2. Attentat contre la propriété
« La quantification judiciaire se présente comme un système d’équivalence et de proportion entre les délits et les peines. Dans un attentat contre la propriété, la mesure de la peine exprime la mesure sociale “intelligible et communicable” de la propriété.
En confiant au garde forestier, “au service du propriétaire de forêt et payé par lui”, l’évaluation du dommage, en garantissant “l’inamovibilité du garde dénonciateur”, et en contraignant le justiciable à une amende ou à un travail forcé dû au propriétaire, la proposition de loi se révèle incapable de “s’élever au point de vue de l’État”. Elle s’abaisse au contraire “aux moyens de la propriété privée contraires à la raison et au droit”. La logique qui “fait de l’employé du propriétaire de forêts une autorité publique” et “transforme les autorités publiques en employés des propriétaires de forêts”, cette confusion du public et du privé, du gendarme seigneurial et du juge civil, perpétue la “juridiction seigneuriale” au détriment de l’État de droit rationnel1 », p. 19-20.
6. Collusion du pouvoir et de la propriété
« En 1649, la radicalisation du processus révolutionnaire aboutit à ce que les Niveleurs fassent de l’ancien droit des pauvres et du rétablissement des terres communales au bénéfice des pauvres une question centrale. Le réquisitoire contre le “Tyranipocrite démasqué”, daté du 14 août, met directement en cause la collusion du pouvoir et de la propriété », p. 35.
18. État et propriété
• « Dans ses articles sur le vol du bois et sur la situation des vignerons mosellans, la question de la propriété est avant tout révélatrice des contradictions à l’œuvre dans le rapport entre la société civile et l’État. Mais Marx les aborde encore d’un point de vue rationaliste libéral. Dans des termes hégéliens, il souligne derrière la question du droit les incohérences de l’État moderne qui ruinent sa prétention à une rationalité universelle. »
• « Ce démenti pratique aux prétentions de l’État moderne se vérifie dans l’inversion de son rapport supposé avec la société civile. À travers une législation comme celle sur le vol du bois, les autorités publiques se mettent au service de l’intérêt privé au lieu d’incarner face à lui l’intérêt général », p. 39.
20. Hobbes, l’État et la propriété
« En réponse à cette grande secousse révolutionnaire, Hobbes s’est efforcé de mettre la propriété privée hors de portée de ses détracteurs au nom du droit naturel égalitaire, forme sécularisée de l’égalité des créatures devant Dieu. Pour lui, la propriété est une institution fondée et garantie par l’État », p. 36-37.
26. Libre disposition de la propriété privée
« La société civile rhénane avait hérité de la Révolution et de la présence française une réforme juridique centrée sur la libre disposition de la propriété privée et l’égalité abstraite des sujets de droit, en rupture avec les traditions féodales du droit germanique. Une société civile moderne avait ainsi commencé à émerger en conflit avec l’État prussien », p. 7.
31. Peine publique, compensation privée
« Cette réduction de l’État à une somme de rapports contractuels privés se manifeste de manière criante, pour Marx, dans le système des sanctions infligées par la loi aux “coupables” de forfaits forestiers. En imposant le paiement d’amende au propriétaire ou, à défaut, l’effectuation de travaux forcés à son service, la peine publique se transforme en compensation privée », p. 40.