récente – les occupations d’usines n’entrant pas dans la liste des nationalisations prévues. Récemment, il a joué un rôle important, conjointement aux autres forces de l’extrême gauche et aux militants des partis de l’Unité populaire dans l’organisation et la multiplication des cordons, ces structures embryonnaires de double pouvoir, dans les zones ouvrières et industrielles.

Mais, face à un régime d’Unité populaire prisonnier de la légalité bourgeoise, engluée dans la vieille machine d’État bourgeoise, il n’a pas fait de la centralisation des comités d’usine, des conseils, des cordons, la tâche centrale de l’heure. Il n’a pas opposé au « cabinet du dialogue » d’Allende la perspective d’un gouvernement ouvrier appuyé sur ces organes populaires. Il n’a pas opposé au « cabinet des commandants en chef » la généralisation des commandos communaux et la centralisation d’une milice ouvrière, la création d’une armée populaire, si ce n’est à une semaine du coup d’État.

Ces tergiversations sur les questions clefs de l’heure sont le prolongement d’une attitude floue du Mir à l’égard de l’UP bien qu’il n’ait cessé de dénoncer le piège réformiste.

Lors des élections de 1970, divisé et développant l’idée selon laquelle le socialisme ne sortirait pas des urnes et que par conséquent l’Unité populaire n’avait aucune chance, il ne donne aucune consigne de vote, même si ses militants votent pour la plupart Unité populaire.

Allende au gouvernement, il fera alors une autocritique de cette démarche sectaire et ultra-gauche, autocritique qui est loin d’être des plus claires : « nous soutenons que la victoire électorale de la gauche représente pour le peuple un pas immense sur le chemin de la conquête du pouvoir, qu’elle favorise objectivement le développement d’une voie révolutionnaire au Chili ».

Il participera au même moment à la défense de la victoire électorale de la gauche en fournissant certains de ses meilleurs militants pour la garde personnelle d’Allende et ce pendant près de deux ans.

Dénonciation confuse des dangers réformistes, empirisme des analyses, oscillations brusques de positions ultra-gauches à des positions opportunistes, telles seront les grandes faiblesses du Mir de 1970 à 1973, faiblesses que, paradoxalement, viendront souligner chaque jour davantage les progrès dans l’implantation et l’influence du Mir, progrès dus à sa capacité à apparaître comme l’organisation la plus conséquente et la plus efficace de l’extrême gauche. En ce sens, ces faiblesses sont bel et bien les faiblesses de la grande majorité de l’extrême gauche chilienne.

Ces faiblesses, ces silences du Mir peuvent être rapportés à une question fondamentale que le Mir n’a pas encore résolu : la compréhension de la nature du stalinisme en tant que phénomène international de dégénérescence du mouvement ouvrier. Cette incompréhension, le Mir la partage avec la direction cubaine qui a été et qui reste pour l’essentiel son pôle de référence international. Elle prend toute sa signification lorsqu’on considère les prises de position internationalistes du Mir.

S’il y a toujours une référence au caractère continental de la révolution latino-américaine, cette référence reste abstraite car elle ne débouche jamais sur un projet et une pratique internationalistes cohérents. Le refus du Mir d’organiser une manifestation à l’occasion de la visite du général Lanusse, alors chef de la junte militaire argentine, pour ne pas gêner la politique extérieure de l’Unité populaire, restera comme un symbole de cette tragique incohérence.

Au-delà du continent américain, si l’on excepte un soutien, marginal dans la vie de l’organisation, aux révolutionnaires vietnamiens, la plupart des problèmes cruciaux de l’heure sont passés sous silence : nature des États ouvriers, luttes de classes en Europe. La question d’une organisation internationale n’est même pas posée.

Or, le Mir, ses cadres, ses militants se sont trouvés quotidiennement confrontés à un PC important qui, lui, a bel et bien une stratégie internationale cohérente et qui était même un pion important de la stratégie internationale des dirigeants du PCUS. À l’époque de la crise internationale du stalinisme, de la maturation à l’échelle mondiale de nouvelles générations d’avant-garde, une stratégie révolutionnaire ne peut pas se développer dans un cadre étroitement national sans être gravement mutilée.

Sous prétexte de préserver son unité, le Mir refuse de reconnaître le droit de mener le débat en s’organisant en tendances à l’occasion des congrès. Cette sous-estimation de l’importance du débat politique l’amènera à repousser successivement la tenue d’un congrès. Le dernier remonte à 1967. Elle l’a aussi conduit à imposer par des méthodes administratives et sans consultation les décisions prises par l’appareil de l’organisation aux organisations considérées comme les instruments d’intervention au niveau des masses.

Loin d’être une preuve de force, cette limitation de la démocratie interne constitue une fuite devant les débats approfondis, nécessaires pour atteindre une indispensable cohésion idéologique et politique.

Élément dominant de l’extrême gauche chilienne, le Mir a joué un rôle contradictoire. Lié aux développements des luttes de masse, il a joué un rôle décisif dans l’accélération des processus de mobilisation et dans les débordements de l’Unité populaire qui en ont résulté.

Politiquement empirique et confus, il n’a pas favorisé la progression politique de l’avant-garde vers le marxisme révolutionnaire dans les conditions exceptionnelles du Chili de l’Unité populaire. Ceci explique en partie l’une des caractéristiques bien spécifiques de la situation chilienne de septembre 1973 : une avant-garde large extrêmement nombreuse, encore confuse et sans instrument politique cohérent et centralisé.

Ce manque a pesé lourd dans les trois mois qui ont précédé le coup d’État et qui ont vu une très grande mobilisation de la classe ouvrière.

● Ce qu’ont dit les réformistes

● Ce qu’ont dit les révolutionnaires

Les divergences d’analyses et d’interprétation sur le Chili et l’Unité populaire ne datent pas d’aujourd’hui. Pas à pas, jour après jour, deux orientations se sont affrontées : celle des réformistes et celle des révolutionnaires. On peut dès à présent en tirer un premier bilan comparé. Non pour en tirer des satisfactions d’amour-propre. Il est triste et parfois pénible d’avoir raison. C’est le cas aujourd’hui.

Mais l’analyse marxiste, la politique révolutionnaire consistent à prévoir et à agir en conséquence. La validité de cette analyse et de cette politique se vérifie par les faits. Et les faits ne pardonnent pas les erreurs. Nous le voyons aujourd’hui. Si nous tirons aussi vite ces premières leçons c’est pour aider, sans perdre de temps, le mouvement ouvrier à se prémunir contre les aveuglements criminels de ses directions réformistes.

Qui détient le pouvoir ?

« Le mouvement a gagné une partie appréciable du pouvoir, à travers un chemin qui n’est pas classique (c’est le moins qu’on puisse dire !). Nous devons transformer la légalité bourgeoise de l’intérieur (?!? !), avec l’appui des masses, de façon à construire une autre légalité, populaire. Dans cette situation, la lutte des classes est acharnée. La droite n’a pas hésité à employer l’assassinat politique pour le général Schneider ; elle n’hésitera pas à y recourir, si besoin est, dans le futur. Avancer dans la légalité, c’est comme marcher sur un abîme (nous aimons le lui entendre dire). Mais c’est notre plus grande force (voilà qui s’appelle manier le paradoxe). Ce n’est pas romantique, ce n’est pas héroïque. Mais la bourgeoisie veut nous mettre dans l’illégalité pour gagner l’appui de l’armée. C’est à nous de la mettre dans l’illégalité ». (Volodia Teitelboim, membre du BP du PC chilien, cité dans Nouvelle Critique, n° 147, les commentaires entre parenthèses sont de la rédaction).

« Une assemblée populaire authentiquement révolutionnaire concentre en elle la plénitude de la représentation du peuple. Par conséquent, elle assume tous les pouvoirs. Non seulement celui de délibérer, mais aussi celui de gouverner. En d’autres expériences historiques, elle aurait surgi comme un « contre pouvoir » face à un gouvernement institutionnel réactionnaire, sans base sociale et condamné à l’immobilisme. Penser à quelque chose de semblable au Chili, en ce moment, est non seulement absurde, mais relève aussi de l’irresponsabilité et d’une totale ignorance. Parce qu’actuellement au Chili, il y a un seul gouvernement, celui que je préside qui non seulement est légitimement constitué, mais qui encore, par sa définition et son contenu de classe, est un gouvernement au service des intérêts généraux des travailleurs » (Salvador Allende, Santiago le 7 août 1971, in L’Humanité du 8 août 1972).

« Toutes ces limitations, toutes ces contradictions de l’Unité populaire ont leur source au niveau de l’État, clé de voûte du système. L’Unité populaire est au gouvernement, elle n’est pas au pouvoir : l’appareil d’État, c’est-à-dire l’armée, la police, le Parlement, la bureaucratie, le système judiciaire (sans parler d’une partie des moyens d’information, presse, radio, TV) sont contrôlés par la classe dominante. « Respecter strictement la, légalité » ne peut signifier, dans ces conditions, que laisser le pouvoir aux mains de la bourgeoisie. L’Unité populaire est littéralement bloquée par son légalisme. Ce légalisme permet aux réactionnaires de saboter, neutraliser sa politique, et même de la paralyser par le chantage au coup d’État militaire « en défense de la constitution ».

Si l’Unité populaire ne plie pas son drapeau et ne capitule pas devant le diktat de la bourgeoisie, l’affrontement violent avec l’appareil d’État bourgeois et surtout avec les bandes armées du capital est inévitable. La bourgeoisie et l’impérialisme ne se laisseront pas exproprier sans réagir. Il faut donc dénoncer impitoyablement l’irresponsabilité criminelle de ceux qui véhiculent les illusions pacifistes. Comme par exemple Luis Corvalan, secrétaire général du PC chilien, qui affirmait dans une interview à L’Humanité (7 décembre 1971) : « Dans les cercles ultra-révolutionnaires, on affirme l’affrontement armé inéluctable, fatal… Au demeurant, tenir l’affrontement armé comme fatal implique – et certains le suggèrent – la formation immédiate de milices populaires armées. Dans la situation actuelle, cela équivaudrait à une marque de défiance envers l’armée. Or l’armée n’est pas imperméable aux vents nouveaux qui soufflent en Amérique latine et qui pénètrent dans tous. les recoins ».

[…] Croire que l’armée de l’État bourgeois va passer, comme institution, avec armes et bagages du côté du prolétariat, c’est croire à un miracle.

La seule voie pour la révolution socialiste au Chili est celle de la mobilisation des masses, la formation de comités d’usine, de comités de paysans, d’étudiants, de soldats et de sous-officiers, de comités de bidonville et de quartier, de brigades antifascistes, de milices d’autodéfense, de groupes d’avant-garde armés. La seule voie est l’organisation et la préparation des masses pour résister à toute tentative de coup d’État réactionnaire contre Allende, pour l’affrontement inévitable avec la bourgeoisie et ses bandes armées, fascistes ou « constitutionnelles ». C’est précisément ce à quoi se refusent les idéologues du passage « légal et pacifique » au socialisme dont le représentant le plus obstiné est le PC chilien ». (Ce que veut la Ligue Communiste, manifeste du comité central des 29 et 30 janvier 1972).

Voie électorale, voie révolutionnaire

« Au-delà des chiffres bruts, il y a plus important encore. Désormais, plus de 4 Chiliens sur 10 votent pour l’Unité populaire. Celle-ci n’a donc qu’un peu plus d’un demi-électeur à gagner d’ici à 1976 pour devenir électoralement majoritaire et faire élire son candidat aux prochaines élections.

Mais ce qu’il faut bien voir, encore une fois, c’est que, comme nous l’avons déjà dit, le rapport électoral de forces n’est pas l’exact reflet du rapport réel de forces, dans un pays et dans un moment où l’essentiel ne se situe plus au niveau électoral mais au niveau des masses. Sur les
cinq électeurs et demi qui votent encore pour l’opposition et en particulier pour la démocratie-chrétienne, qui n’ont pas encore osé faire le geste révolutionnaire qui consisterait à voter pour l’Unité populaire, beaucoup ne sont pas pour autant des adversaires de l’UP, des ennemis de sa politique anti-impérialiste, antioligarchique et de transition au socialisme.

Ce sont simplement des timides, des gens qui sont encore trompés par l’idéologie dominante, c’est-à-dire celle des classes hier dominantes, aujourd’hui déplacées de leurs principaux centres de pouvoir, mais dont l’influence se prolonge et demeure considérable au plan idéologique ; et cela d’autant plus qu’outre que ce phénomène est normal (et confirmé par l’expérience de tous les pays déjà passés au socialisme), il est encore accentué au Chili par le fait que la bourgeoisie a massivement reporté ce qui lui reste de puissance (et qui est encore considérable) sur les superstructures […].

Au niveau parlementaire, la marge de manœuvres de l’opposition se trouvera désormais sensiblement réduite.

Dans ces conditions, il n’est pas exclu que la droite la plus réactionnaire et fascisante, les hommes liges de l’impérialisme tentent une, nouvelle épreuve de force et se lancent, sous une forme ou sous une autre, dans un nouvel « octobre ». On peut affirmer maintenant, pratiquement sans risque de se tromper, que, s’ils sont assez fous pour cela, ils échoueront, et que leur tentative n’aura d’autre effet que de modifier une fois de plus quantitativement et qualitativement le rapport des forces en faveur de l’Unité populaire du Chili et de son peuple ». (Jean-Pierre Febrer, « Succès considérable de l’Unité populaire », in France nouvelle, 13-19 mars 1973, n° 1426, souligné dans l’original).

« Au lieu d’épuiser les travailleurs dans une bataille de la production qui ne vise guère qu’à racheter leurs chaînes, un gouvernement ouvrier véritable se serait hardiment engagé dans l’expropriation sans indemnité ni rachat des grandes entreprises. Au lieu de subir l’étranglement commercial et financier de l’impérialisme, il aurait refusé de reconnaître les dettes contractées par une bourgeoisie banqueroutière et aurait instauré le monopole du commerce extérieur.

Au lieu de s’empêtrer dans les mailles de la légalité et des institutions bourgeoises, il aurait épuré l’administration et encouragé la naissance et le développement d’organes de pouvoir populaire à partir des entreprises, des villages et des quartiers. Au lieu de confier le maintien de l’ordre à une armée bourgeoise, il aurait encouragé l’auto-organisation des soldats favorables au régime et surtout favorisé la constitution et l’armement de milices populaires sur la base des entreprises, Ides villages et des quartiers.

« Pourquoi une fraction de la droite s’est-elle subitement engagée dans le crescendo de la violence ?

Ainsi que l’a révélé le président Allende dans son discours du 1er mai, la Sofofa (organisme patronal le plus représentatif de la bourgeoisie industrielle), dans un document confidentiel produit juste avant les élections nationales des 3 et 4 mars derniers, déclarait qu’il ne resterait pas d’autre solution que la force pour renverser le gouvernement Allende si les partis de la coalition bourgeoise ne remportaient pas les deux tiers des sièges du Parlement (la majorité des deux tiers est requise au Chili pour « se débarrasser » constitutionnellement du président de la République).

Or, comme on le sait, les élections n’ont pas apporté aux partis bourgeois les résultats qu’ils en attendaient puisque, au lieu d’avancer vers cette majorité des deux tiers qu’ils espéraient, ils ont perdu 9 des 129 sièges qu’ils détenaient auparavant, remportant moins de 55 % des voix et 58,5 % des sièges des deux chambres réunies […].

La bourgeoisie, malgré ses chants de victoire au lendemain des élections, est de plus en plus consciente qu’il lui sera extrêmement difficile de se débarrasser légalement du gouvernement d’Unité populaire. Ainsi, le sénateur Rafaël Moreno (Parti national) déclarait début mars : « nous ne craignons ni l’affrontement ni la guerre civile. Nous ne sommes pas des lâches et nous sommes prêts à assumer les conséquences. Nous engageons maintenant une lutte sans merci ».

Si une fraction importante de la bourgeoisie chilienne, représentée par la majorité de la Démocratie chrétienne, a longtemps préconisé une certaine patience, comptant venir à bout du gouvernement d’Unité populaire par des moyens essentiellement légaux, une autre fraction (la droite de la Démocratie chrétienne et le Parti national, appuyés par l’extrême droite activiste) adhère parfaitement à la stratégie résumée par le document de la Sofofa et le sénateur Moreno » (Rouge, n° 207, 1er juin 1973)

L’armée loyale ?

« Tout en restant la même, sans devenir du jour au lendemain armée populaire, peuple en armes, elle cesse cependant d’être l’instrument répressif privilégié et exclusif de la bourgeoisie dominante pour tendre à devenir l’instrument de la réelle volonté nationale.

Dans ces conditions, quoi d’étonnant à ce que l’armée participe à un gouvernement populaire incarnant la volonté et les aspirations de l’écrasante majorité de la nation, au même titre que cet autre instrument de la volonté nationale qu’est la Centrale unique des travailleurs, dont les dirigeants entrent au gouvernement en même temps que les dirigeants de l’armée ? Il y a là un parallélisme qui mérite réflexion et qui va bien au-delà d’un souci tactique d’équilibre ».
(Jean Pierre Febrer, « La crise d’octobre et ses enseignements », in Nouvelle Critique,
janvier 1973, n° 60).

[…] Cette tradition est très différente de celle des autres pays d’Amérique latine. Ici, le coup d’État n’est pas dans les mœurs. Les problèmes sont posés sur le plan politique. Contrairement à ce qui s’est passé maintes fois dans les pays voisins, jamais l’armée ne s’est emparée du pouvoir. S’il a existé au sein de cette dernière (le cas s’est produit encore récemment) des officiers prêts à un putsch, les officiers en question ont été rapidement isolés. L’armée n’intervient pas dans la vie politique, telle est la règle.

Ce qui existe au Chili, depuis longtemps, c’est donc une démocratie de type occidental où la lutte se situe sur le plan politique et où les problèmes ne sont pas réglés par des putschs militaires.

[…] Les grandes institutions, ce qu’on appelle les « grands corps de l’État », l’armée, la police, la justice, les rouages des finances, etc., vont être démocratisées. Les écoles d’officiers, par exemple, seront de plus en plus accessibles aux enfants des travailleurs et le rôle de l’armée transformé : d’instrument au service de la classe dominante, celle-ci va passer au service véritable de la défense de l’indépendance du pays.

[…] Voilà donc, en fin de compte, la grande raison pour laquelle le Chili, aussi lointain soit-il, nous est cependant si proche. Certes, à bien des égards, ce pays est très différent du nôtre. Mais comment ne pas voir dans les événements qui s’y déroulent une illustration des idées de la CGT sur la possibilité pour la Gauche unie, avec le soutien de la classe ouvrière et du peuple, de remporter la victoire dans les conditions de la France ? Pour les travailleurs et les syndicats de notre pays, voilà une importante matière à réflexion » (La Vie ouvrière, hebdomadaire de la CGT, 24 février 1971).

« Les intérêts du processus révolutionnaire ne sont pas antagoniques avec l’existence dans notre pays de forces armées professionnelles qui agissent sur la base de la constitution » (Manifeste du comité central du Parti communiste chilien, 12 août 1973, publié dans le quotidien du PC El Siglo).

« Mais l’armée ne peut pas rester insensible, elle non plus, à cet immense élan qui soulève le pays. Dans une certaine mesure, déjà, le gouvernement populaire se révèle pour de nombreux chefs militaires comme celui de la dignité recouvrée, de la véritable indépendance d’une nation qui a été colonisée, bafouée, non seulement par les puissances d’État impérialistes, mais encore par le « gringo » yankee, par ses cadres subalternes d’ITT ou de Braden qui avaient pratiquement pouvoir de consul des États-Unis » (L’Humanité du 8 septembre 1973).

« Miser sur les traditions démocratiques de l’armée chilienne, c’est encore oublier tragiquement, qu’une telle armée bourgeoise (il faut le dire et le répéter, car elle ne saurait être neutre socialement !) ne peut rester en dehors de la lutte de classes. Si le conflit s’aiguise entre les classes, elle devra choisir son camp. Non entre la légalité et l’illégalité, mais entre la bourgeoisie et le prolétariat. Si elle s’engage à rester fidèle à la loi, elle choisit déjà puisque cette loi, personne ne doit l’oublier, reste la loi des patrons, la loi de la bourgeoisie. Au mieux, peut-on espérer que l’armée ne basculera pas en son entier au côté de la bourgeoisie qui l’a nourrie et formée, peut-on espérer qu’elle sera divisée. Mais il ne suffit pas de l’espoir. Il faut y œuvrer. En y travaillant en son sein, en y développant les idées révolutionnaires. Il ne suffit pas de convaincre quelques têtes galonnées de l’état-major, de les amadouer en multipliant les concessions, comme le fait l’Unité populaire. Il faut travailler à la base de l’armée.

Au lieu de cela, comme pour conjurer le sort, le PC chilien se prosterne lamentablement devant cette armée de sabreurs de demain ; devant les Gallifet, les Suharto, les Papadopoulos, les Banzer chiliens qui attendent leur heure. Au lieu de se montrer résolu à la lutte, de s’acquitter de ses tâches d’antimilitarisme révolutionnaire, l’organe du PC Puro Chile, publie à l’occasion de la fête nationale une photo du corps de bérets noirs (corps anti-subversif dont les officiers sont entraînés à Panama) avec la légende effarante que voici : « Leur aspect martial et leur étrangeté leur ont attiré les faveurs de la foule » ! ! ! » (Chili : le socialisme sans la révolution ?, opus cit., p. 16-17).

« […] On met en valeur les déclarations patriotiques, « constitutionnalistes » des officiers supérieurs. Les staliniens et Allende ne se sont pas privés, dès avant la victoire de l’UP et encore plus après, de souligner le caractère « exceptionnel » de « nos forces armées » ; et même de chanter leurs louanges de la façon la plus bassement flatteuse. Dans une toute récente interview à L’Humanité, l’ambassadeur (communiste !) du Chili en France, Pablo Neruda, à propos de la fête nationale le 18 octobre, affirme doctement : « Notre armée, nous l’aimons. C’est le peuple en uniforme. »

Ce que l’on ne dit pas, c’est qu’en dehors de quelques guerres étrangères honteuses (vol des provinces côtières de la Bolivie), menées pour le compte de l’impérialisme anglais, la tradition de l’armée chilienne, ce sont les massacres d’ouvriers, de paysans révoltés, de mineurs, qui jalonnent l’histoire jusqu’à aujourd’hui : d’Iquique en 1907 (2 000 morts, l’acte de naissance du mouvement ouvrier) à la Hermida en 1972, en passant par Puerto Mont en 1968, des répressions féroces en 1921, 1922, 1925, 1932…

Ce que l’on ne dit pas, c’est que l’armée et la police sont façonnées et armées par les États-Unis. Entre 1960 et 1966, le Chili a reçu 23 millions de dollars en aide et matériel militaire de surplus, ce qui le place au deuxième rang en Amérique Latine… après le Brésil ! L’aide aux carabiniers en 1970 (puissante police paramilitaire de 25 000 hommes) mettait le Chili juste derrière l’Argentine et le Brésil en ce qui concerne l’aide US aux polices du continent ! Le général « martyr » Schneider, prédécesseur de Prats, et de même orientation politique, ne prévoyait-il pas que tout officier devait faire un stage d’un mois à la célèbre « école des Amériques » de contre-guérilla à Panama ?

On comprend l’insistance de Prats à maintenir la mission militaire US au Chili ; à mener, année après année, les manœuvres combinées avec l’aéronavale US (opérations Unitas). Ces gens-là ne laissent rien au hasard. N’ont-ils pas défini clairement leurs tâches « défendre la Constitution et le bloc occidental » ? (Une armée au service du peuple ?, in Rouge, n° 179, 11 novembre 172).

La ligne politique

« C’est le résultat des difficultés économiques, d’une formidable pression idéologique de la droite qui possède les grands journaux du Chili et les deux tiers des émetteurs de radio, mais aussi, pour une part de certaines erreurs qui ont été commises dans la mise en œuvre de la juste politique de l’Unité populaire.

Voici quelques exemples :

– Certaines théories économiques, qui mettaient l’accent sur la destruction des structures anciennes et sous-estimaient les tâches pressantes du développement de la production et de la productivité n’ont pas combattues pendant un temps avec la vigueur indispensable.

– L’occupation des entreprises
par les travailleurs, comme juste
mesure de défense politique à
tel moment où la contre-révolution passait à l’attaque, s’est
transformée dans certains cas en
prise de possession d’entreprises
nullement concernées par le programme des nationalisations.

– La politique des salaires a
parfois négligé les intérêts légitimes des ingénieurs et des techniciens.

– La phraséologie gauchiste
 de différentes formations, dont 
le Mir est la plus connue, a
 étayé des positions irresponsables
 et aventuristes ; c’est le cas de la consigne gauchiste de désobéissance lancée aux soldats qui a facilité les tentatives des officiers favorables au coup d’État ; c’est le cas du mot d’ordre gauchiste de commandement exclusif des travailleurs dans toutes les usines, tendant à dresser les ingénieurs et cadres contre la classe ouvrière.

[…] Il (le Parti communiste chilien) se prononce pour le maintien et le respect de la doctrine professionnelle des forces armées. Il agit pour le renforcement de l’Union avec le Parti socialiste et plus généralement l’Unité populaire. (Fajon, L’Humanité du 1er septembre 1973)

– « La question ne s’est pas posée dans l’immédiat, sauf de la part des gauchistes du Mir, par exemple, de l’armement de milices populaires contre d’éventuelles violences réactionnaires. Le mouvement des masses est assez puissant pour empêcher toute tentative factieuse, et les travailleurs de la CUT et des comités d’UP assez vigilants et expérimentés pour y parer victorieusement » (Chili de l’Unité populaire, A. Acquaviva, G. Fournial, P. Gilhodès, J. Marcelin, Éditions sociales, 1971).

« À partir du moment où l’Unité populaire prétend battre le capitalisme sur son propre terrain et avec ses propres armes, il n’est pas étonnant de voir apparaître au premier plan la bataille de la production.

L’Unité populaire se propose ni plus ni moins que de racheter le capital. C’est à peu près aussi absurde que si un esclave prétendait, économiser sur sa ration alimentaire quotidienne pour racheter le fouet du maître qui l’opprime !

Il s’agit, comme on dit, de faire rôtir le « mouton sans qu’il s’en aperçoive : (d’administrer la preuve de la supériorité du secteur public sur le secteur privé, de grignoter petit à petit le secteur privé.

Mais, comme cela se passe dans le cadre de la légalité bourgeoise, et notamment du respect de la propriété privé des moyens de production qui en constitue l’un des piliers, bon nombre des
150 nationalisations auxquelles il a été procédé le furent avec rachat ou indemnisation. Dans ces conditions, lorsqu’on demande aux travailleurs de produire d’abord, on devrait ajouter : produire pour racheter, produire pour indemniser !

Et pour racheter quoi ? Indemniser qui ? Pour racheter des richesses qu’ils ont produites déjà de leur travail et de leur sueur et dont l’exploitation capitaliste les a dépossédés : c’est une façon de racheter ce qui leur a été volé et de travailler double pour le même résultat. Indemniser les exploiteurs d’hier qui pourront aller investir, ailleurs, dans des secteurs plus rentables où ils continueront à exploiter la classe ouvrière ; quand encore ils n’utiliseront pas une part de l’indemnisation pour entretenir des milices privées et des troupes mercenaires !

Les travailleurs travaillent dur. Mais ils ne travaillent pas pour eux-mêmes : telle est la principale source de leur démobilisation et de leur désaffection prévisible à l’égard du régime. Comme ils produisent d’abord pour indemniser, le niveau de la consommation ne peut que se maintenir ou progresser lentement. Les derniers temps, il s’est même dégradé du fait de l’inflation qui fait grimper les prix plus vite que les salaires. Du fait surtout du sabotage de la bourgeoisie qui stocke les produits pour affamer les masses, qui développe le marché noir, qui désorganise la distribution ainsi que l’a illustré l’exemple spectaculaire de la grève des camionneurs et des commerçants » (Chili : le socialisme sans la révolution ?, opus cit., p. 9-10).

Face à chaque choix, l’Unité populaire a opté pour le maintien dans la légalité bourgeoise. Elle a ainsi affaibli ou tranché les liens qui la rattachaient à la mobilisation des travailleurs. Son régime devient ainsi de plus en plus vulnérable aux manœuvres et aux coups de la bourgeoisie, au point qu’on peut commencer à se demander quand et comment la bourgeoisie essaiera de s’en débarrasser, et si nous connaîtrons une tragédie du prolétariat chilien » (Chili : le socialisme sans la révolution ?, document Rouge, n° 21, 5 janvier 1973).

« Tout est là ! Fajon dénonçait
les partisans d’un « coup de Djakarta », mais quelles leçons a-t-il
tirées lui-même du massacre des
communistes indonésiens ? Toute
son attaque anti-gauchiste va
dans le même sens : amadouer
les couches moyennes, les cadres,
les officiers. Sur tous ces gens-là, il propose d’accrocher un
écriteau : « fragile ! à ménager !
à ne pas bousculer ! ». Comme
si les gestes conciliateurs suffisaient à abolir le caractère de classe de l’armée, à annuler les
complots d’une bourgeoisie qui
défend avec acharnement ses intérêts. Vaut-il mieux miser sur la
loyauté hypothétique d’une poignée d’officiers ou commencer à
organiser les soldats du contingent, à regrouper ces fils d’ouvriers et de paysans sous l’uniforme qui seront capables, le
jour venu, de faire échec aux
états-majors putschistes ? Vaut-il
mieux marchander la neutralité
de cadres ou d’ingénieurs ou
convaincre les milliers et les milliers de travailleurs que le combat engagé est bien le leur,
qu’ils représentent une société et
un pouvoir nouveaux, que les
hésitants doivent choisir leur
camp ? S’ils sentent qu’ils luttent et travaillent pour leur
compte, les travailleurs pèseront
dans la situation infiniment plus
lourd que ceux dont Fajon propose d’acheter la neutralité ou le
soutien électoral » (Rouge
n° 218, 7 septembre 1973).

« Réformiste, révisionniste, le
PC chilien l’est. Non pas honteusement et discrètement, mais résolument et glorieusement. Il
ne se contente pas d’additionner
les capitulations réformistes, il les théorise. Il ne contente pas de théoriser en prenant prétexte des spécificités chiliennes, il vient exposer ses trouvailles à la tribune de la conférence internationale des partis communistes tenue à Moscou en juin 1969.

Corvalan y déclare :

« En ce qui nous concerne, nous avons, depuis un certain temps, cessé de parler des voies pacifiques ou non pacifiques pour poser, le problème en termes de voie armée ou voie non armée » (Chili, les communistes dans la marche au socialisme, Éditions sociales, p. 263).

C’est un comble ! Même les réformistes staliniens les plus avérés montraient certaines précautions, si ce n’est certaines pudeurs, envers les classiques.

Ils empruntaient à Lénine quelques citations tirées du contexte de juin 1917 sur les possibilités de passage pacifique ou peu sanglant au socialisme, pour les généraliser à notre époque, sans tenir compte de la mobilisation, de l’auto-organisation, de l’armement déjà réalisés du prolétariat russe au printemps 1917. Mais ils gardaient ouverte, pour ne pas être pris en défaut, l’hypothèse d’une voie non pacifique. Et même, la plus grande probabilité accordée au passage pacifique n’excluait pas a priori la nécessité d’armer le prolétariat. Du moins, la question restait dans le vague.

Corvalan, lui, lève toute ambiguïté. Car parler de voie non armée, c’est exclure la possibilité d’une voie non pacifique, violente. Parler de voie non armée, ce n’est pas neutre, c’est désarmer le prolétariat du « désir de s’armer » dont parle Lénine, c’est le désarmer tout court. C’est mâcher la besogne des bourreaux » (Chili : le socialisme sans la révolution ?, opus cit., p. 22).

Les perspectives

« Éviter a guerre civile demeure la tâche principale de tous les Chiliens, partisans ou non du gouvernement, mais d’accord pour maintenir la lutte des classes, quelle que soit son acuité, sur le terrain sur lequel elle s’est déroulée jusqu’ici…

C’est la tâche des tâches. Unir l’immense majorité des Chiliens, rassembler les volontés patriotiques pour dresser un mur infranchissable face aux déments qui recherchent la guerre civile dans l’espoir de recouvrer leurs privilèges de caste parasitaire et d’instaurer une dictature fasciste […] » (Luis Corvalan, au lendemain du coup d’État du 29 juin 1973, in L’Humanité
du 10 août 1973).

« […] Il y a à peine huit jours, le pays a été ébranlé par une tentative de coup d’État […] le soulèvement fut rapidement mis au pas grâce à l’action décidée et correcte du commandement en chef de l’armée, grâce à la loyauté des forces armées, à la loyauté des services de renseignements […] » (Luis Corvalan, après le 29 juin).

« Il existe au sein de l’opposition conservatrice des groupes qui cherchent le moyen de provoquer un affrontement et de renverser le gouvernement, l’ont déjà tenté et le tenteront encore, mais ils ne réussiront pas […]. Seule une minorité peut se laisser tenter par le coup d’État. L’autre secteur de l’opposition use de ses droits et nous les respectons ». (Allende, 11 août).

« Les forces armées chiliennes ne se prêteront pas à une intervention déshonorante contre le pouvoir civil » (Allende, décembre 1972).

« Nous éviterons la guerre civile » (Allende, septembre 1973).

« […] Jamais l’unité entre le peuple, les forces armées et les carabiniers n’a été aussi grande qu’aujourd’hui… et cette unité ira se renforçant à chaque nouvelle bataille de la guerre historique que nous menons […] » (Carlos Altamirano, secrétaire général du PS) [membre de phrase manquant NDLE] leur opinion (des communistes chiliens), la vigueur de la lutte populaire rend plus difficile les tentatives de coup d’État. Dans l’hypothèse où ces tentatives se concrétiseraient, ils estiment que la lutte, loin de s’affaiblir, se développerait contre les factieux dans des conditions difficiles mais avec des possibilités réelles de succès. » (Fajon, L’Humanité du
1er septembre 1993).

« La situation chilienne rappelle celle de l’Espagne avant le déclenchement de la guerre civile en 1936. Elle sent les préparatifs d’affrontement entre les classes.

Ou bien la bourgeoisie l’emporte à court terme par les voies électorales face à un prolétariat démobilisé. Ou bien la confrontation violente devient inévitable.

L’évolution de la situation au
Chili constitue certes un facteur
de clarification politique. L’exemple que l’on citait, il y a quelques mois pour renforcer les perspectives de victoire électorale de
la gauche et mettre en valeur les
voies pacifiques de passage au
socialisme, est un exemple à
double tranchant : il va jouer
maintenant contre ceux qui l’ont
utilisé les premiers.

Mais il serait puéril de notre part de nous en réjouir. Certes, la clarification politique est importante. Malheureusement elle risque de se faire sur le dos des masses chiliennes.

La lutte est encore ouverte et le temps presse. Une défaite politique, et à plus forte raison une défaite militaire du prolétariat chilien pèserait très lourd sur l’avenir de la révolution à l’échelle de l’Amérique latine. Elle serait un coup porté à la montée actuelle de la révolution mondiale.

Tel est l’enjeu réel.

C’est pourquoi, tout en tirant pas à pas les leçons de l’expérience chilienne, nous devons nous préparer aux tâches de solidarité internationale, qui nous incomberont immanquablement à l’égard du prolétariat chilien.

Nous devons tout faire au Chili et dans le monde, pour que l’expérience chilienne tourne à la déroute de la bourgeoisie et du réformisme, et ne se solde pas par une nouvelle défaite sanglante du prolétariat chilien, semblable à celle qu’a connu, en août 1971, le prolétariat voisin de Bolivie » (Chili : le socialisme sans la révolution ?, opus cit., p. 25).

« En bon réformiste Allende a une peur bleue de la guerre civile. Surtout, il croit qu’il peut l’éviter par des ronds de jambe institutionnels. Il se trompe lourdement encore une fois. Si ce ne sont pas les masses populaires qui engagent la bataille, la bourgeoisie s’en chargera, mais au moment voulu par elle ! La crise chilienne prouve la vanité des « voies de passage pacifique au socialisme ». La bourgeoisie ne se laissera jamais déposséder petit à petit sans broncher : il faudra passer par l’écrasement ; violent de ses institutions, de ses corps de répression, de son pouvoir. Les mois, les semaines à venir, sont cruciaux. Ce n’est pas l’avenir du gouvernement d’Union populaire qui est en jeu mais bien l’existence politique de la classe ouvrière chilienne. Les inscriptions de « Patrie et Liberté » il y a quelques semaines étaient explicites : « opération Djakarta » (Rouge n° 216, 24 août 1973).

« L’équilibre actuel n’est que relatif. La bourgeoisie, surtout du point de vue militaire, est plus forte que la classe ouvrière et ses alliés, d’autant plus que la poussée des masses se fait empiriquement, sans direction révolutionnaire. C’est pourquoi l’initiative viendra de la bourgeoisie. C’est un coup de force de la droite qui déclenchera la guerre. Le moment où cela se produira et la réaction immédiate de la gauche seront décisifs. Si, dans un premier temps, la résistance reste limitée à la gauche révolutionnaire, à l’aile gauche de l’Unité populaire, il y aura défaite militaire et la lutte tendra à se poursuivre de façon irrégulière, probablement sous la forme de guérilla. Mais si, ce qui paraît le plus probable, outre ces secteurs, la droite de l’Unité populaire et avec elle une partie de l’armée bourgeoise se mobilisent, alors s’ouvrira un processus de guerre civile » (Rouge n° 217, 1er septembre 1973).

Brochure rédigée au lendemain du coup d’État, supplément à
Rouge n° 220
www.danielbensaid.org

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