David Gygax : A l’heure de la lutte des salariés français pour les retraites et du sommet du G8, également en France, comment faire le lien entre le mouvement syndical et le mouvement altermondialiste ?
Daniel Bensaïd : Il faut mettre en perspective historique le mouvement altermondialiste. Ce mouvement est jeune, il n’a que cinq ans. Pourtant, malgré cette jeunesse, il n’a cessé d’avancer, de se développer, principalement dans deux directions. D’abord, il s’est étendu géographiquement avec, par exemple, la multiplication des forums sociaux nationaux ou régionaux. D’autre part, il s’est aussi étendu socialement, en intégrant de plus en plus d’organisations, de mouvements, d’associations ou de courants politiques. Cela dit, son enracinement doit être renforcé. Dans ce cadre, l’absence des syndicats est une marque de faiblesse du mouvement. Les syndicats restent le principal mouvement social. Un enracinement des organisations de salariés dans le mouvement permettrait de combler cette faiblesse d’un cercle restreint de militants qui s’agitent et qui vont de contre-sommet en forum social. Le mouvement altermondialiste, dans toute sa diversité, doit intégrer les syndicats pour renforcer son enracinement social. De même, il continuera à avancer s’il permet à toutes les tendances qui y participent de débattre de leurs positions et d’afficher leur diversité.
D.G. : Mais n’y a-t-il pas une différence entre la perception des salariés ou des militants syndicaux sur leur lieu de travail et les militants altermondialistes dans les forums sociaux ? « L’esprit de Porto Alegre » n’est pas forcément présent dans les ateliers ou les bureaux…