L’avenir s’invente aujourd’hui

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Un mouvement gréviste tenace, des manifestations monstres, un large soutien dans l’opinion : c’est plus qu’une grève, c’est un véritable soulèvement de la France qui travaille et produit, qui soigne et instruit, dont les politologues pressés annonçaient la dissolution dans la masse grise d’un individualisme sans rivage. Les pendules sont remises à l’heure. La lutte des classes continue et l’action collective n’a pas disparu.

Lorsque le voile de la routine est soudain déchiré, lorsqu’est brisé le carcan du travail qui empêche de penser, lorsqu’est conjuré le sortilège de la marchandise, on apprend et on comprend plus vite en quelques semaines que pendant de longues années de résignation. On se parle, on s’entraide, on découvre en autrui un autre soi-même. On entrevoit la possibilité d’une autre vie. Ce goût de libération ne s’oublie pas facilement.

L’irruption populaire a commencé sur fond d’exaspération, d’avoir trop subi en attendant des lendemains promis, aussi inaccessibles que la ligne d’horizon. On avait voulu croire en un progrès automatique et irréversible et l’on découvre, pour la première fois depuis un demi-siècle, que la nouvelle génération vivra probablement plus mal que les précédentes. Le refus de cet avenir qui n’en est plus un est parfaitement légitime, il est vite apparu que les grévistes se battaient pour tous, que leurs aspirations mettaient à l’ordre du jour un choix fondamental de société, que leur combat ressuscitait l’espérance.

Les clichés sur « la faillite des élites » rendent mal compte du divorce entre un microcosme politico-médiatique pourri de ses propres mythes et une société lacérée par le culte inhumain de la concurrence. À droite, les groupes dirigeants n’ont cessé d’osciller entre la tentation libérale et celle du repli sur une « grandeur française » révolue ; pour que la France continue à « tenir son rang », ils ont misé sur le nucléaire et l’industrie d’armement. À gauche, les gouvernements successifs se sont rapidement décolorés pour sombrer dans le culte du franc fort ; les dirigeants socialistes savent pertinemment que, après douze ans d’exercice du pouvoir de leur part, le « retard des réformes » est le prix de ce libéralisme tempéré.

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