Par Georges Ubbiali
Nouveau recueil de textes du philosophe de la LCR, certains de ces articles ayant déjà été publiés, dans des revues difficiles d’accès. On l’aura compris, autour de trois parties, dérèglements du monde, acteurs et mouvements, stratégies et pouvoirs, Bensaïd propose un ensemble de contributions d’intérêt et de volume extrêmement variés. La teneur de l’ensemble est plutôt stimulante même si s’en dégage une impression d’inachevé. En effet, dans la multiplicité de ces contributions, Bensaïd propose des discussions thématiques (ainsi le parti de la Refondation communiste italien ou la place des animaux) et surtout, il discute les thèses d’auteurs (Toni Negri, John Holloway, Hans Jonas, Pierre Bourdieu, Alain Lipietz ou Lénine). N’hésitant pas à s’appuyer sur Foucault, Deleuze et Guattari, mais aussi plus inattendu sur Gabriel Tarde (le grand rival que Durkheim est parvenu à éliminer de la scène intellectuelle pendant un siècle), il démontre qu’un marxisme vivant (un tantinet mode, même) est capable de rivaliser avec les théorisations sociales les plus contemporaines. De ces différentes parties, parfois théoriquement denses, on retiendra la discussion de l’apport de Lénine (chapitre. 2 de la 3e partie, « la politique comme art stratégique »). À l’encontre d’une certaine tendance prononcée à rejeter un peu rapidement le révolutionnaire russe, comme le bébé avec l’eau du bain, Bensaïd défend avec brio l’apport léninien à la conception du politique comme moment spécifique, détaché du social. Bensaïd, avec un bonheur des formules osées, « le parti comme boîte de vitesses », nous offre dans ce recueil des pistes de compréhension des débats en cours et à venir au sein du monde ouvrier. Cependant, certaines contributions (ainsi la critique des thèses déconstructionnistes de Butler et Fraser ou sa contribution sur les animaux) nous paraissent superficielles.