La première édition par la Fondation Léon Lesoil de cette Introduction au marxisme date de 1974. La date n’est pas sans importance. Après le « choc pétrolier » de 1973, Ernest Mandel a sans doute été l’un des premiers à diagnostiquer l’épuisement des « trente glorieuses » et à pronostiquer le retournement de l’onde longue de croissance consécutive à la guerre mondiale1. Les débats au sein de la gauche et du mouvement ouvrier européens n’en demeuraient pas moins marqués par l’illusion d’un progrès illimité garanti par un compromis keynésien et un « État Providence ». Cette vision optimiste du développement historique nourrissait dans la gauche parlementaire et dans les appareils syndicaux l’espoir d’un socialisme à pas de tortue, respectueux des institutions existantes en attendant que la majorité politique finisse par rejoindre la majorité sociale, dans des pays où – comme l’avait illustré en Mai 68 la plus grande grève générale de l’histoire – le travail salarié représentait pour la première fois plus des deux tiers de la population active. L’Introduction de Mandel n’est donc pas un texte hors du temps. S’il vaut encore aujourd’hui par ses qualités pédagogiques dans la présentation de la genèse du capitalisme, du fonctionnement de l’économie, des crises cycliques, du développement inégal et combiné, etc., il n’en a pas moins une dimension polémique, dont certains enjeux essentiels ont été amplement confirmés par les trente années écoulées depuis sa rédaction :
Documents joints
- Ernest Mandel, La Crise, Paris, Champs Flammarion, 1978.
- La citation de Mandel rejoint dans une certaine mesure le critère de scientificité théorique retenu par Popper, celui de la réfutabilité (ou de « falsifiabilité » : une théorie ne peut être dite scientifique que si elle s’expose aux démentis (réfutations) de la pratique. C’est pourquoi, la théorie de Marx comme celle de Freud, qui survivent aux démentis de leurs pronostics ou à leurs échecs thérapeutiques, ne sauraient prétendre à un quelconque titre de scientificité. L’argument repose sur une série de présupposés discutables, concernant aussi bien le rapport entre sciences sociales et sciences exactes, que les différentes formes de causalité.