Cinéma

Portier de nuit

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À la différence des Damnés, Portier de nuit n’est pas un film majestueux ou architectural. Chez Visconti, on sentait sous la broderie des névroses toute l’épaisseur du tissu social. Dans Lacombe Lucien même, le hasard, individuellement décisif, d’une crevaison, n’échappe pas à la reconstitution historique et sociale, minutieusement fidèle.

Portier de nuit, c’est d’emblée l’onirisme. En direct de l’inconscient et de ses profondeurs. Scandé de séances spectaculaires, au sens propre du terme : opéra de Mozart, chorégraphie, cabaret. Comme chez Nietzsche, l’Art terrasse l’Histoire, Dionysos supplante Apollon.

Autant de scènes qui grignotent la mémoire : le film séduit et envoûte à l’usure, à retardement.

Déconcertée, la critique tâtonne. Dans le Nouvel Observateur, Bory étale une perplexité admirative. À la radio, Benayoun s’indigne. Dans Politique Hebdo, J.-M. Damian s’inquiète : « La gauche s’est fait avoir ; par honnêteté intellectuelle, elle s’est mise à démystifier cette période au moment précis où la bourgeoisie avait besoin de se déculpabiliser. »

Alors, odieux Max, le portier tortionnaire, ancien bourreau nazi ? Odieuse ou victime, Lucia, jeune déportée ? Qui est le juge et au nom de quoi ? « Ce qu’on fait par amour s’accomplit toujours par-delà le bien et le mal. » La formule de Nietzsche a fait fortune. Et, dans le film, l’érotisme désespéré du couple victime-bourreau relègue en fond de scène, fondu dans un décor flou, l’atrocité des camps.

Max n’emprunte pas ses valeurs. Il les crée. Elles fleurissent au bout de ses désirs. Au-delà même du nazisme transitoire et périssable.

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Documents joints

  1. François Fourquet, « L’Idéal historique », Paris, revue Recherches, n° 14 (numéro spécial), 1974.

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