Stratégie, sujet et contretemps chez Daniel Bensaïd
Par Ludivine Bantigny
Daniel Bensaïd a toute sa vie été un militant, loyal, tenace, fidèle à ses idées ; ce qui frappe, c’est d’abord d’ailleurs cette continuité dans le temps. Philosophe, il est aussi le penseur intempestif du « contretemps ». Le mot lui est cher ; il l’emprunte à Marx et à son « zeitwidrig », opposé au temps dominant ordonné par l’oppression et l’exploitation1. « Éloge de la résistance à l’air du temps », le travail philosophique et politique de Daniel Bensaïd est pétri d’un rapport fort à l’histoire. Il refuse le mécanisme, le déterminisme, une sorte d’objectivité sans sujet. Au contraire, pour lui l’histoire est ouverte, pleine d’incertitudes et de tâtonnements ; elle n’est pas linéaire et ne se déroule pas dans le confort des gestionnaires. Surtout, elle est faite par la volonté d’hommes et de femmes qui s’engagent, se lancent, ont du courage et se font sujets. Daniel Bensaïd le rappelle : « le temps ne fait rien à l’affaire. Et il n’a pas de mains ». Ce n’est pas lui qui rend la justice, ce n’est pas lui qui panse les plaies. « Il y faut le doigt de l’événement2 » ; donc, l’action et la volonté.
Lire la suite