Dans son film sur Rosa Luxemburg, Margarete von Trotta reconstitue une fête socialiste du 1er janvier 1900 à Berlin. Toutes les éminences socialistes sont là. Il règne une confiance heureuse dans le siècle qui commence. Il verra – on y croit ferme – la fin des guerres, de la misère, de l’exploitation de l’homme par l’homme. L’avenir semble ouvert aux grandes espérances d’émancipation.
Vu dans le rétroviseur, ce siècle apparaît comme « l’âge des extrêmes », un calvaire de stations aux noms sinistres : Verdun, Auschwitz, Hiroshima, la Kolyma. Plus récemment, les génocides cambodgiens et rwandais. Siècle des guerres et des révolutions, disait-on ? Les guerres sont toujours au rendez-vous. Les révolutions ont mauvaise presse. L’horizon est plombé. Comme si l’histoire s’arrêtait dans l’enfer climatisé d’un capitalisme absolu et de son éternité marchande.
Depuis le début des années quatre-vingt, la Contre-Réforme libérale bat son plein. Triste époque où le présent peint gris sur gris un cauchemar toujours recommencé. Époque opaque où le futur captif d’un passé accablant piaffe sur place.