« Théorie de la valeur, travail et classes sociales »

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« Pas besoin pour entrer en lutte d’avoir entre ses mains les clés du paradis ou de la cité parfaite. C’est en résistant à ce qui semble irrésistible qu’on devient révolutionnaire sans le savoir1 »

Introduction de l’entretien

Daniel Bensaïd est mort au combat, le 12 janvier 2010. Il était en première ligne dans la guerre contre le capital et a joué un rôle central dans la construction du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), créé officiellement en janvier 2009. Il a aussi été l’un des fondateurs de la nouvelle version imprimée et en ligne de la revue Contretemps, qui se veut un outil intellectuel de renouveau des stratégies de la gauche révolutionnaire française. Ce furent les dernières batailles d’une vie entièrement guidée par son idéal de militant pour le socialisme, et ce dès la fin des années soixante, quand Daniel Bensaïd faisait déjà partie des jeunes critiquant le statu quo, dans la vague contestataire du Mai 68 français.

Remarquable philosophe marxiste de la contemporanéité, une de ses dernières élaborations théoriques les plus intéressantes a été la « discordance des temps » ou des différentes temporalités historiques. Il a proposé une nouvelle écriture de l’histoire, qui est aussi « une nouvelle écoute et une nouvelle écriture du temps1 ». Le temps, selon lui, se concrétise dans l’existence des espaces sociaux. Sans séparer dichotomiquement le temps et l’espace, il affirme en citant Hegel que « le temps est la vérité de l’espace2 ». Ainsi l’existence de différents espaces sociaux constitue l’occasion de différentes temporalités concomitantes dans l’histoire, un ensemble de fractures desquelles s’échappe un « tourbillon de cycles et de spirales, de révolutions et de restaurations3 ». Traiter de l’histoire comme d’un ensemble de ses différentes temporalités revient donc, d’une certaine façon, à traiter toujours du présent. Et quelle est la place de la politique ? Si ce sont les dénouements potentiels du présent qui sont en jeu, l’histoire est dépassée par la politique. Le présent cesse donc d’être un moment de la continuité temporelle et se transforme en conflit pour la sélection entre différents possibles ; et l’action révolutionnaire devient une lutte aux résultats imprévisibles4.

On peut alors considérer que la lutte anticapitaliste défendue par Daniel Bensaïd s’inscrit dans le débat pour la définition des possibles dénouements historiques contre le système de domination en place. Selon lui, la domination au sein de la société capitaliste se construit – et, au besoin, se régénère – à travers un « cercle vicieux », expression empruntée à Marcuse. L’auteur allemand a forgé le concept de « cercle vicieux de la domination » à partir de son analyse de la société de consommation de masse des années 1960, qui est selon lui une « société technologique ». Selon Marcuse, cette société assure une satisfaction quasiment totale des besoins et des désirs des individus, puisqu’elle parvient à créer elle-même ces besoins et ces désirs. En d’autres termes, elle crée des besoins qui peuvent être satisfaits, et consolide ainsi sa domination grâce au consensus, tout en se faisant passer pour le plus libre des mondes possibles. Elle n’a donc pas besoin de réprimer par la force des désirs qu’elle a elle-même créés, contrôlés et satisfaits. Les individus agissent ici au sein d’un cercle de domination totalitaire, unidimensionnelle5.

Daniel Bensaïd complète cette image du cercle vicieux hégémonique en insistant sur la division capitalistique du travail, qui oppose les dominés entre eux : chômeurs contre travailleurs, natifs contre immigrés, hommes contre femmes, jeunes contre vieux. Enfin, cette hégémonie se renforce également grâce à la réitération quotidienne et imposée d’un discours unifié qui vise à borner idéologiquement les perspectives de transformation de la société à un horizon bourgeois, c’est-à-dire au cadre de la propriété privée et de l’individualisme compétitif. Ce discours unifié enracine plus profondément la domination dans les habitudes apprises en famille, à l’école, au travail, qui enseignent la soumission6.

C’est là que se situe par conséquent, la fonction stratégique du parti politique – révolutionnaire, bien entendu : rompre ce « cercle vicieux de domination ». Parti entendu comme organisation porteuse d’une mémoire collective, faite d’expériences de lutte, d’assimilation des victoires et des défaites, capable d’agir et de prendre des décisions cruciales dans les moments de crise aiguë du capital et de révolte sociale. C’est à cette tâche que Bensaïd souhaitait voir le NPA s’atteler : qu’il devienne le porte-parole d’un anticapitalisme d’un genre nouveau, non plus critique romantique de la société bourgeoise mais étendard capable de regrouper tous ceux qui d’une façon ou d’une autre veulent résister aux forces du capital.

Il soutenait que la lutte contre le cercle vicieux de la domination devait se mener pas à pas, jour après jour, en luttant contre les préjugés, la désinformation, et en évitant les pièges du « discours des autres7 ». Une lutte déséquilibrée, sans doute, mais riche de cette ténacité qui permet de repousser les limites matérielles des moyens à disposition, et qui rend possible la construction d’un discours à soi. Enfin, « les mots ont leur importance. On pense avec des mots. On se représente le monde avec des mots. Et quand les mots vont de travers, on finit par penser de travers8 ». L’auteur rappelle cependant que c’est dans les conditions mêmes de la production que prend racine la subordination aux idées dominantes. Et c’est contre ces conditions que devrait se concentrer la stratégie de la résistance. La résistance, en soi, n’est pas tout, et Bensaïd le savait parfaitement. Pour lui, le mot « anticapitalisme » permet au moins de désigner précisément l’ennemi contre lequel il faut se battre. L’anticapitalisme est une alternative à laquelle il faut encore donner un contenu révolutionnaire en termes de propositions, qui inclue l’égalité, la solidarité, la mise en discussion des rapports de production, l’internationalisme. C’est donc une prise de position pour le dépassement du système capitaliste, contre le nouveau « discours unidimensionnel » qui soutient qu’il faut le « récupérer ou le moraliser9 ».

L’entretien qui suit aborde certains éléments centraux de l’analyse du capitalisme contemporain, tels que la théorie de la valeur, la théorie des classes sociales, les nouvelles formes d’exploitation du travail et leurs conséquences pour les travailleurs. Réalisé le 5 mai 2009, Daniel Bensaïd y a de plus abordé des questions importantes également pour la pensée marxiste, sociologique et philosophique contemporaine. Cet entretien filmé, qui a duré près de deux heures, s’est déroulé à la librairie La Brèche, à Paris.

Une des questions clefs est celle de la constitution des classes sociales. Ayant développé dans ses œuvres une analyse profonde de ce thème10, Daniel Bensaïd confirme au cours de cet entretien sa perspective critique, en soulignant l’impossibilité de définir a priori les classes sociales, comme le fait la tradition positiviste. Bensaïd insiste à nouveau sur l’importance relative des données historiques et statistiques pour l’évaluation des conflits sociaux contemporains, et opère une distinction intéressante entre la conception des classes basée sur des critères sociologiques et la sienne, fondée sur une perspective stratégique de classes sociales en lutte. Il affirme ainsi que : « La notion de classes chez Marx n’est réductible ni à un attribut dont seraient porteuses les unités individuelles qui la composent, ni à la somme de ces unités. Elle est quelque chose d’autre. Une totalité relationnelle et non une simple somme11. » Selon lui, la perspective sociologique tente à tout prix de classer des groupes d’individus en fonction d’attributs choisis arbitrairement. Il rappelle les tentatives du Parti communiste français dans la même direction. Il critique là sa conception des classes qui aurait comme finalité de réaliser ce qu’il appelle une « autolégitimation » de sa condition de représentant des « vrais » travailleurs.

Revenant sur Marx, Bensaïd soutient qu’on ne peut pas désigner des critères sociologiques (tels que le revenu, les qualifications professionnelles, etc.) pour élaborer une définition a priori de la classe ouvrière, par exemple. En effet, selon lui Marx ne suit pas ce procédé théorique. Il suit au contraire la logique de la détermination conceptuelle, fondée sur la tradition philosophique allemande et non sur la tradition positiviste française, qui a par contre inspiré beaucoup d’intellectuels dans le monde, dont les Brésiliens. En ce sens, « Marx […] ne procède guère par définition (par énumération de critères), mais par « détermination » de concepts (productif/improductif, plus-value/profit, production/circulation), qui tendent au concret en s’articulant au sein de la totalité12 ». Les œuvres de Daniel Bensaïd et sa pensée sont l’exemple d’une perspective qui ne laisse pas de place aux théories quantitatives et statistiques qu’on voudrait nous imposer. Son travail, d’une grande richesse, est entre autres une forme de combat politique contre ceux qui veulent réduire l’œuvre de Marx – la théorie de la valeur, des crises, des classes etc. – à des chiffres et à des formules mathématiques. La tradition théorique et philosophique développée par Bensaïd – qui nourrit, par exemple, ses perspectives sur le temps, l’espace, la question des classes sociales, le dynamisme et la fluidité des conditions de lutte – risque d’être étouffée par une société comme la nôtre, tellement asservie aux canons de l’objectivité scientifique.

Henrique Amorim, Leandro de Oliveira Galastri

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 Entretien réalisé le 5 mai 200914

Henrique Amorim : La pensée de Marx a-t-elle besoin d’être actualisée ? Comment dépasser Marx ?

Daniel Bensaïd : La pensée de Marx n’a pas besoin d’actualisations. Elle est actuelle. Son actualité, c’est l’actualité du capital, qui constitue l’objet critique de Marx. Et, à l’époque de Marx, les rapports capitalistes de production ne dominaient qu’une petite partie du globe, aujourd’hui ils se généralisent, ce qui la rend d’autant plus d’actualité.

La mondialisation est un exemple lampant de cette actualité. Marx ne se contente pas de décrire simplement la mondialisation, comme le font la plupart des journalistes. D’abord, il en explique la logique, c’est-à-dire l’accumulation à vaste échelle et l’accélération de la rotation des capitaux. Ensuite, on peut constater qu’il y a chez Marx une théorie des crises, ou plus exactement les éléments d’une théorie des crises comme la séparation entre la sphère de la production et celle de la consommation, une schizophrénie générale qui caractérise la société capitaliste et qui remonte à l’apparition de la surproduction et de la crise financière.

Enfin, si on cherche aujourd’hui la principale caractéristique de la crise sociale, on a d’un côté les phénomènes d’exclusion et de précarisation et de l’autre la crise écologique ; or ce sont deux grandes manifestations de la crise de la valeur et de la loi de la valeur. L’actualité de Marx apparaît, dès lors, évidente. Bon, faut-il « dépasser » Marx ? Je pense qu’il faudrait toujours dépasser, aller plus loin. Il ne faut pas revenir à Marx pour en rester là où il s’est arrêté, mais le prendre comme point de départ pour aller plus loin. Par exemple, aller plus loin dans l’analyse de phénomènes qui dépassent la question de l’écologie telle qu’on l’aborde de nos jours en les mettant en lien avec le développement du productivisme capitaliste. On ne peut pas dire qu’il existe une théorie de l’écologie chez Marx, mais il y a différents éléments qui peuvent nous être utiles.

Henrique Amorim : Quels sont les éléments conceptuels que Marx n’a pas développés dans Le Capital ? Pourrait-on le compléter ?

Daniel Bensaïd : Compléter Le Capital est une tâche en contradiction avec la façon de penser de Marx. Marx a pensé ce texte en mouvement, et dans un mouvement qui accompagne celui de son objet. Vu que le mouvement du capital est permanent et perpétuel, on peut affirmer que la critique du capital ne pourra jamais être complétée. Je ne pense donc pas qu’on puisse considérer Le Capital comme une œuvre incomplète, ouverte, à cause d’un élément bibliographique – la mort de Marx.

Par exemple, on ne peut pas dire que Marx a développé une théorie des relations d’exploitation et de domination, mais pas de théorie sur la façon dont elles s’articulent entre elles. Dans ce cas on peut chercher de l’aide auprès des sociologues. Vu que l’œuvre de Marx est contemporaine à la croissance de la colonisation mais antérieure à la structure de l’impérialisme contemporain – ce n’est pas un hasard si le grand débat sur l’impérialisme date du début du XXe siècle, avec Hilferding, Boukharine, Lénine, etc. –, cela nous oblige à penser l’impérialisme aujourd’hui, cela nous renvoie à l’absence du livre sur le marché mondial que Marx avait annoncé. Il y a tout un travail à faire sur ce thème. Il y a aussi, par exemple, une question à peine effleurée, et essentiellement dans les textes de jeunesse : la relation entre État et bureaucratie, en particulier la bureaucratie d’État. On en trouve des éléments dans la Critique de la philosophie du droit de Hegel. Cette question réapparaît à un moment où le phénomène bureaucratique redevient une question majeure des sociétés contemporaines.

Henrique Amorim : Les Grundrisses (Introduction générale à la critique de l’économie politique) de Marx ont été revisités par de nombreux auteurs, comme Jean-Marie Vincent, André Gorz et Antonio Negri. Que penser de la réappropriation contemporaine de cette œuvre ?

Daniel Bensaïd : Il y a dans ces textes une telle richesse d’éléments critiques, exprimés le plus souvent avec une grande vigueur, due au contexte de leur rédaction : la période d’exaltation et de fragilité face à la crise économique de 1857-1958 aux États-Unis, comme Marx lui-même l’explicite dans sa correspondance. Cela a peut-être donné au style de ces textes un ton plus subversif et le rend, sur certaines questions, supérieur à l’écriture plus rigoureuse et « scientifique » du Capital. Comme ce passage où il affirme que la loi de la valeur est parfois bien trop pauvre pour rendre compte de la production, de l’échange et de l’organisation sociale. Il y a des passages des Grundrisses particulièrement éclatants et subversifs, qu’on ne retrouve pas dans Le Capital. Il faut ensuite dire que la découverte des Grundrisses – vous avez cité Antonio Negri, André Gorz et Jean-Marie Vincent, on pourrait ajouter Ernest Mandel – a donné lieu à des approches différentes. Gorz, Vincent et Mandel utilisent les Grundrisses de façon polémique, cet ouvrage a été traduit tardivement (1967-1968) et, à ce moment-là, les Grundrisses ont été repris pour démontrer, contrairement aux positions d’Althusser, qu’il y avait une continuité [dans l’œuvre de Marx], que le thème de l’aliénation n’avait jamais été abandonné. Il n’y aurait donc pas d’opposition entre le jeune Marx, théoricien de l’aliénation, et le Marx du Capital, théoricien critique de la réification. Il y aurait certes une évolution, mais avec un fil conducteur qui évite de devoir partager son œuvre en deux : le jeune Marx humaniste contre le vieux Marx positiviste.

Personnellement je pense que cette question a été très utile pour mieux comprendre, enfin, la logique intime de la pensée de Marx. Alors que pour Negri, il s’agit d’opposer un Marx révolutionnaire et subversif, théoricien de la subjectivité ouvrière, au Marx scientiste et positiviste qui aurait théorisé, à travers les schémas de reproduction du livre II du Capital, une sorte d’éternité du capital, un système capitaliste qui tendrait scientifiquement à l’équilibre. Pour Negri, le seul facteur dynamique est le prolétariat en soi et le capital n’est qu’une réaction à la créativité du prolétariat. Cela mène à une position très subjectiviste, qui en une certaine mesure a des conséquences de nos jours. Si la mondialisation n’est qu’une réponse du capital en réaction à l’inventivité et à la créativité du prolétariat, tout ce qui va dans le sens d’une ouverture est positif, que ce soit le traité de la Constitution européenne ou le libéralisme, qui joue un rôle progressiste comparable à celui du capitalisme que Marx décrit dans Le Manifeste communiste. J’ai développé cette question de façon plus approfondie dans un article sur Toni Negri dans mon ouvrage La Discordance des temps15.

Henrique Amorim : Que penser du débat sur la centralité du travail ?

Daniel Bensaïd : Le problème c’est qu’est-ce qu’on entend par travail. On trouve souvent chez Marx une double acception, un double usage de ce terme, c’est vrai pour le travail comme pour la classe ou le travail productif. Ce que Marx entend par travail, c’est d’abord l’échange, donc le métabolisme entre organismes vivants, y compris l’espèce humaine, et ses conditions naturelles de reproduction. Avec cette acception, le travail est un convertisseur d’énergie et l’idée d’une société sans travail est absurde. Ce serait une société sans échanges, sans transformation d’énergie naturelle en énergie cérébrale, musculaire, etc.

De ce point de vue, aussi loin qu’on imagine l’existence humaine il y aura des formes de travail, d’organisation sociale du travail. Le travail salarié capitaliste, par contre, c’est autre chose, c’est une forme historiquement déterminée de travail qui n’a pas toujours existé. Maintenant, pour revenir au débat des dernières années, il y a des sociologues qui parlent de fin du travail. Aujourd’hui il y a des gens qui travaillent plus qu’avant, alors que pour d’autres, frappés par le chômage, il n’y a pas assez de travail. Il faut alors distinguer les deux acceptions de « travail ». Le travail au sens anthropologique est un élément constitutif de l’humanité, qui fait qu’elle pense et qu’elle évolue comme elle a évolué. D’autre part, la fin du travail salarié, du « travail forcé » pourrait-on dire, est évidemment liée au socialisme et à la critique socialiste du travail. Il faut donc retrouver la tradition de critique du travail aliéné, ensevelie ou oubliée à cause d’une sorte de culte stakhanoviste sous le stalinisme, ou même du culte protestant du travail que Walter Benjamin critique dans une des thèses sur le concept d’histoire.

Henrique Amorim : Qu’est-ce qu’une classe ? Un ensemble d’individus ou un ensemble de rapports sociaux ? Manque-t-il au marxisme une définition satisfaisante des fractions de la classe ?

Daniel Bensaïd : Bien, qu’est-ce qu’une classe ? Ce n’est pas un hasard si on ne trouve aucune définition descriptive ou approximative des classes sociales ni chez Marx ni chez Engels. Il n’y a pas de définition parce que dès le début Marx n’utilise pas le procédé des « définitions ». La définition est un genre logique très présent dans la tradition positiviste française, mais absent dans la grande logique allemande d’Hegel ou de Marx, qui fonctionne par déterminations (Bestimmung). Ce n’est donc pas un hasard si on ne trouve aucune définition satisfaisante de la classe qui soit normative ou même une classification sociologique qui regrouperait un ensemble d’individus en catégories socioprofessionnelles, comme le font les statisticiens universitaires de nos jours.

Au lieu de ça il y a une relation conflictuelle ; les classes se déterminent l’une l’autre mutuellement en fonction d’une relation de conflit. Évidemment, si on cherche à tout prix une définition à des fins pédagogiques on en trouvera, en particulier chez Lénine dans un texte qui s’appelle « La grande initiative ». Il a défini les classes mais avec des critères très complexes, parmi lesquels le rôle de la division du travail, de la relation de propriété, la forme et le montant de la rente…

Bon, cela permet une approximation pour se rattacher à la conception stratégique des classes, qui pour moi est la question fondamentale vu que chez Marx il n’y a pas de conception sociologique, catégorisante. Il y a bien, par contre, une conception stratégique des classes, formulée à partir de leur lutte. Les éléments fournis par Lénine peuvent aider à éclaircir ou à enrichir de façon pédagogique cette approximation.

Est-ce que le marxisme manque d’une théorie des fractions des classes ? On peut toujours l’améliorer, mais cette théorie n’est en aucune façon absente. Plus important, il y a dans les textes politiques de Marx, comme par exemple Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, une analyse raffinée des fractions des classes et de leurs expressions politiques. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de développer une théorie spécifiquement marxiste de la stratification des classes. On pourrait utiliser pour ça des sources statistiques et mettre à l’épreuve la conception, la vision du monde en termes de luttes des classes.

Henrique Amorim : En ce sens, comment interpréter la théorie de Jacques Bidet et Gérard Duménil quant à l’existence d’une classe de cadres ?

Daniel Bensaïd : Cette systématisation d’une classe de cadres est une conséquence de leur analyse structurale de la société capitaliste – en particulier pour Jacques Bidet – en tant que combinaison de relations d’exploitation et de relations d’organisation. C’est mettre sur un même pied deux types de relations, avec les relations d’exploitation qui déterminent les classes traditionnelles alors que les rapports d’organisation peuvent déterminer les autres sortes de classes : les cadres, la bureaucratie, etc. Ceci dit, ça dépend de ce qu’on veut faire. Ça dépend de l’utilisation qu’on veut faire de la catégorie, du concept de classe. Si on en a un usage sociologique, c’est une simple convention de vocabulaire, terminologique, on peut alors dire qu’il existe une classe de cadres. Mais elle est elle aussi très hétérogène, alors où est-ce qu’elle commence, où est-ce qu’elle se termine ? Il y a une différence énorme entre les cadres supérieurs et un niveau d’encadrement qui se situe plutôt du côté des travailleurs exploités. Ce concept ne donne pas grand-chose. Dans la réalité, cette catégorie de cadres est partagée par les lignes de fracture des grandes classes fondamentales. Au contraire, si on utilise les classes d’un point de vue stratégique, ce qui nous intéresse c’est la polarisation fondamentale des classes. Cela n’empêche pas l’existence de couches, de catégories qu’on peut qualifier d’intermédiaires, mais elles sont bousculées et polarisées par les classes fondamentales, qui constituent les relations de classe structurelles.

Cette théorie des cadres peut présenter des inconvénients en ce qu’elle fait des cadres une nouvelle classe historique en ascension, porteuse d’un nouveau modèle de production, etc. On retrouve ici la théorie de la classe des gestionnaires, pas si nouvelle que ça. Il y a effectivement des apports de la sociologie de Marx Weber qu’il pourrait être intéressant de faire dialoguer ou de mettre en tension avec la conception marxiste. Toutefois, le problème intéressant c’est de voir comment s’articulent – ou plus exactement, de mon point de vue, comment s’imbriquent – les rapports d’exploitation et les rapports d’organisation et de vérifier enfin que tout cela est un ensemble de rapports cohérents et non deux types différents de rapports qui déterminent deux rapports de classes plus ou moins parallèles et équivalents.

Henrique Amorim : Et la notion de multitude, quels sont les éléments positifs et négatifs de cette notion en lien avec la théorie des classes de Marx ?

Daniel Bensaïd : Je pense que la notion de multitude est inutile et nocive. Elle a une valeur descriptive, mais seulement par rapport à une vision stéréotypée qu’on a parfois de la classe ouvrière, celle de l’ouvrier de la grande industrie. Le terme « prolétariat » serait plus adéquat. C’est le terme le plus général et le plus ancien, et pourtant, au final, il décrit une réalité plus large et plus complexe. Un certain type de prolétariat n’a pas disparu, loin de là, on le voit bien aujourd’hui avec la crise. Dans leur livre d’enquêtes sur la région industrielle française de Montbéliard où se trouvent les usines Peugeot, les sociologues Beaud et Pialoux disent que la classe ouvrière n’a pas disparu. En fait, elle est devenue invisible, peut-être parce qu’il y a moins de luttes et parce qu’elle intéresse moins les sociologues, qui pendant les années 1980 se sont plutôt intéressés à l’exclusion, etc. Avec la crise, en voyant les usines fermer on se souvient en même temps que la classe ouvrière a diminué mais pas disparu. Face à la déstructuration des relations sociales provoquée par la crise et face aux transformations techniques, je comprends que le concept de multitude ait pu être séduisant, parce que sa façon de décrire la réalité a l’air confortable : des petits marchands ambulants, qui ne vivent pas comme des ouvriers, tout ça est évident. Maintenant, en tant que concept stratégique, il y a un point qui n’est pas du tout clair à mon avis. Negri oppose le concept de multitude non pas au concept de classe mais à celui de peuple, le peuple serait l’homogénéité et la multitude la diversité. Ça, c’est déjà discutable en soi. Bon, alors quelle serait la relation entre classe et multitude ? Il faudrait relire les textes, mais cela semble assez obscur.

Chez Negri, les nouvelles technologies et les nouvelles formes d’organisation du travail développent la multitude et au final la logique de l’histoire se résume à une confrontation presque directe entre l’empire et la multitude, sans différenciation. Au final, la multitude devient le grand sujet de la transformation. Au lieu de travailler sur la question complexe de savoir quelles sont aujourd’hui les composantes du bloc hégémonique qui entoure les relations de classes, on réduit cette complexité au concept de multitude, une sorte de magma, qui est le nouveau sujet très hypothétique de l’histoire. Du coup, j’y vois beaucoup d’inconvénients et très peu d’avantages.

Henrique Amorim : Est-ce qu’on peut comprendre les nouveaux clivages entre travailleurs en se basant sur la thèse de la révolution de l’information ?

Daniel Bensaïd : Franchement, j’en doute. Cela reviendrait à courir le risque d’un déterminisme technologique, à dire que de fait les clivages sociaux sont le résultat direct et mécanique de l’organisation technique du travail. Cela me paraît un présupposé théorique discutable. Évidemment ces différenciations jouent un rôle dans les formes et surtout dans la possibilité d’organisation sociale, syndicale ou politique. Dans la mesure où les nouvelles technologies peuvent faire augmenter l’automatisation du travail et diminuer la concentration en un seul lieu de travail, tout cela a des conséquences sur les possibilités d’organisation. Cela introduit-il des clivages fondamentaux ? Avec la crise on remarque qu’une partie de ces nouvelles professions subit les effets de la paupérisation tout autant que les autres professions, et parfois plus dans certains cas, comme sur les licenciements et les pressions salariales. C’est toujours intéressant d’être attentifs à ces différences quand on réfléchit aux revendications syndicales et politiques. Mais en faire un inventaire théorique fondamental ou des clivages fondamentaux, je ne crois pas. Je ne suis pas d’accord pour donner à la technologie un rôle prédominant dans les phénomènes de formation sociale, qui dépendent surtout des luttes et des phénomènes culturels.

Henrique Amorim : Quelle relation y a-t-il entre travail matériel/immatériel et travail concret/abstrait ? Comment analyser la productivité en fonction des formes de travail cognitif ?

Daniel Bensaïd : Je crois qu’il n’y a aucun rapport entre les notions de travail matériel et immatériel et celles de travail abstrait et concret. Travail matériel/immatériel se réfère au contenu d’une activité, alors que le travail concret est tout travail qui produit des biens utiles et le travail abstrait est le travail rapporté à sa mesure temporelle, donc à sa mesure abstraite. C’est pourquoi je ne vois aucun rapport entre les deux. Il s’agit d’une confusion intellectuelle qui superpose les notions de travail matériel/immatériel à celles de travail concret/abstrait. En termes de productivité du travail, le travail immatériel peut être aussi productif que le travail matériel. Si la production du travail est la production de plus-value, alors un travail immatériel exploité produit de la plus-value tout autant qu’un travail matériel. Un créateur de programmes informatiques est une source de gain pour Microsoft. Prenez une équipe de développeurs salariés qui créent des programmes pour Microsoft : vous avez là une production de plus-value. De ce point de vue, cette histoire de travail immatériel a créé dès le début beaucoup de confusion.

En réalité, le débat sur le travail productif et improductif est souvent très mal compris. Cela ne veut pas dire que seul le travail qui produit un bien matériel est productif. L’exemple le plus choquant, surprenant et connu se trouve dans un chapitre inédit du Capital, où Marx prend l’exemple d’une chanteuse salariée : si elle est salariée, son travail est productif. Son travail est totalement immatériel, son chant disparaît au fur et à mesure qu’elle chante. Pas aujourd’hui, parce que depuis Marx l’industrie du disque et des enregistrements vidéo s’est développée… Mais l’idée est que même une prestation vocale peut être considérée comme un travail productif, s’il existe une relation salariale entre employé et employeur. Donc premièrement non, [la productivité] n’a rien à voir avec la matérialité du travail. Deuxièmement, la notion de travail productif chez Marx est une notion délicate, parce qu’il considère que c’est contradictoire. Le transport de marchandises est considéré comme un travail productif, parce que si on ne transporte pas les marchandises jusqu’à leur point de vente, la plus-value ne peut être réalisée. En ce sens, la division entre productif et improductif est un peu arbitraire. Faut-il s’arrêter au moment où un travailleur a apporté les marchandises au point de vente ou considérer que s’il n’y avait pas un autre travailleur pour les ranger sur les étagères, elles ne pourraient pas être vendues ? Il s’agit donc d’un point délicat à affronter, qui n’a rien à voir avec la matérialité ou l’immatérialité du travail et ne permet pas de déterminer des classes sociales.

Il y a déjà eu des tentatives de faire une théorie des classes sociales à partir du livre II du Capital, en se basant exclusivement sur la relation entre travail productif et improductif. Cela me paraît absurde. Ce n’est pas par hasard que le chapitre sur les classes, si Engels a bien interprété le plan de Marx, arrive plus tard, dans le livre III du Capital, et inclut les différences de rentes et l’ensemble du circuit de reproduction sociale. Je ne comprends donc pas comment on pourrait s’arrêter au livre II et aux concepts de travail productif et improductif pour déterminer qui fait partie ou pas de la classe ouvrière.

La conséquence, c’est que ces concepts de travail productif et improductif ont souvent été utilisés politiquement et idéologiquement pour formuler une définition restrictive de la classe ouvrière, que le Parti communiste français a clairement utilisée pour ne désigner que les ouvriers de l’industrie et exclure les employés, les employés du commerce, les infirmières, les employés des PTT, etc. Mes cousins étaient ouvriers en usine, mais ils ne travaillaient pas directement à la production, ils faisaient la manutention des machines et étaient membres du Parti communiste et de la CGT. Ils disaient qu’ils n’étaient pas de vrais ouvriers, de vrais prolétaires, parce qu’ils s’occupaient de l’entretien pour la production. On a ici une définition du mouvement ouvrier typiquement ouvriériste et restrictive, qui a principalement comme fonction d’auto-légitimer le Parti communiste comme représentant de la classe ouvrière, puisque tout le reste serait « petite bourgeoisie », tout ça.

Henrique Amorim : Les nouvelles formes de production contredisent la théorie de la valeur de Marx. Est-ce une théorie valable d’un point de vue analytique ?

Daniel Bensaïd : Je crois que oui, et la crise actuelle l’illustre bien. C’est tout aussi vrai pour la théorie de la valeur. Pour ce qui est de la mesure de la richesse et des échanges en termes de temps de travail socialement nécessaire, on constate de nos jours une certaine obsession de la mesure du temps, qu’il s’agisse de fixer le temps de travail hebdomadaire ou l’âge de la retraite, de faire la chasse aux temps morts dans l’entreprise, d’organiser les horaires, la flexibilité, etc., et cela a tendance à réduire la différence entre le temps de travail réel et le temps de travail légal. Tout cela était déjà dans Le Capital. Au final, la rentabilité capitaliste a comme critère la loi de la valeur. Maintenant, cette loi tend à devenir contradictoire et c’est ce à quoi s’est attaqué Marx dans les Grundrisses avec l’incorporation dans le processus de production de formes de travail intellectuel qui sont à la fois stimulées par des nouvelles technologies et collectives. Or, quel est le travail nécessaire à l’élaboration d’un programme informatique par un laboratoire de recherche ? Un travail hautement coopératif et socialisé. Et plus le travail est coopératif, plus il incorpore le savoir accumulé, plus il est difficilement quantifiable et mesurable en temps de travail abstrait. Cela me paraît être un des facteurs clés de la crise sociale actuelle, qui fait que les gains de productivité ne se convertissent pas en temps libre mais au contraire en exclusion sociale. Pour moi, les aspects que prend la crise financière, par exemple, sont beaucoup plus une confirmation des dommages causés par l’application directe de la loi de la valeur du fait de la mesure instantanée des fluctuations de la Bourse. Je sais qu’il s’agit d’un point très discutable, mais au moment même où la validité de la loi de la valeur se confirme, on a aussi une confirmation de l’aggravation des contradictions sociales.

Henrique Amorim : Comment penser la réduction du temps de travail ? Dans le capitalisme, y a-t-il du temps libre ou du temps libéré ?

Daniel Bensaïd : La lutte pour la réduction du temps de travail est une lutte historique. Même quand le temps libéré reste aliéné, c’est déjà un obstacle à l’exploitation de la force de travail, c’est une liberté non conforme. Il y a d’autres mécanismes d’aliénation, comme les médias, la façon dont la culture est diffusée, l’organisation de la ville et de l’espace urbain, etc. Mais, au moins formellement, pour reprendre la formule de Marx, pendant son temps libre le travailleur a la possibilité de regarder la télé, de participer au syndicat, ou de lire Le Capital. Que la lutte pour la réduction du temps de travail soit permanente, même dans le cadre du capitalisme, n’est donc pas une question secondaire. Maintenant, dans le cadre du capitalisme je pense qu’il y a une relation étroite entre travail aliéné et plaisir aliéné, ou disons qu’on ne peut pas être réellement libre en dehors du travail si on est dominé au travail.

Donc il ne suffit pas de réduire le temps de travail forcé, il faut aussi transformer le contenu et l’organisation du travail lui-même, construire une émancipation au travail et en dehors du travail. Il y a là une grande différence. Le chômage provoque du temps libéré, mais un temps sans liberté. On peut aussi conquérir du temps libre grâce à la réduction du temps de travail et continuer à l’utiliser de façon totalement aliénée, et cela pose également problème pour le socialisme. C’est l’idée qu’on trouve chez Gorz dans Adieux au prolétariat et ses livres successifs : il y aura toujours des travaux durs et aliénants, ce ne sera jamais très créatif de balayer les rues ou de ramasser les ordures, il faudra donc toujours que la société consacre du temps à un travail non créatif et la vie sera en dehors de ce temps de travail là. Comme on n’aura pas un robot pour tout, c’est de fait un problème. D’un autre côté, je crois qu’on peut faire un travail aliéné mais en même temps s’épanouir, s’ouvrir en dehors de celui-ci. Le problème pour une société socialiste, c’est comment distribuer ce type de travail, comment modifier son organisation. Il est clair qu’il y a des tâches qui ne sont ni agréables ni stimulantes, mais cela rappelle que la transformation radicale de la division du travail est une condition même de la société socialiste telle qu’on l’imagine.

Henrique Amorim : Pour conclure, je voudrais savoir comment rompre avec la vision d’un prolétariat comme sujet mythique de l’émancipation humaine ?

Daniel Bensaïd : Je ne crois pas qu’il faille rompre avec l’idée du prolétariat comme sujet révolutionnaire. Il faut rompre avec une vision étroitement liée, qui reporte sur les phénomènes sociaux une sorte de psychologie du sujet, de l’individu-sujet, de la conscience du sujet qui vient de la psychologie classique de la fin du XIXe-début XXe siècle. Dès le début, on imagine le prolétariat comme un individu-géant qui doit, comme tout individu, passer par l’enfance, l’apprentissage, puis arriver à l’âge adulte par une espèce de métaphysique de la conscience du « en soi » et du « pour soi », etc. On trouve assez peu ça chez Marx, peut-être tout juste une formule dans Misère de la philosophie, mais beaucoup plus clairement chez Lukacs. C’est nourri d’une mauvaise source psychanalytique sur le conscient et l’inconscient et ça applique aux phénomènes sociaux des mécanismes qui viennent de la psychologie individuelle et me semblent très discutables. Je crois qu’il vaudrait mieux penser la constitution d’une force de transformation sociale. Dire « force » ne présuppose pas l’idée de conscience. Il s’agit d’une force de transformation qui est une force de construction permanente, une combinaison d’une pluralité de formes organisées.

Tout le problème est justement qu’est-ce qui permet de penser ou d’aider à penser le concept d’hégémonie et comment construire et combiner ces différentes formes de confrontation avec le système. Le prolétariat est-il alors encore un sujet ? Si nous acceptons la catégorie de sujet, oui. Ou serait-ce à partir du prolétariat que pourraient se combiner différentes formes de contestation du système capitaliste dans le respect de l’autonomie des différents mouvements ? Par exemple, rien ne garantit que l’oppression des femmes cessera avec la fin de la propriété privée. Cela justifie l’autonomie du mouvement des femmes pour un temps indéterminé, bien au-delà du dépassement du capitalisme. Aujourd’hui, ici et maintenant, la lutte contre l’oppression des femmes est étroitement liée à la lutte du mouvement ouvrier, aux revendications sur le temps de travail, sur les services publics, etc., et donc ces questions sont organiquement articulées. Mais ce qui permet d’unifier ces luttes ce n’est pas un a priori moral mais le fait que le capital crée les conditions – et encore, pas mécaniquement – qui permettent de concevoir comment [cette articulation] est possible.

Traduction Brune Seban
www.danielbensaid.org

Documents joints

  1. Daniel Bensaïd, Olivier Besancenot, Prenons Parti – Pour un socialisme du XXIe siècle. Paris, Mille et une nuits, 2009, p. 116. ↩︎
  1. Daniel Bensaïd, Marx l’intempestif (p. 105 de l’édition brésilienne).
  2. Ibidem.
  3. Ibidem.
  4. Ibidem, p. 107.
  5. Marcuse, L’Homme unidimensionnel, 1968, Les éditions de Minuit, Paris. p. 31-106.
  6. Daniel Bensaïd, Olivier Besancenot, op. cit., p. 13.
  7. Ibidem.
  8. Ibidem, p. 111.
  9. Daniel Bensaïd, « Prendre parti – Nouveau siècle, nouvelle gauche », Contretemps, Paris, Syllepse, n° 1, 2009, p. 15.
  10. Voir en particulier Marx l’intempestif, op. cit.
  11. Ibidem, p. 147.
  12. Ibidem, p. 143-144.
  13. Henrique Amorim, professeur de sociologie du département de sciences sociales de l’Unifesp et auteur de Trabalho Imaterial : Marx e o Debate Contemporâneo (São Paulo : Annablume, 2009) : henriqueamorim@hotmail.com
    Leandro Galastri, doctorant en sciences politiques à l’Instituto de Filo­sofia e Ciências Humanas de Unicamp : leandrogalastri@gmail.com
  14. Cet entretien réalisé par Henrique Amorim le 5 mai 2009 a eu l’appui de la Fapesp. Version originale de l’entretien : « Teoria do valor, trabalho e classes sociais », entrevista com Daniel Bensaïd, de Henrique Amorim publiée en portugais dans la revue Critica Marxista, n° 30 (2010). Traduction française : Brune Seban
  15. Daniel Bensaïd, La Discordance des temps, essai sur les crises, les classes, l’histoire, éditions de la Passion, Paris, 1995.

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